Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 mars, 7 juin et 4 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision n° CS 2022-03 du 26 janvier 2022 par laquelle la commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) lui a interdit, pendant une durée de deux ans, d'une part, de participer directement ou indirectement à l'organisation et au déroulement de toute manifestation sportive donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature, et des manifestations sportives autorisées par une fédération délégataire ou organisées par une fédération agréée ou par une ligue sportive professionnelle ainsi qu'aux entraînements y préparant organisés par une fédération agréée ou une ligue professionnelle ou l'un des membres de celles-ci, d'autre part, de prendre part à toute autre activité organisée par une fédération sportive, une ligue professionnelle ou l'un de leurs membres, ou le comité national olympique et sportif français, ainsi qu'aux activités sportives impliquant des sportifs de niveau national ou international et financées par une personne publique, à moins que ces activités ne s'inscrivent dans des programmes ayant pour objet la prévention du dopage et enfin, d'exercer toute fonction d'encadrement ou toute activité administrative au sein d'une fédération agréée ou d'une ligue professionnelle, ou d'un de leurs membre ;
2°) de mettre à la charge de l'AFLD la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu :
- le code du sport ;
- le décret n° 2020-1722 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau, Tapie, avocat de M. B... et à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de l'Agence française de lutte contre le dopage ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 24 novembre 2022, présentée par M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction qu'à l'occasion d'une compétition de rugby M. C... B... a fait l'objet d'un contrôle antidopage qui a révélé la présence dans ses urines d'octodrine (1,5-dimethylhexylamine). Par une décision du 26 janvier 2022, la commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a prononcé à son encontre la sanction d'interdiction, pendant une durée de deux ans, de participer directement ou indirectement à l'organisation et au déroulement de manifestations sportives, aux entraînements y préparant ainsi qu'à des activités sportives, et d'exercer toute fonction d'encadrement au sein d'une fédération agréée ou d'une ligue professionnelle ou d'un de leurs membres. M. B... demande l'annulation de cette décision.
Sur la régularité de la procédure :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 232-12-1 du code du sport : " (...) Le président de la commission des sanctions convoque les séances de la commission et de ses sections. Il fixe leur ordre du jour. / La commission des sanctions établit son règlement intérieur (...) ". Selon le premier alinéa de l'article 4 de la délibération n° 2018-01 du 17 septembre 2018 portant règlement intérieur de la commission des sanctions de l'AFLD, prise pour l'application de ces dispositions : " La convocation est adressée par tout moyen aux membres de la commission cinq jours au moins avant la séance, sauf cas d'urgence. Elle est accompagnée de l'ordre du jour ".
3. Il résulte de l'instruction que la convocation à la séance du 26 janvier 2022 a été adressée, par voie électronique, à l'ensemble des membres de la commission des sanctions le 20 janvier 2022, soit dans les délais impartis, et était accompagnée de l'ordre du jour prévisionnel. Par suite, le moyen tiré de ce que les membres de la commission n'auraient pas été régulièrement convoqués manque en fait.
4. En deuxième lieu, aux termes du troisième alinéa du II de l'article L. 232-22 du code du sport : " La personne concernée est convoquée à l'audience. Elle peut y présenter ses observations. Un représentant du collège de l'Agence peut également présenter des observations pour le compte de celui-ci ". Le dernier alinéa de l'article R. 232-11 du même code dispose que : " Le collège peut désigner un de ses membres ou un agent de l'agence pour le représenter devant la commission des sanctions ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 292-95 du même code : " Le membre du collège ou l'agent de l'agence désigné en application du dernier alinéa de l'article R. 232-11 peut assister à l'audience et présenter des observations. Le cas échéant, le membre du collège peut être assisté par un agent de l'agence ".
5. Il résulte de l'instruction que Mme A..., directrice adjointe des affaires juridiques et institutionnelles, a été désignée par délibération du collège du 16 décembre 2021 pour le représenter lors de la séance de la commission des sanctions du 26 janvier 2022. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de sa désignation doit être écarté comme manquant en fait.
6. En troisième lieu, d'une part, selon l'article R. 232-94 du code du sport, le rapporteur désigné par le président de la formation établit un rapport exposant les faits et rappelant les conditions du déroulement de la procédure et peut procéder à toute investigation utile dont le résultat est versé au dossier et communiqué avant la séance à l'intéressé et au collège. Le recueil par le secrétariat de la commission de pièces publiquement accessibles sur internet concernant la carrière et les qualifications de M. B... ne constitue pas une mesure d'investigation au sens de l'article R. 232-94 du code du sport. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de cet article auraient été méconnues. D'autre part, l'intéressé, qui a été mis à même de prendre connaissance de son dossier, dans lequel ces pièces avaient été versées, n'est pas fondé à soutenir que les droits de la défense auraient été méconnus.
Sur la régularité des opérations de contrôle :
7. En quatrième lieu, l'article L. 232-11 du code du sport, dans sa version alors applicable, dispose que : " sont habilités à procéder aux contrôles diligentés par l'Agence française de lutte contre le dopage ou demandés par les personnes mentionnées à l'article L. 232-13 et à rechercher et constater les infractions aux dispositions prévues aux articles L. 232-9 et L. 232-10 les agents relevant du ministre chargé des sports et les personnes agréées par l'agence et assermentés dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 232-68 du code du sport : " L'agrément des personnes chargées du contrôle au titre de l'article L. 232-11 est accordé par l'Agence française de lutte contre le dopage dans les conditions qu'elle définit. (...) / L'agrément est donné pour une durée de deux ans renouvelable ". Le moyen selon lequel la procédure serait irrégulière faute pour l'agent préleveur d'être dûment agréé et assermenté ne peut qu'être écarté, dès lors qu'il résulte de l'instruction que le médecin chargé du prélèvement a été agréé pour une durée de deux ans par une décision de l'AFLD en date du 25 février 2020 et a prêté serment devant le tribunal de grande instance de Dijon le 10 juin 2004.
Sur l'existence d'une infraction :
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 232-9 du code du sport, dans sa rédaction en vigueur à la date des faits : " I. Est interdite la présence, dans l'échantillon d'un sportif, des substances figurant sur la liste des interdictions mentionnée au dernier alinéa du présent article, de leurs métabolites ou de leurs marqueurs. Il incombe à chaque sportif de s'assurer qu'aucune substance interdite ne pénètre dans son organisme. / L'infraction au présent I est établie par la présence, dans un échantillon fourni par le sportif, d'une substance interdite, de ses métabolites ou de ses marqueurs, sans qu'il y ait lieu de faire la preuve que l'usage de cette substance a revêtu un caractère intentionnel ou a résulté d'une faute ou d'une négligence du sportif. / II. (...) / Les interdictions prévues au présent article ne s'appliquent pas aux substances et méthodes pour lesquelles le sportif dispose d'une autorisation d'usage à des fins thérapeutiques. / La liste des substances et méthodes mentionnées au présent article est celle qui est élaborée en application de la convention internationale mentionnée à l'article L. 230-2 ou de tout autre accord ultérieur qui aurait le même objet et qui s'y substituerait. Elle est publiée au Journal officiel de la République française. ".
9. Pour retenir l'existence d'une infraction à ces dispositions, la commission des sanctions a relevé, d'une part, que les analyses effectuées par le département des analyses de l'AFLD sur l'échantillon prélevé lors du contrôle antidopage mentionné au point 1 avaient fait ressortir la présence dans les urines de M. B... d'octodrine (1,5-dimethylhexylamine), substance dite spécifiée appartenant à la classe S6 des stimulants figurant sur la liste des substances interdites en compétition annexée au décret du 28 décembre 2020 portant publication de l'amendement à l'annexe I de la convention internationale contre le dopage dans le sport, adopté à Paris le 15 novembre 2020, d'autre part que l'intéressé ne disposait d'aucune autorisation d'usage à des fins thérapeutiques qui en justifierait la prise à la date de ce contrôle. M. B..., qui ne conteste ni le résultat du contrôle, ni le fait que cette substance figure sur la liste des substances interdites mentionnée à l'article L. 232-9 du code du sport, ne peut utilement se prévaloir, pour contester la constatation par la commission des sanctions de l'existence d'une infraction, de ce que celle-ci ait par ailleurs relevé, parmi les circonstances qu'elle prenait en considération pour se prononcer sur le quantum de la sanction applicable à cette infraction, que l'étiquette du complément alimentaire qu'il indiquait avoir consommé mentionnait cette substance sous une autre dénomination que celle qui figure sur cette liste.
Sur la sanction :
10. En dernier lieu, selon l'article L. 232-23-3-3 du code du sport dans sa version en vigueur à la date des faits reprochés, " la durée des mesures d'interdiction mentionnées au 2° du I de l'article L. 232-23 à raison d'un manquement à l'article L. 232-9 (...) est de deux ans lorsque ce manquement implique une substance spécifiée. Cette durée est portée à quatre ans lorsqu'il est démontré par l'Agence française de lutte contre le dopage que le sportif a eu l'intention de commettre ce manquement. ". Selon l'article L. 232-23-3-10 du même code dans sa version en vigueur à la même date, " II. La durée des mesures d'interdiction prévues aux articles L. 232-23-3-3 à L. 232-23-3-9 peut être réduite dans les conditions suivantes : 1° Lorsque l'infraction implique une substance spécifiée ou lorsque la substance interdite détectée provient d'un produit contaminé, et que l'intéressé peut établir son absence de faute ou de négligence significative, la sanction est au minimum un avertissement et au maximum une interdiction d'une durée de deux ans, en fonction de son degré de faute ;(...)/ La durée des mesures d'interdiction prévues aux articles L. 232-23-3-3 à L. 232-23-3-8 peut être réduite par une décision spécialement motivée lorsque les circonstances particulières de l'affaire le justifient au regard du principe de proportionnalité ".
11. Si M. B... fait valoir que le 2-aminoisoheptane, substance mentionnée dans la composition du produit absorbé ne figure pas dans la liste des substances interdites, que l'octodrine n'a été ajoutée à la liste des substances spécifiées que par le décret du 16 décembre 2019, que le taux révélé par l'analyse n'était pas élevé, que son absorption n'était pas délibérée et qu'il a toujours été irréprochable dans la pratique de son sport, la durée de deux ans des interdictions prononcées par la commission des sanctions de l'AFLD n'apparaît pas disproportionnée eu égard à la nature de la substance détectée et en l'absence d'élément de nature à justifier un prétendu manque de vigilance quant aux produits consommés de la part d'un sportif expérimenté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'AFLD qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'AFLD sur le même fondement en mettant à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros.
D E C I D E :
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Article 1er: La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera une somme de 3 000 euros à l'AFLD au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C... B... et à l'Agence française de lutte contre le dopage.