Vu la procédure suivante :
Par trois requêtes distinctes, Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon :
1°) d'annuler la décision du 26 janvier 2021 par laquelle la directrice de la caisse d'allocations familiales (CAF) du Rhône a confirmé un indu d'allocation de logement familiale de 2 299 euros pour la période de janvier 2017 à août 2020, de la décharger du paiement de l'indu en cause, et d'enjoindre à la CAF du Rhône de la rétablir dans ses droits ;
2°) d'annuler la décision du 1er décembre 2020 lui notifiant un indu de prime exceptionnelle de fin d'année 2017, 2018 et 2019 et la décision du 9 février 2021 par laquelle la CAF du Rhône a rejeté son recours gracieux, de la décharger du paiement de l'indu en cause et d'enjoindre à la CAF du Rhône de la rétablir dans ses droits ;
3°) d'annuler la décision du 9 avril 2021 par laquelle la métropole de Lyon a confirmé l'indu de revenu de solidarité active d'un montant de 18 755,49 euros mis à sa charge au titre de la période de janvier 2017 à juin 2020, de la décharger du paiement de l'indu en cause et d'enjoindre à la CAF du Rhône de la rétablir dans ses droits.
Par un jugement n°s 2101193, 2103361, 2103362 du 24 mai 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif a rejeté ses demandes.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juillet et 25 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses demandes ;
3°) de mettre à la charge de la CAF du Rhône et de la métropole de Lyon, solidairement, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le décret n° 2017-1785 du 27 décembre 2017 ;
- le décret n° 2018-1150 du 14 décembre 2018 ;
- le décret n° 2019-1323 du 10 décembre 2019 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sara-Lou Gerber, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de Mme A... et à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la métropole de Lyon.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'après un contrôle réalisé le 6 janvier 2020 par un agent assermenté, la caisse d'allocations familiales du Rhône, estimant que Mme A..., qui se déclarait comme allocataire isolée depuis 2012, vivait maritalement avec M. B... depuis le mois de novembre 2016, a procédé au recalcul de ses droits en intégrant les ressources de M. B... aux ressources du foyer. En conséquence, elle a notifié à Mme A... un indu d'allocation de logement familiale d'un montant de 2 299 euros au titre de la période de janvier 2017 à août 2020, qui a été confirmé par la directrice de la caisse d'allocations familiales du Rhône, par une décision du 26 janvier 2021 prise après avis de la commission de recours amiable. En outre, par une décision du 1er décembre 2020, la caisse d'allocations familiales du Rhône a notifié à Mme A... un indu de prime exceptionnelle de fin d'année 2017, 2018 et 2019 d'un montant total de 457,35 euros. Le recours gracieux formé par Mme A... à l'encontre de cette décision a été rejeté par une décision du 9 février 2021. Enfin, par une décision du 28 septembre 2020, la caisse d'allocations familiales du Rhône a notifié à Mme A... un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 18 755,49 euros au titre de la période de janvier 2017 à juin 2020. Par une décision du 9 avril 2021, la métropole de Lyon a confirmé cet indu. Mme A... se pourvoit en cassation contre le jugement du 24 mai 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions des 26 janvier 2021, 1er décembre 2020, 9 février 2021 et 9 avril 2021.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 821-1 du code de la construction et de l'habitation : " Les aides personnelles au logement ainsi que les primes accordées aux bénéficiaires de ces aides afin qu'ils déménagent pour s'assurer des conditions de logement plus adaptées sont régies par le présent livre. Les aides personnelles au logement comprennent : 1° L'aide personnalisée au logement ; 2° Les allocations de logement : a) L'allocation de logement familiale ; b) L'allocation de logement sociale ". Aux termes de l'article L. 822-1 du même code : " Les dispositions du présent livre relatives au bénéficiaire, à la résidence principale ou à la prise en compte des ressources applicables au conjoint, sont applicables, dans les mêmes conditions, au partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou au concubin ". Aux termes de l'article L. 822-3 du même code : " Les aides personnelles au logement ne sont pas dues aux personnes locataires d'un logement dont elles-mêmes, leurs conjoints ou l'un de leurs ascendants ou descendants, jouissent d'une part de la propriété ou de l'usufruit, personnellement ou par l'intermédiaire de parts sociales de sociétés, quels que soient leurs formes et leurs objets (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un montant forfaitaire, a droit au revenu de solidarité active dans les conditions définies au présent chapitre (...) ". Aux termes de l'article L. 262-3 du même code : " Le montant forfaitaire mentionné à l'article L. 262-2 est fixé par décret. Il est revalorisé le 1er avril de chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. L'ensemble des ressources du foyer, y compris celles qui sont mentionnées à l'article L. 132-1, est pris en compte pour le calcul du revenu de solidarité active, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 262-6 du même code : " Les ressources prises en compte pour la détermination du montant du revenu de solidarité active comprennent, sous les réserves et selon les modalités figurant au présent chapitre, l'ensemble des ressources, de quelque nature qu'elles soient, de toutes les personnes composant le foyer, et notamment les avantages en nature ainsi que les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux. Les dispositions de l'article R. 132-1 sont applicables au revenu de solidarité active ". Aux termes de l'article R. 262-11 du même code : " Pour l'application de l'article R. 262-6, il n'est pas tenu compte : (...) 14° Des aides et secours financiers dont le montant ou la périodicité n'ont pas de caractère régulier ainsi que des aides et secours affectés à des dépenses concourant à l'insertion du bénéficiaire et de sa famille, notamment dans les domaines du logement, des transports, de l'éducation et de la formation ; (...) ". Aux termes de l'article R. 262-37 du même code : " Le bénéficiaire de l'allocation de revenu de solidarité active est tenu de faire connaître à l'organisme chargé du service de la prestation toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l'un ou l'autre de ces éléments ". Enfin, les décrets des 27 décembre 2017, 14 décembre 2018 et 10 décembre 2019 instituent une aide exceptionnelle de fin d'année en faveur des allocataires du revenu de solidarité active qui ont droit à cette allocation au titre du mois de novembre de l'année en cause ou, à défaut, du mois de décembre de cette même année.
