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27/10/2023 | FRANCE | N°465777

France | France, Conseil d'État, Formation spécialisée, 27 octobre 2023, 465777


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juillet et 12 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur, révélée par le courrier du 18 février 2022 de la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, lui refusant l'accès aux données susceptibles de la concerner figurant dans le fichier de la direction générale de la sécurité intérieure, dénommé CRISTINA ;

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) d'enjoindre à l'Etat de faire droit à sa demande de communication des données la concer...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juillet et 12 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur, révélée par le courrier du 18 février 2022 de la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, lui refusant l'accès aux données susceptibles de la concerner figurant dans le fichier de la direction générale de la sécurité intérieure, dénommé CRISTINA ;

2°) d'enjoindre à l'Etat de faire droit à sa demande de communication des données la concernant figurant dans ce fichier ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice subi ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la SCP Foussard-Froger, son avocat, au titre des article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2018-687 du 1er août 2018 ;

- le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une séance à huis-clos, d'une part, Mme A... et la SCP Foussard-Froger, son avocat, d'autre part, le ministre de l'intérieur et des outre-mer et la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui ont été mis à même de prendre la parole avant les conclusions ;

Et après avoir entendu en séance :

- le rapport de Mme Anne Courrèges, conseillère d'Etat,

- et, hors la présence des parties, les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. En vertu de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'Etat et intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), publié avec l'arrêté autorisant le traitement. Ceux de ces traitements qui portent sur des données mentionnées au I de l'article 6 de la même loi doivent être autorisés par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé de la Commission, publié avec ce décret. Un décret en Conseil d'Etat peut dispenser de publication l'acte réglementaire autorisant la mise en œuvre de ces traitements. Le sens de l'avis émis par la CNIL est alors publié avec ce décret.

2. L'article L. 841-2 du code de la sécurité intérieure prévoit que le Conseil d'Etat est compétent pour connaître, dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant la mise en œuvre du droit d'accès aux traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'Etat et intéressant la sûreté de l'Etat ou la défense, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. En vertu de l'article R. 841-2 du même code, figure notamment au nombre de ces traitements le fichier de la direction générale de la sécurité intérieure, dénommé CRISTINA.

3. L'article L. 773-8 du code de justice administrative dispose que, lorsqu'elle traite des requêtes relatives à la mise en œuvre du droit d'accès mentionné au point 2, " la formation de jugement se fonde sur les éléments contenus, le cas échéant, dans le traitement sans les révéler ni révéler si le requérant figure ou non dans le traitement. Toutefois, lorsqu'elle constate que le traitement ou la partie de traitement faisant l'objet du litige comporte des données à caractère personnel le concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées, ou dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite, elle en informe le requérant, sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Elle peut ordonner que ces données soient, selon les cas, rectifiées, mises à jour ou effacées. Saisie de conclusions en ce sens, elle peut indemniser le requérant ". L'article R. 773-20 du même code précise que : " Le défendeur indique au Conseil d'Etat, au moment du dépôt de ses mémoires et pièces, les passages de ses productions et, le cas échéant, de celles de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui sont protégés par le secret de la défense nationale. / Les mémoires et les pièces jointes produits par le défendeur et, le cas échéant, par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement sont communiqués au requérant, à l'exception des passages des mémoires et des pièces qui, soit comportent des informations protégées par le secret de la défense nationale, soit confirment ou infirment la mise en œuvre d'une technique de renseignement à l'égard du requérant, soit divulguent des éléments contenus dans le traitement de données, soit révèlent que le requérant figure ou ne figure pas dans le traitement. / Lorsqu'une intervention est formée, le président de la formation spécialisée ordonne, s'il y a lieu, que le mémoire soit communiqué aux parties, et à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que celles mentionnées à l'alinéa précédent ".

4. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier en date du 6 décembre 2021, Mme B... A... a saisi la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) d'une demande tendant à la communication des données personnelles la concernant qui figureraient dans le traitement automatisé de données à caractère personnel mis en œuvre par la direction générale de la sécurité intérieure, dénommé CRISTINA. Par un courrier en date du 18 février 2022, la présidente de la CNIL a informé Mme A..., d'une part, que le ministre de l'intérieur s'opposait à la communication à cette dernière de données susceptibles de la concerner qui seraient conservées dans ce fichier et, d'autre part, qu'il avait été procédé aux investigations prévues à l'article 118 de la loi du 6 janvier 1978. Mme A... demande au Conseil d'Etat l'annulation de la décision rejetant sa demande d'accès à ces informations.

5. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer a communiqué au Conseil d'Etat, dans les conditions prévues à l'article R. 773-20 du code de justice administrative, les éléments susceptibles d'être relatifs à la situation de l'intéressée.

6. Il appartient à la formation spécialisée, créée par l'article L. 773-2 du code de justice administrative précité, saisie de conclusions dirigées contre le refus de communiquer les données relatives à une personne qui allègue être mentionnée dans un fichier figurant à l'article R. 841-2 du code de la sécurité intérieure, de vérifier, au vu des éléments qui lui ont été communiqués hors la procédure contradictoire, si le requérant figure ou non dans le fichier litigieux. Dans l'affirmative, il lui appartient d'apprécier si les données y figurant sont pertinentes au regard des finalités poursuivies par ce fichier, adéquates et proportionnées. Pour ce faire, elle peut relever d'office tout moyen ainsi que le prévoit l'article L. 773-5 du code de justice administrative. Lorsqu'il apparaît soit que le requérant n'est pas mentionné dans le fichier litigieux soit que les données à caractère personnel le concernant qui y figurent ne sont entachées d'aucune illégalité, la formation de jugement rejette les conclusions du requérant sans autre précision. Dans le cas où des informations relatives au requérant figurent dans le fichier litigieux et apparaissent entachées d'illégalité soit que les données à caractère personnel le concernant sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées soit que leur collecte, leur utilisation, leur communication ou leur consultation est interdite, elle en informe le requérant sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Cette circonstance, le cas échéant relevée d'office par le juge dans les conditions prévues à l'article R. 773-21 du code de justice administrative, implique nécessairement que l'autorité gestionnaire du fichier rétablisse la légalité en effaçant ou en rectifiant, dans la mesure du nécessaire, les données illégales. Dans pareil cas, doit être annulée la décision implicite refusant de procéder à un tel effacement ou à une telle rectification.

7. La formation spécialisée a procédé à l'examen des éléments fournis par le ministre et la CNIL. Il résulte de cet examen, qui s'est déroulé selon les modalités décrites au point précédent et qui n'a révélé aucune illégalité, notamment aucune contrariété au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales comme de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, que les conclusions de Mme A..., qui ne peut utilement se prévaloir de l'insuffisance de motivation de la décision contestée, doivent être rejetées, y compris ses conclusions à fin d'injonction, d'indemnisation et d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Délibéré à l'issue de la séance du 17 octobre 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président de la formation spécialisée, présidant ; M. Alexandre Lallet, conseiller d'Etat et Mme Anne Courrèges, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 27 octobre 2023.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :

Signé : Mme Anne Courrèges

Le secrétaire :

Signé : Mme Marie Carrré


Synthèse
Formation : Formation spécialisée
Numéro d'arrêt : 465777
Date de la décision : 27/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 oct. 2023, n° 465777
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Courrèges
Rapporteur public ?: M. Clément Malverti
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:465777.20231027
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