Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 7 juillet 2022, par laquelle le maire de Rasteau (Vaucluse) a délivré un permis d'aménager à la commune.
Par une ordonnance n° 2300443 du 17 février 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Par un pourvoi, enregistré le 6 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de renvoyer l'affaire au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Rasteau la somme de 2 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;
- la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de M. A... et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la commune de Rasteau ;
Considérant ce qui suit :
M. A... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 17 février 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête tendant, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 7 juillet 2022 par lequel le maire de Rasteau a délivré un permis d'aménager à la commune pour la réalisation de terrains de sport et d'un local technique et sanitaire.
En premier lieu, le moyen tiré de l'irrégularité de l'ordonnance attaquée, faute que la minute soit signée par le magistrat qui l'a rendue, manque en fait.
En second lieu, d'une part, l'article L. 213-1 du code de justice administrative, issu de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, dispose que : " La médiation régie par le présent chapitre s'entend de tout processus structuré, quelle qu'en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l'aide d'un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction ". Aux termes de l'article L. 213-5 du même code : " Les parties peuvent, en dehors de toute procédure juridictionnelle, organiser une mission de médiation et désigner la ou les personnes qui en sont chargées (...) ". L'article L. 213-6 précise, en ce qui concerne la médiation à l'initiative des parties, que : " Les délais de recours contentieux sont interrompus et les prescriptions sont suspendues à compter du jour où, après la survenance d'un différend, les parties conviennent de recourir à la médiation ou, à défaut d'écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation./ Ils recommencent à courir à compter de la date à laquelle soit l'une des parties ou les deux, soit le médiateur déclarent que la médiation est terminée. Les délais de prescription recommencent à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois ". Par ailleurs, l'article L. 213-7 du même code prévoit que : " Lorsqu'un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel est saisi d'un litige, le président de la formation de jugement peut, après avoir obtenu l'accord des parties, ordonner une médiation pour tenter de parvenir à un accord entre celles-ci ". Selon son article R. 213-8 : " En aucun cas la médiation ne dessaisit le juge, qui peut prendre à tout moment les mesures d'instruction qui lui paraissent nécessaires ". Il résulte de l'ensemble de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 18 novembre 2016, que le législateur a entendu permettre à toute partie de régler son litige de manière négociée avant ou après la saisine du juge. L'interruption des délais de recours, prévue par les dispositions précitées de l'article L. 213-6, ne s'applique qu'à la médiation organisée à l'initiative des parties avant la saisine du juge, afin de préserver leur droit de saisir ultérieurement ce dernier.
D'autre part, aux termes de l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " Un recours dirigé contre une décision de non-opposition à déclaration préalable ou contre un permis de construire, d'aménager ou de démolir ne peut être assorti d'une requête en référé suspension que jusqu'à l'expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort (...) ". Par ces dispositions, le législateur a entendu enserrer dans des délais particuliers la possibilité d'assortir une requête en annulation d'une autorisation d'urbanisme, telle qu'un permis d'aménager, d'une demande de suspension de l'exécution de cet acte, pour ne pas ralentir de façon excessive la réalisation du projet autorisé par ce permis. Par ailleurs, l'article R. 600-5 du même code prévoit que : " Par dérogation à l'article R. 611-7-1 du code de justice administrative, et sans préjudice de l'application de l'article R. 613-1 du même code, lorsque la juridiction est saisie d'une requête relative à une décision d'occupation ou d'utilisation du sol régie par le présent code, ou d'une demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant une telle décision, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Cette communication s'effectue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 611-3 du code de justice administrative. / Le président de la formation de jugement, ou le magistrat qu'il désigne à cet effet, peut, à tout moment, fixer une nouvelle date de cristallisation des moyens lorsque le jugement de l'affaire le justifie (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'un moyen nouveau présenté après l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense est, en principe, irrecevable. Lorsqu'est produit un mémoire comportant un tel moyen, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction doit informer les parties de son irrecevabilité, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, sauf s'il décide de fixer une nouvelle date de cristallisation des moyens, postérieure à la production du mémoire en cause. Il est toujours loisible au président de la formation de jugement de fixer une nouvelle date de cristallisation des moyens s'il estime que les circonstances de l'affaire le justifient. Il doit y procéder, dans le cas particulier où le moyen est fondé sur une circonstance de fait ou un élément de droit dont la partie concernée n'était pas en mesure de faire état avant l'expiration du délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense et est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire. Lorsqu'une nouvelle date de cristallisation des moyens est ainsi fixée, le délai dans lequel une requête en annulation d'une autorisation d'urbanisme peut être assortie d'une demande de suspension est rouvert jusqu'à l'expiration du nouveau délai ainsi fixé pour la cristallisation des moyens.
Il résulte de la lecture combinée des dispositions citées aux points 3 et 4 que le législateur n'a pas entendu conférer à la médiation organisée à l'initiative du juge un effet interruptif du délai fixé par l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme pour saisir le juge des référés sur le fondement de l'article L 521-1 du code de justice administrative. Il s'ensuit qu'en jugeant que la mise en œuvre, à l'initiative du juge, d'une médiation n'avait pu avoir pour effet, ni sur le fondement de l'article L. 213-6 du code de justice administrative, ni sur celui d'aucun principe général du droit, d'interrompre le délai institué par l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme pour la saisine du juge du référé afin d'obtenir la suspension de l'exécution du permis d'aménager contesté, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes n'a pas entaché son ordonnance d'erreur de droit.
Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque. Son pourvoi doit dès lors être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la commune de Rasteau.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. A... est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Rasteau au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à la commune de Rasteau.