4. Il résulte des dispositions citées ci-dessus que, pour le bénéfice de l'allocation de logement familiale, du revenu de solidarité active et de la prime exceptionnelle de fin d'année, le foyer s'entend du demandeur ainsi que, le cas échéant, de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin et des enfants ou personnes de moins de vingt-cinq ans à charge qui remplissent les conditions prévues aux 2°, 4° et 5° de l'article R. 842-3 du code de la sécurité sociale. Pour l'application de ces dispositions, le concubin est la personne qui mène avec le demandeur une vie de couple stable et continue. Une telle vie de couple peut être établie par un faisceau d'indices concordants, au nombre desquels la circonstance que les intéressés mettent en commun leurs ressources et leurs charges.
5. Pour retenir l'existence d'une vie de couple stable et continue entre Mme A... et M. B... de janvier 2017 à juin 2020, le tribunal administratif a retenu qu'il résultait de l'instruction que les intéressés étaient parents de trois enfants nés en 2007, 2012 et 2017, que les comptes bancaires de M. B... mentionnaient qu'il résidait à l'adresse de Mme A..., qu'il existait des mouvements financiers réguliers entre leurs comptes bancaires et que Mme A... avait elle-même déclaré la reprise de la vie commune à la caisse d'allocations familiales du Rhône par un mail du 4 novembre 2016.
6. Toutefois, en premier lieu, la valeur probante de ces indices était contestée par Mme A..., qui soutenait n'avoir maintenu avec son ancien conjoint que les relations de bonne entente justifiées par l'existence de leurs trois enfants et ne recevoir de lui que les sommes occasionnellement nécessaires à leur entretien. Aucune précision n'était d'ailleurs apportée sur la fréquence ni sur les montants des mouvements financiers invoqués par la caisse d'allocations familiales. Elle soutenait aussi ne lui avoir permis de domicilier ses comptes bancaires à son adresse qu'en raison de la situation de grande précarité dans laquelle il se trouvait depuis leur séparation. Elle indiquait que si elle avait, de manière prématurée, informé la CAF d'une reprise de la vie commune avec son ex-conjoint les 4 novembre et 28 décembre 2016, elle l'avait également informée dès le 30 décembre 2016 de l'échec de ce projet. Elle soutenait, enfin, que la naissance en janvier 2017 de son troisième enfant était le résultat d'un rapprochement pendant une brève période avec son ancien concubin, laquelle ne témoignait pas de la reprise d'une vie commune. En second lieu, Mme A... établissait que tous les documents administratifs du foyer étaient établis à son seul nom et produisait plusieurs pièces concordantes de nature à démontrer que M. B... avait été domicilié à d'autres adresses que la sienne, dans les communes de Lyon, Pierre-Bénite, puis Oullins, notamment en 2017, 2018 et 2020. En omettant de prendre en compte ces éléments dont se prévalait Mme A..., qui conduisaient à remettre en cause la réalité d'une vie de couple stable et continue avec M. B..., le tribunal administratif de Lyon a dénaturé les pièces du dossier qui lui étaient soumis.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
8. Ainsi qu'il est dit au point 6 de la présente décision, il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance que Mme A..., qui a pu reprendre brièvement une vie de couple avec M. B... en décembre 2016 avant la naissance de leur troisième enfant, avait maintenu cette vie de couple de manière stable et continue durant la période en cause. Elle est par suite fondée à soutenir que les décisions en litige sont entachées d'erreur de fait et d'une inexacte application des dispositions citées ci-dessus du code de la construction et de l'habitation et du code de l'action sociale et des familles, et à en demander l'annulation pour ce motif.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la caisse d'allocations familiales du Rhône la somme de 2 000 euros et à celle de la métropole de Lyon la somme de 1000 euros à verser à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions du même article font obstacle à ce que la somme demandée par la métropole de Lyon soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 24 mai 2022 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : Les décisions des 26 janvier 2021, 1er décembre 2020 et 9 février 2021 de la caisse d'allocations familiales du Rhône et la décision du 9 avril 2021 de la métropole de Lyon sont annulées.
Article 3 : La caisse d'allocations familiales du Rhône versera la somme de 2 000 euros à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La métropole de Lyon versera à Mme A... la somme de 1000 euros au même titre.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme C... A..., à la caisse d'allocations familiales du Rhône, à la métropole de Lyon.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 octobre 2023 où siégeaient : Mme Fabienne Lambolez, assesseure, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et Mme Sara-Lou Gerber, maître des requêtes-rapporteure.
Rendu le 9 novembre 2023.
La présidente :
Signé : Mme Fabienne Lambolez
La rapporteure :
Signé : Mme Sara-Lou Gerber
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras