Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 février, 16 mai et 6 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération nationale de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie française demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 17 décembre 2021 par laquelle le ministre du travail a rejeté sa demande tendant à l'extension de l'avenant n° 114 à la convention collective nationale de la boulangerie-pâtisserie du 19 mars 1976, conclu le 1er juin 2016 ;
2°) subsidiairement, de surseoir à statuer et de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne portant sur la compatibilité avec le droit de l'Union européenne de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale dans sa version antérieure et postérieure à la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le code du travail ;
- la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de la Confédération nationale de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie française ;
Considérant ce qui suit :
1. D'une part, l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale prévoit qu'à moins qu'elles ne soient instituées par des dispositions législatives ou réglementaires, les garanties collectives dont bénéficient les salariés, anciens salariés et ayants droit en complément de celles qui résultent de l'organisation de la sécurité sociale sont déterminées, notamment, par voie de conventions ou d'accords collectifs. Le I de l'article L. 912-1 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014, dispose que : " Les accords professionnels ou interprofessionnels mentionnés à l'article L. 911-1 peuvent, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, prévoir l'institution de garanties collectives présentant un degré élevé de solidarité et comprenant à ce titre des prestations à caractère non directement contributif, pouvant notamment prendre la forme d'une prise en charge partielle ou totale de la cotisation pour certains salariés ou anciens salariés, d'une politique de prévention ou de prestations d'action sociale. / Dans ce cas, les accords peuvent organiser la couverture des risques concernés en recommandant un ou plusieurs organismes mentionnés à l'article 1er de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques ou une ou plusieurs institutions mentionnées à l'article L. 370-1 du code des assurances (...) ", sous réserve du respect des conditions de mise en concurrence et d'égalité définies au II du même article. Ces accords doivent comporter, sur le fondement du III du même article, une clause fixant dans quelles conditions et selon quelle périodicité, qui ne peut excéder cinq ans, les modalités d'organisation de la recommandation sont réexaminées.
2. D'autre part, en application de l'article L. 2261-15 du code du travail : " les stipulations d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel (...) peuvent être rendues obligatoires pour tous les salariés et employeurs compris dans le champ d'application de cette convention ou de cet accord, par arrêté du ministre chargé du travail, après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle. / L'extension des effets et des sanctions de la convention ou de l'accord se fait pour la durée et aux conditions prévues par la convention ou l'accord en cause. " L'article L. 2261-16 du même code dispose que : " le ministre chargé du travail peut également (...) rendre obligatoires, par arrêté, les avenants (...) à une convention ou à un accord étendu. " L'article L. 2261-28 du même code prévoit que : " l'arrêté d'extension d'une convention ou d'un accord devient caduc à compter du jour où la convention ou l'accord en cause cesse de produire effet. "
3. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du ministre chargé du travail de ne pas étendre un avenant à une convention de branche elle-même étendue en application de l'article L. 2261-15 du code du travail réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour le ministre chargé du travail, de procéder au réexamen de la demande d'extension en vue de procéder, le cas échéant, à son extension par voie d'arrêté.
4. Il ressort des pièces du dossier que l'avenant dont la Confédération nationale de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie française demande l'extension sur le fondement de l'article L. 2261-15 du code du travail prévoit que les organismes choisis pour mettre en œuvre les garanties collectives instaurées par les articles 34, 37, 37 ter, 37 quater et 37 quinquies de la convention collective nationale de la boulangerie-pâtisserie et par l'avenant à cette convention n° 83 du 24 avril 2006 sont reconduits pour une période de cinq années à compter du 1er janvier 2017, soit jusqu'au 31 décembre 2021. Il résulte des dispositions citées au point 2 que cet avenant n'est, depuis cette date, à laquelle ses effets propres ont pris fin, plus susceptible de faire l'objet d'une extension, peu important que les actes pris pendant la période d'effet de l'avenant continuent pour leur part de produire leurs effets. Dès lors, à la date d'introduction de la requête, enregistrée le 17 février 2022, les conclusions tendant à l'annulation du refus du ministre d'étendre l'avenant en cause étaient dépourvues d'objet et, par suite, irrecevables.
5. Les conclusions de la confédération requérante tendant à l'annulation de ce refus ne peuvent, par suite, qu'être rejetées, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens de la requête ni, en tout état de cause, de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
6. Enfin, étant présentée à l'appui de conclusions irrecevables, l'intervention de la Confédération générale de l'encadrement - Confédération générale des cadres AGRO est également irrecevable.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la Confédération nationale de la boulangerie et de la boulangerie pâtisserie française est rejetée.
Article 2 : L'intervention de la Confédération générale de l'encadrement - Confédération générale des cadres AGRO n'est pas admise.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Confédération nationale de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie française, à la Confédération générale de l'encadrement - Confédération générale des cadres AGRO et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Délibéré à l'issue de la séance du 24 novembre 2022 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat et M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 29 décembre 2022.
La présidente :
Signé : Mme Gaëlle Dumortier
Le rapporteur :
Signé : M. Eric Buge
Le secrétaire :
Signé : M. Mickaël Lemasson