Vu la procédure suivante :
Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 28 février 2017 par lequel le maire de la commune de Ploemeur (Morbihan) a délivré à M. A... B... un permis de construire, modifié les 18 août et 29 novembre 2017, pour des travaux d'extension et de surélévation d'une construction existante, ainsi que la décision du 9 mai 2017 rejetant son recours gracieux contre cet arrêté. Par un jugement n° 1702984 du 6 mars 2020, le tribunal administratif a fait droit à sa demande.
Par un premier arrêt n° 20NT02468 du 5 janvier 2022, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de M. B..., sursis à statuer sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et imparti à celui-ci un délai de six mois pour régulariser le vice tiré de la méconnaissance par le projet de l'article Ub 7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Ploemeur.
Par un second arrêt n° 20NT02468 du 22 novembre 2022, statuant au vu du permis de construire de régularisation délivré le 1er juillet 2022 par le maire de Ploemeur à M. B..., la cour administrative d'appel a rejeté la requête d'appel de ce dernier.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 janvier et 24 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. B... demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler ces arrêts ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes et de rejeter les conclusions de Mme D... ;
3°) de mettre à la charge de Mme D... la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Emmanuel Weicheldinger, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Balat, avocat de M. B... et à la SARL Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de C... D... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 28 février 2017, le maire de Ploemeur (Morbihan) a délivré à M. B... un permis de construire en vue de la surélévation et de l'extension d'une construction à usage d'habitation. Par des arrêtés des 18 août et 29 novembre 2017, le maire a délivré à M. B... deux permis modificatifs. Par un jugement du 6 mars 2020, le tribunal administratif de Rennes a, sur demande de Mme D..., voisine immédiate du projet, annulé l'arrêté du 28 février 2017 et la décision du 9 mai 2017 rejetant son recours gracieux. Par un premier arrêt n° 20NT02468 du 5 janvier 2022, sur appel de M. B..., la cour administrative d'appel de Nantes a, sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sursis à statuer et fixé à six mois le délai imparti pour régulariser le projet au regard de l'article Ub 7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Ploemeur relatif à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives. Par un second arrêt du 22 novembre 2022, statuant au vu du permis de construire de régularisation délivré par le maire de Ploemeur le 1er juillet 2022 à M. B..., la cour administrative d'appel a rejeté l'appel formé par ce dernier. M. B... se pourvoit en cassation contre les deux arrêts.
2. En premier lieu, la commune de Ploemeur, qui n'a pas interjeté appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 6 mars 2020, et à laquelle la cour administrative d'appel de Nantes a communiqué la requête de M. B... pour observations, n'avait pas la qualité de partie dans le litige d'appel. Par suite, M. B... ne peut utilement soutenir, en tout état de cause, que la cour aurait méconnu les dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative en ne lui communiquant pas le mémoire produit par la commune de Ploemeur entre le premier et le second arrêt.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'articles L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, dans la rédaction en vigueur à la date de l'introduction de la demande de Mme D... devant le tribunal administratif : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'extension et la surélévation de la construction faisant l'objet du permis de construire contesté étaient susceptibles d'occasionner une perte d'ensoleillement sur la propriété de Mme D... ainsi que l'ouverture de vues directes sur celle-ci depuis la surélévation et la terrasse projetées. La circonstance que les dimensions du projet de terrasse aient été revues à la baisse dans les permis modificatifs obtenus par M. B... est sans incidence sur l'intérêt à agir de Mme D..., qui s'apprécie au vu des circonstances de droit et de fait à la date d'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. Par suite, la cour administrative d'appel de Nantes n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce en estimant, au vu des éléments relatifs à la nature, à l'importance et à la localisation du projet produits par Mme D..., que celle-ci justifiait d'un intérêt à agir contre l'arrêté du 28 février 2017 qu'elle attaque.
5. En troisième lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article 5 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Ploemeur est ainsi rédigé : " Lorsqu'un immeuble bâti existant n'est pas conforme aux règles édictées par le règlement applicable à la zone, le permis de construire ne peut être accordé que pour des travaux qui ont pour objet d'améliorer la conformité de ces immeubles avec lesdites règles ou qui sont sans effet à leur égard. (...) ".
6. L'article Ub 7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Ploemeur, relatif à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives, dispose : " Les constructions principales ou annexes peuvent être implantées en limites séparatives. / Lorsqu'elles ne jouxtent pas les limites séparatives, les constructions principales ou annexes doivent être implantées à une distance par rapport à ces limites au moins égale à la moitié de leur hauteur, mesurée à l'égout de toiture ou au sommet, sans pouvoir être inférieure à 2 mètres (...) ".
7. Il ressort des énonciations non contestées de l'arrêt attaqué que l'habitation existante de M. B..., régulièrement édifiée avant l'approbation du plan local d'urbanisme de la commune, n'est pas implantée en limite séparative avec la propriété de Mme D..., mais en est séparée par un espace en biseau, d'une largeur de 0,30 mètre environ au fond de la parcelle à 0,80 mètre au niveau de l'allée des Goélettes et ne respecte donc pas les dispositions de l'article Ub 7 du règlement du plan local d'urbanisme.
8. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le permis de construire demandé par M. B..., portant sur une construction non conforme à certaines dispositions du règlement du plan local d'urbanisme régulièrement approuvé, ne pouvait lui être délivré par le maire de la commune de Ploemeur que si les travaux projetés avaient pour objet d'améliorer la conformité de la construction existante à ces dispositions ou s'ils étaient sans effet à cet égard.
9. En jugeant que les travaux autorisés par le permis de construire contesté, consistant en une surélévation de la construction existante et en l'aménagement d'une terrasse, ne pouvaient être regardés comme sans effet au regard des dispositions de l'article Ub 7 du règlement du plan local d'urbanisme, quand bien même la surélévation projetée serait elle-même réalisée à une distance de la limite séparative supérieure à celle requise, la cour administrative d'appel de Nantes n'a pas entaché son arrêt d'inexacte qualification juridique des faits. Elle a donc pu légalement en déduire que le permis de construire initial, modifié les 18 août et 29 novembre 2017, était illégal et n'avait pas été régularisé par le permis modificatif du 1er juillet 2022.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. B... doit être rejeté.
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B..., une somme de 3 000 euros à verser à Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de cette dernière qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Elles font également obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par la commune de Ploemeur, qui n'a pas la qualité de partie dans la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.
Article 2 : M. B... versera à Mme D... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Ploemeur présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à Mme C... D....
Copie en sera adressée à la commune de Ploemeur.
Délibéré à l'issue de la séance du 30 mai 2024 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Emmanuel Weicheldinger, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 5 juillet 2024.
Le président :
Signé : M. Bertrand Dacosta
Le rapporteur :
Signé : M. Emmanuel Weicheldinger
La secrétaire :
Signé : Mme Chloé-Claudia Sediang