Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 25 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... de Maillard demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 9 décembre 2020 par laquelle la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement, a prononcé à son encontre une interdiction d'être dirigeant ou de participer aux organes dirigeants d'un organisme mentionné au II de l'article L. 342-2 du code de la construction et de l'habitation pour une durée de dix ans ;
2°) d'ordonner la publication de sa décision aux frais du ministère de la transition écologique sur le site de l'agence nationale de contrôle du logement social et dans un journal d'information numérique AEF ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de M. de Maillard.
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction qu'à la suite d'un contrôle réalisé au cours de l'année 2016, le conseil d'administration de l'agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) a, par une délibération du 10 avril 2019, proposé au ministre chargé du logement de prononcer une sanction à l'encontre de M. A... de Maillard, président du conseil d'administration du comité interprofessionnel du logement action logement Nord (CIL ALN). La ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement, a, par une décision du 9 décembre 2020, infligé à M. de Maillard la sanction d'interdiction d'être dirigeant ou de participer aux organes dirigeants d'un organisme mentionné au II de l'article L. 342-2 du code de la construction et de l'habitation, pendant une durée de dix ans. M. de Maillard demande l'annulation de cette décision.
Sur la recevabilité des interventions
2. L'association action logement groupe et la société action logement immobilier, qui viennent aux droits respectivement de l'Union des entreprises et des salariés pour le logement et du CIL ALN, justifient, en cette qualité, eu égard à l'objet et à la nature du litige, d'un intérêt suffisant pour intervenir dans la présente instance, au soutien des conclusions présentées en défense par la ministre, qui tendent au rejet de la requête. Leurs interventions sont, par suite, recevables.
Sur la régularité de la sanction attaquée :
3. En premier lieu, d'une part, l'omission, dans une décision de sanction, de la mention des dispositions relatives aux formalités procédurales qui doivent être accomplies afin d'assurer sa régularité, est sans incidence sur sa légalité.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 342-9 du code de la construction et de l'habitation : " Le rapport provisoire est communiqué à la personne concernée, au président ou au dirigeant de l'organisme concerné, qui est mis en mesure de présenter ses observations dans un délai d'un mois./ Le rapport définitif et, le cas échéant, les observations de l'organisme contrôlé et les suites apportées au contrôle sont communiqués au conseil de surveillance, au conseil d'administration ou à l'organe délibérant en tenant lieu et soumis à délibération à sa plus proche réunion (...) ". Aux termes de l'article R. 342-14 de ce code : " Le rapport définitif de contrôle est établi après examen des observations écrites apportées au rapport provisoire par le président ou le dirigeant de l'organisme contrôlé (...), complétées par leurs observations orales lorsqu'ils ont été entendus./ Le rapport définitif est notifié au président du conseil de surveillance, du conseil d'administration ou de l'organe délibérant ou, à défaut, au dirigeant de l'organisme contrôlé (...)/ Le président ou le dirigeant de l'organisme contrôlé communique le rapport définitif, accompagné de ses éventuelles observations écrites sur ce rapport, à chaque membre du conseil de surveillance, du conseil d'administration ou de l'organe délibérant. Il inscrit son examen à la plus proche réunion du conseil de surveillance, du conseil d'administration ou de l'organe délibérant, pour être soumis à délibération. La délibération est transmise à l'agence dans les quinze jours suivant son adoption. / Dans un délai de quatre mois à compter du lendemain du jour de la notification du rapport définitif à l'organisme, le conseil de surveillance, le conseil d'administration ou l'organe délibérant de l'organisme contrôlé peut adresser à l'agence ses observations écrites sur le rapport définitif de contrôle aux fins de leur publication " ;
5. Aux termes de l'article L. 342-12 du code de la construction et de l'habitation, relatif aux suites que l'ANCOLS est susceptible de donner à ses opérations de contrôle des organismes de logement social : " En cas de manquements aux dispositions législatives et réglementaires qui lui sont applicables, d'irrégularité dans l'emploi des fonds de la participation à l'effort de construction ou des subventions, prêts ou avantages consentis par l'Etat ou par ses établissements publics et par les collectivités territoriales ou leurs établissements publics, de faute grave de gestion, de carence dans la réalisation de l'objet social ou de non-respect des conditions d'agrément constatés, l'agence demande à l'organisme ou la personne contrôlée de présenter ses observations et, le cas échéant, le met en demeure de procéder à la rectification des irrégularités dans un délai déterminé ". Aux termes de l'article L. 342-14 du même code : " I- Après que la personne ou l'organisme a été mis en mesure de présenter ses observations en application de l'article L. 342-12 ou, en cas de mise en demeure, à l'issue du délai mentionné à ce même article, l'agence peut proposer au ministre chargé du logement de prononcer les sanctions suivantes (...) / II- Par dérogation au I, lorsque la sanction concerne un office public de l'habitat ou une société d'économie mixte, elle est prise conjointement par les ministres chargés du logement et des collectivités territoriales, dans les mêmes conditions ".
6. Il résulte des dispositions des articles L. 342-12 et L. 342-14 du code de la construction et de l'habitation citées ci-dessus et du principe des droits de la défense que l'ANCOLS ne peut régulièrement proposer au ministre chargé du logement et, le cas échéant, au ministre chargé des collectivités territoriales, de prononcer une sanction contre un organisme qu'elle a contrôlé ou contre l'un de ses dirigeants ou membres de son conseil d'administration, de son conseil de surveillance ou de son directoire qu'après que, s'agissant d'une sanction visant un organisme, le conseil de surveillance, le conseil d'administration ou l'organe délibérant de cet organisme, ou, s'agissant d'une sanction visant une personne physique, cette personne elle-même, ait été informé des griefs formulés à son encontre et mis en mesure de présenter utilement ses observations avant que le conseil d'administration de l'agence ne délibère sur la sanction proposée aux ministres compétents. Si l'ANCOLS ne peut régulièrement proposer une sanction aux ministres compétents à l'égard d'un organisme contrôlé qu'après que le conseil de surveillance, le conseil d'administration ou l'organe délibérant de cet organisme a notamment été mis en mesure de présenter, en disposant à cette fin d'un délai de quatre mois, ses observations sur le rapport définitif de contrôle, les dispositions citées aux points 4 et 5, qui ne prévoient pas que le rapport définitif de contrôle de l'organisme soit notifié à une personne physique à l'encontre de laquelle elle envisage de prononcer une sanction, n'imposent pas, lorsque la sanction concerne une personne physique, que la procédure contradictoire relative à l'élaboration du rapport définitif soit préalablement menée à son terme à l'égard de l'office avant que l'agence propose au ministre de prononcer une sanction contre la personne physique.
7. Il résulte de l'instruction que M. de Maillard a été invité, par un courrier de l'ANCOLS du 5 octobre 2018, à présenter ses observations sur les manquements qui lui étaient reprochés à la suite du contrôle de l'organisme dont il avait été président. La délibération du 13 mars 2019 par laquelle le conseil d'administration de l'ANCOLS a proposé au ministre de prononcer une sanction à l'encontre de M. de Maillard est d'ailleurs intervenue après que M. de Maillard a adressé, le 5 novembre 2018, des observations sur les manquements qui lui étaient reprochés. Par suite, la procédure prévue lorsque la sanction est prononcée à l'encontre d'un dirigeant d'un organisme contrôlé ayant été respectée, M. de Maillard n'est pas fondé à soutenir que la procédure serait irrégulière.
8. En troisième lieu, la décision de sanction y compris en ce qu'elle retient, au titre des motifs de la sanction, que le montant de l'indemnité conventionnelle de rupture accordée au directeur général est excessif, est suffisamment motivée.
Sur le bien-fondé de la sanction attaquée :
9. Aux termes du I de l'article L. 342-14 du code de la construction et de l'habitation: " I.- (...) l'agence peut proposer au ministre chargé du logement de prononcer les sanctions suivantes:/ (...) 7° S'il s'agit d'un organisme mentionné à l'article L. 313-17-1 (...)/ d) L'interdiction, pour une durée d'au plus dix ans, pour un ou plusieurs dirigeants ou membres ou anciens membres des organes dirigeants d'être dirigeants ou de participer aux organes dirigeants d'un organisme mentionné au II de l'article L. 342-2. " et l'article L. 342-16 du même code dispose : " Les sanctions mentionnées au I de l'article L. 342-14 sont fixées en fonction de la gravité des faits reprochés, de la situation financière et de la taille de l'organisme (...) ".
10. En premier lieu, il résulte des termes mêmes de la décision contestée que la ministre a sanctionné M. de Maillard au motif que, s'étant abstenu de se rendre à l'assemblée générale de la société Grand Delta, il a délégué son vote à un mandataire sans s'assurer de ce que le vote de ce mandataire serait conforme aux intérêts du CIL ALN, ce qui a eu pour conséquence de faire perdre au CIL ALN la maîtrise de la gouvernance de sa principale filiale dont il venait de financer une augmentation de capital de 4,5 millions d'euros. Pour contester ce manquement, M. de Maillard ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que, contrairement à ce que relève également la décision par un motif surabondant, le conseil d'administration du CIL ALN n'aurait pas donné de consigne de vote en vue de cette assemblée générale.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-11 du code de la construction et de l'habitation : " (...) Toute convention intervenant directement ou par personne interposée entre un organisme public d'habitations à loyer modéré et son directeur général, l'un de ses directeurs ou l'un de ses administrateurs doit être soumise à l'autorisation préalable du conseil d'administration. (...) ". Si M. de Maillard, pour contester le manquement relatif à la conclusion par le CIL ALN d'un accord de rupture conventionnelle avec son ancien directeur général, sur la base d'une simple information non chiffrée du conseil d'administration et pour un montant excessif, soutient qu'il avait quitté ses fonctions à la date de signature de cet accord, le 17 juin 2016, il résulte en tout état de cause de l'instruction que le manquement relevé au point 10 est, contrairement à ce qui est allégué, de nature à lui seul, eu égard à sa gravité, à justifier légalement la sanction d'interdiction de participer aux organes dirigeants d'un organisme mentionné au II de l'article L. 342-2 du code de la construction et de l'habitation pour une durée de dix ans, qu'il y a, par suite, lieu de maintenir.
12. La présente décision rejetant la requête de M. de Maillard, les conclusions tendant à ce que le Conseil d'Etat ordonne sa publication, qui doivent être regardées comme tendant au prononcé d'une injonction sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Les interventions d'action logement groupe et de la société action logement immobilier sont admises.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. de Maillard sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... de Maillard, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à action logement groupe et à la société action logement immobilier.
Délibéré à l'issue de la séance du 14 décembre 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva présidente de chambre, M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat ; M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 13 janvier 2023.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Flavie Le Tallec
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras