Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 juillet 2021 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de procéder à l'échange de son permis de conduire ivoirien contre un permis de conduire français, ainsi que la décision de refus née du silence gardé par le préfet sur son recours gracieux du 9 septembre 2021, et d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de réexaminer sa demande. Par un jugement n° 2200326 du 2 août 2022, le tribunal administratif a fait droit à sa demande.
Par un pourvoi, enregistré le 3 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. A....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la route ;
- l'arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... a demandé le 7 juin 2021 l'échange de son permis de conduire ivoirien contre un permis de conduire français au préfet de la Loire-Atlantique, qui a rejeté sa demande par une décision du 27 juillet 2021. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer se pourvoit en cassation contre le jugement du 2 août 2022 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, sur la demande de M. A..., annulé cette décision, ainsi que la décision de rejet implicite du recours gracieux formé par M. A... le 9 septembre 2021, et enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois.
2. Aux termes de l'article R. 222-3 du code de la route : " Tout permis de conduire national, en cours de validité, délivré par un Etat ni membre de la Communauté européenne, ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen, peut être reconnu en France jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an après l'acquisition de la résidence normale de son titulaire. Pendant ce délai, il peut être échangé contre le permis français, sans que son titulaire soit tenu de subir les examens prévus au premier alinéa de l'article R. 221-2. Les conditions de cette reconnaissance et de cet échange sont définies par arrêté du ministre chargé des transports, après avis du ministre de la justice, du ministre de l'intérieur et du ministre des affaires étrangères (...) ".
3. L'article 7 de l'arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen dispose : " A. - Avant tout échange, l'autorité administrative compétente s'assure de l'authenticité du titre de conduite et, en cas de doute, de la validité des droits. / B. - Pour vérifier l'authenticité du titre de conduite, l'autorité administrative compétente sollicite, le cas échéant, l'aide d'un service spécialisé dans la détection de la fraude documentaire. / C. - Si l'authenticité du titre de conduite est établie, celui-ci peut être échangé sous réserve de satisfaire aux autres conditions. / D. - Néanmoins, quand bien même l'authenticité du titre de conduite est établie, l'autorité administrative compétente peut, avant de se prononcer sur la demande d'échange, en cas de doute selon les informations dont elle dispose, consulter l'autorité étrangère ayant délivré le titre afin de s'assurer des droits de conduite de son titulaire. La demande auprès des autorités étrangères est transmise, sous couvert du ministre chargé des affaires étrangères, service de la valise diplomatique, au consulat de France compétent qui la transmet aux autorités compétentes et avise l'autorité administrative compétente de la date de cette transmission. La demande peut être adressée également par courriel soit aux autorités consulaires françaises, soit lorsque les circonstances le permettent, directement aux autorités compétentes de l'Etat de délivrance. / Lorsque les autorités étrangères sont consultées, une nouvelle attestation de dépôt sécurisée valable huit mois est, le cas échéant, délivrée au titulaire du permis de conduire étranger. Cette attestation annule et remplace la précédente. Les autorités étrangères sont informées de ce qu'elles disposent d'un délai de six mois à compter de leur saisine par le consulat de France compétent pour répondre à la demande de vérification des droits à conduire. / Le consulat de France transmet à l'autorité administrative compétente la réponse des autorités étrangères. / Si la réalité des droits à conduire est confirmée, le titre de conduite peut être échangé sous réserve de satisfaire aux autres conditions. / Si l'autorité étrangère confirme l'absence de droits à conduire du titulaire, l'échange n'a pas lieu et le titre est retiré par l'autorité administrative compétente qui saisit le procureur de la République en le lui transmettant. / En l'absence de réception d'une réponse des autorités étrangères à la date d'expiration de l'attestation de dépôt sécurisée valable huit mois prévue au deuxième alinéa, l'échange du permis de conduire est refusé si, à cette date, le délai de six mois dont disposaient les autorités étrangères pour répondre est lui-même expiré. / E.- Si le caractère frauduleux du titre est établi, l'échange n'a pas lieu et le titre est retiré par l'autorité administrative compétente, qui saisit le procureur de la République en le lui transmettant ".
4. Il résulte de ces dispositions qu'en cas de doute sur l'authenticité du titre dont l'échange est demandé, le préfet fait procéder à son analyse avec l'aide d'un service spécialisé en fraude documentaire et peut compléter son analyse en consultant par la voie diplomatique l'autorité étrangère qui a délivré le titre. L'intéressé peut, lors de l'instruction de sa demande par l'administration comme à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir contre une décision refusant l'échange pour absence d'authenticité du titre, apporter la preuve de son authenticité par tout moyen présentant des garanties suffisantes. Cette possibilité lui est ouverte y compris dans le cas où l'autorité étrangère, consultée par le préfet, n'a pas répondu. Les documents produits par l'intéressé et présentés comme des attestations de l'autorité étrangère peuvent être pris en considération s'ils présentent eux-mêmes des garanties suffisantes d'authenticité.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... n'a pas contesté que le permis qu'il a soumis pour échange au préfet de la Loire-Atlantique, et dont le bureau de la fraude documentaire a indiqué qu'il portait, sous forme de code barre, le nom d'un autre détenteur, ne constituait pas un titre authentique. Dès lors, en se fondant sur la circonstance qu'il produisait devant le juge de l'excès de pouvoir une " attestation de droit à conduire " établie par le ministre des transports ivoirien et la copie d'un nouveau permis de conduire international délivré par le ministère des transports ivoirien le 15 mai 2020 pour juger qu'il était fondé à demander l'annulation de la décision du 27 juillet 2021 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a refusé cet échange, le tribunal administratif a commis une erreur de droit. Il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement attaqué.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
7. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté par M. A... que le permis ivoirien qu'il a présenté à l'échange ne constitue pas un titre authentique. M. A... n'est, dès lors, pas fondé à demander l'annulation des décisions par lesquelles le préfet de la Loire-Atlantique a refusé, pour ce motif, de l'échanger contre un permis français.
8. Ses conclusions aux fins d'annulation doivent, par suite, être rejetées, ainsi que ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 2 août 2022 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... devant le tribunal administratif sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A....
Délibéré à l'issue de la séance du 21 septembre 2023 où siégeaient : M. Olivier Yeznikian, assesseur, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 13 octobre 2023.
Le président :
Signé : M. Olivier Yeznikian
Le rapporteur :
Signé : M. Christophe Barthélemy
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras