Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le centre hospitalier de Mâcon à lui verser la somme de 1 347 330,91 euros, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à la suite de sa prise en charge au sein de cet hôpital, à compter du 27 août 2009. Par un jugement n° 1800230 du 21 décembre 2018, le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier de Mâcon à lui verser la somme de 59 000 euros en réparation de ses préjudices.
Par un arrêt n° 19LY00737, 19LY00743 du 25 février 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur les appels du centre hospitalier de Mâcon et de M. B..., ramené à 35 652,92 euros la somme que le centre hospitalier a été condamné à verser à M. B....
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juin et 27 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Mâcon la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de M. B... et à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat du centre hospitalier de Macon.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., victime d'une fracture du tibia, a été pris en charge dans le service de chirurgie orthopédique du centre hospitalier de Mâcon, au sein duquel il a subi, le 27 août 2009, une ostéosynthèse par plaque vissée. A la suite d'une inflammation de la cicatrice, il a de nouveau été admis au centre hospitalier de Mâcon le 8 décembre 2009. A l'occasion de cette deuxième intervention chirurgicale, la plaque d'ostéosynthèse a été retirée et remplacée par une ostéosynthèse par fixateur externe, et une infection par le staphylocoque caprae a été diagnostiquée. Après l'apparition de nouveaux signes d'infection, une nouvelle intervention chirurgicale a été pratiquée 3 juin 2010, et le fixateur externe a été remplacé par une résine. Une nouvelle infection, par propionibacterium acnes, et les signes d'une seconde fracture du tibia ont ultérieurement été diagnostiqués. Par un jugement du 21 décembre 2018, le tribunal administratif de Dijon, retenant le caractère nosocomial des deux infections, a condamné le centre hospitalier de Mâcon à indemniser M. B..., atteint d'une incapacité permanente partielle de 8 %, des préjudices subis à raison des deux infections à hauteur de 59 000 euros. Par un arrêt du 25 février 2021 contre lequel M. B... se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Lyon, estimant que la seconde infection, dont elle a confirmé le caractère nosocomial, avait seulement été à l'origine d'une perte de chance de ne pas subir une deuxième fracture du tibia, a ramené cette somme à 35 652,92 euros.
2. Aux termes du deuxième alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Les établissements, services et organismes susmentionnés [organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins] sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. ". Doit être regardée, au sens de l'article L. 1142-1, comme présentant un caractère nosocomial, une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.
3. En premier lieu, dans le cas où une infection nosocomiale a compromis les chances d'un patient d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de cette infection et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter la survenue de ce dommage, la réparation qui incombe à l'hôpital devant alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue. Il en va de même lorsque, à la suite d'une première infection nosocomiale, un patient fait l'objet d'une nouvelle prise en charge au cours ou au décours de laquelle apparaît une seconde infection nosocomiale, et que ce patient demande la réparation d'un nouveau dommage auquel cette seconde infection nosocomiale a compromis ses chances d'échapper. Toutefois, lorsqu'il est certain que le nouveau dommage ne serait pas survenu en l'absence de la première infection nosocomiale, le préjudice qui doit être réparé est le dommage corporel et non la perte de chance d'éviter la survenue de ce dommage.
4. Il résulte des termes de l'arrêt attaqué que pour juger que la seconde infection nosocomiale contractée par M. B... lui avait seulement fait perdre une chance d'éviter la survenue d'une seconde fracture du tibia, la cour administrative d'appel a retenu que le site du second foyer de fracture avait été fragilisé par la première intervention, et que la nouvelle infection contractée à cette occasion était probablement limitée dans son étendue. Il ressortait de ces constatations souveraines non entachées de dénaturation qu'il n'était pas certain que le dommage corporel constaté après la seconde infection ne serait pas survenu en l'absence de ces deux interventions. En en déduisant que le préjudice devant être réparé était non pas l'entier dommage causé par la seconde fracture mais seulement la perte de chance d'éviter ce dommage, la cour administrative d'appel de Lyon n'a pas commis d'erreur de droit.
5. En deuxième lieu, pour rejeter la demande d'indemnisation d'une perte de gains professionnels futurs au titre de l'exercice la profession de conducteur de travaux, la cour administrative d'appel a retenu, par une appréciation souveraine non entachée de dénaturation et sans commettre d'erreur de droit, d'une part qu'il ne résultait pas de l'instruction que l'exercice de cette profession serait incompatible avec l'état de santé de M. B..., d'autre part que celui-ci ne remplissait pas les conditions d'expérience requises par les fiches d'emploi qu'il produisait pour justifier de son préjudice. La cour n'a pas davantage entaché son arrêt de contradiction de motifs en jugeant néanmoins que la seconde infection nosocomiale, à la suite de laquelle M. B..., alors étudiant, a interrompu ses études pendant un an, lui avait fait perdre une chance d'obtenir un diplôme de niveau supérieur, et en lui accordant une indemnité à ce titre.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon qu'il attaque.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Mâcon, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. B... à ce titre. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme que demande le centre hospitalier de Mâcon au même titre.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.
Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de Mâcon présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au centre hospitalier de Mâcon.
Délibéré à l'issue de la séance du 14 décembre 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva présidente de chambre, M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat ; M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 13 janvier 2023.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Flavie Le Tallec
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras