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10/07/2024 | FRANCE | N°463830

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 10 juillet 2024, 463830


Vu la procédure suivante :



D'une part, les Hôpitaux de Saint-Maurice ont demandé au tribunal administratif de Melun de déclarer inexistant l'arrêté du ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées du 20 juin 2003 nommant Mme C... directrice adjointe de 3ème classe à l'hôpital national de Saint-Maurice à compter du 1er septembre 2003 et mettant l'intéressée à disposition du ministre à compter de cette même date, ainsi que " les actes subséquents " dont l'arrêté du 1er juillet 2014 de la directrice générale du Centre national

de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonct...

Vu la procédure suivante :

D'une part, les Hôpitaux de Saint-Maurice ont demandé au tribunal administratif de Melun de déclarer inexistant l'arrêté du ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées du 20 juin 2003 nommant Mme C... directrice adjointe de 3ème classe à l'hôpital national de Saint-Maurice à compter du 1er septembre 2003 et mettant l'intéressée à disposition du ministre à compter de cette même date, ainsi que " les actes subséquents " dont l'arrêté du 1er juillet 2014 de la directrice générale du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (CNG) portant réintégration de Mme C... au sein des effectifs des Hôpitaux de Saint-Maurice.

D'autre part, Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 11 janvier 2016 du directeur des Hôpitaux de Saint-Maurice refusant de la réintégrer en qualité de directrice adjointe au sein de l'établissement en exécution de l'arrêté du 1er juillet 2014, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux formé auprès du directeur de l'établissement et la décision implicite de la directrice générale du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière rejetant son recours formé auprès d'elle.

Par un jugement nos 1603831, 1605987 du 7 mai 2019, le tribunal administratif, ayant joint les demandes, a, d'une part, rejeté la demande des Hôpitaux de Saint-Maurice, d'autre part, annulé la décision du 11 janvier 2016 ainsi que les décisions implicites rejetant les recours formés par Mme C... auprès du directeur de l'établissement et de la directrice générale du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, et enjoint au directeur des Hôpitaux de Saint-Maurice de réintégrer l'intéressée dans le délai d'un mois à compter de la notification de son jugement et de la placer dans la situation dans laquelle elle aurait été si elle avait été effectivement réintégrée à compter du 11 juillet 2014, dans le délai de deux mois à compter de la notification de son jugement.

Par un arrêt n° 19PA02042, 19PA02043 du 9 mars 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté les appels formés par les Hôpitaux de Saint-Maurice et l'appel incident formé par le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés les 9 mai et 8 août 2022 et les 20 octobre et 18 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les Hôpitaux de Saint-Maurice demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il a rejeté leurs conclusions d'appel ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leurs appels ;

3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat des Hôpitaux de Saint-Maurice et à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 11 février 2002, la ministre de l'emploi et de la solidarité et le ministre délégué à la santé ont nommé et titularisé Mme C... en qualité de directrice adjointe de 3ème classe au centre de santé mentale de Sainte-Gemmes-sur-Loire. Par arrêté du 20 juin 2003, le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées l'a, d'une part, chargée des fonctions de directrice adjointe de 3ème classe à l'hôpital national de Saint-Maurice, d'autre part, mise à disposition du ministre chargé de la santé à compter du 1er septembre 2003. Par arrêté du 7 novembre 2003, pris après avis de la commission administrative paritaire nationale, le ministre a nommé Mme C... dans un emploi de directrice adjointe de 3ème classe à l'hôpital national et réseau national de santé publique de Saint-Maurice. Par arrêté du 14 novembre 2007, la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports a mis fin à la mise à disposition du ministre chargé de la santé de Mme C... à compter du 1er septembre 2007, a réintégré l'intéressée en qualité de directrice adjointe à l'hôpital national et réseau national de santé publique de Saint-Maurice et l'a placée, pour une durée d'un an, en position de service détaché dans le corps des administrateurs civils auprès du ministre chargé de la santé. Mme C... a ultérieurement été placée en congé parental, renouvelé en dernier lieu par un arrêté du 9 mai 2014. Par arrêté du 1er juillet 2014, la directrice générale du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière a mis fin à son congé parental à compter du 11 juillet 2014 et l'a réintégrée en surnombre, à compter de cette date, au sein des Hôpitaux de Saint-Maurice, établissement issu entretemps de la fusion de l'hôpital national et réseau national de santé publique de Saint-Maurice avec l'établissement public de santé Esquirol. Par courrier du 20 décembre 2014, Mme C... a demandé sa réintégration effective au directeur des Hôpitaux de Saint-Maurice. Par deux décisions du 8 janvier 2015 et 11 janvier 2016, celui-ci a rejeté sa demande. Le recours formé contre cette dernière décision par Mme C... auprès de la directrice générale du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière a été implicitement rejeté.

2. Par un jugement du 7 mai 2019, le tribunal administratif de Melun a, d'une part, rejeté la demande des Hôpitaux de Saint-Maurice tendant à ce que soit constatée l'inexistence de l'arrêté du ministre chargé de la santé du 20 juin 2003 et des actes subséquents, dont l'arrêté du 1er juillet 2014 de la directrice générale du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière portant réintégration de Mme C..., d'autre part, annulé la décision du 11 janvier 2016 ainsi que les décisions implicites rejetant les recours formés par Mme C... et enjoint au directeur des Hôpitaux de Saint-Maurice de procéder à sa réintégration effective et de la placer dans la situation dans laquelle elle aurait été si elle avait été effectivement réintégrée à compter du 11 juillet 2014. Par un arrêt du 9 mars 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté les appels des Hôpitaux de Saint-Maurice et l'appel incident formé par le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière contre ce jugement. Les Hôpitaux de Saint-Maurice se pourvoient en cassation contre cet arrêt en tant qu'il rejette leurs appels.

3. Aux termes du troisième alinéa de l'article 12 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, aujourd'hui repris à l'article L. 411-8 du code général de la fonction publique : " Toute nomination ou toute promotion dans un grade qui n'intervient pas exclusivement en vue de pourvoir à un emploi vacant et de permettre à son bénéficiaire d'exercer les fonctions correspondantes est nulle. ". Ces dispositions proscrivent les nominations pour ordre, qui sont entachées d'une irrégularité telle qu'elles sont regardées comme nulles et de nul effet. Le juge saisi d'un recours contre un acte nul et de nul effet étant tenu d'en constater la nullité à toute époque, il y a lieu pour lui de déclarer nulles et de nul effet les décisions en cause, alors même que les recours dirigés contre ces actes ont été introduits après l'expiration du délai de recours contentieux.

4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour rejeter les appels des Hôpitaux de Saint-Maurice, la cour administrative d'appel de Paris a retenu, d'une part, que l'arrêté du 20 juin 2003 s'était borné à anticiper illégalement le processus de nomination de Mme C... dans l'emploi de directrice adjointe de 3ème classe de l'hôpital national et réseau national de santé publique de Saint-Maurice, emploi qui n'avait pas encore été créé, d'autre part, que cet arrêté n'avait eu ni pour objet ni pour effet de faire bénéficier l'intéressée d'une promotion de grade, et qu'ainsi " il n'était pas entaché d'une illégalité d'une gravité telle qu'il constituerait une nomination pour ordre qui devrait être regardée comme nulle et non avenue ". En se fondant sur le motif, inopérant, tiré de ce que l'intéressée n'avait bénéficié d'aucune promotion, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit. En se prononçant par ce motif, sans rechercher, ainsi qu'elle y était d'ailleurs invitée par les Hôpitaux de Saint-Maurice, si cette nomination avait été effectuée en vue de pourvoir aux besoins de cet établissement ni si l'intéressée avait effectivement exercé les fonctions dans lesquelles elle avait été nommée, et alors au surplus qu'il ressortait des pièces du dossier, y compris des propres déclarations de Mme C..., que sa nomination avait eu pour seul objet de permettre sa mise à disposition auprès du ministre chargé de la santé, elle a également commis une erreur de droit et entaché son arrêt d'insuffisance de motivation. Les Hôpitaux de Saint-Maurice sont par suite fondés, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il rejette leurs appels.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. En premier lieu, aux termes des dispositions du premier alinéa de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, applicable aux établissements publics de santé : " Le directeur, président du directoire, conduit la politique générale de l'établissement. Il représente l'établissement dans tous les actes de la vie civile et agit en justice au nom de l'établissement. " Mme C... n'est, par suite, pas fondée à soutenir que les requêtes des Hôpitaux de Saint-Maurice seraient irrecevables, faute pour leur directrice de justifier de son habilitation à relever appel du jugement du 7 mai 2019.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 20 juin 2003 nommant Mme C... en qualité de chargée des fonctions de directrice adjointe de 3e classe à l'hôpital national de Saint-Maurice et la mettant simultanément à disposition du ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées n'a pas été pris en vue de pourvoir aux besoins du service et de lui permettre d'exercer les fonctions dans lesquelles elle était nommée. Il est d'ailleurs, au surplus, constant qu'aucun poste correspondant n'était vacant à cette date. Si Mme C... soutient que l'arrêté du 20 juin 2003 s'est borné à anticiper de quelques semaines sur l'arrêté du 7 novembre 2003 et que sa situation a été régularisée entretemps par la publication d'une vacances d'emploi et par la consultation de la commission administrative compétente, il ressort des pièces du dossier, notamment de son propre courrier du 2 juillet 2003, dans lequel elle indique que sa nomination doit permettre sa mise à disposition auprès du ministre chargé de la santé, que l'arrêté du 7 novembre 2003 n'a pas davantage été pris en vue de pourvoir aux besoins du service. Il en résulte également qu'elle n'a, pas plus après l'arrêté du 7 novembre 2003 qu'après celui du 20 juin 2003, jamais exercé les fonctions en cause. L'arrêté du 20 juin 2003 doit par suite être déclaré nul et de nul effet, la circonstance qu'il n'aurait procuré à Mme C... ni avantage statutaire ni avancement de grade étant sans incidence à cet égard.

8. En troisième lieu, la déclaration d'inexistence d'un acte administratif emporte celle des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte inexistant ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de cet acte. L'arrêté du 7 novembre 2003 nommant Mme C... dans un emploi de directrice adjointe au sein des Hôpitaux de Saint-Maurice doit être déclaré nul et de nul effet, pour les motifs énoncés au point précédent. L'arrêté du 1er juillet 2014 par lequel la directrice générale du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière a prononcé sa réintégration en surnombre au sein des effectifs de cet établissement n'aurait pu être légalement pris en l'absence de l'arrêté du 20 juin 2003 la nommant en qualité de chargée des fonctions de directrice adjointe dans cet établissement, dont l'inexistence est constatée au point précédent, et de l'arrêté du 7 novembre 2003. Il doit, par suite, également être déclaré nul et de nul effet.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les Hôpitaux de Saint-Maurice sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement dont ils relèvent appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté leurs conclusions, qui n'étaient pas tardives, tendant à ce que ces trois arrêtés soient déclarés nuls et de nul effet, et a annulé, à la demande de Mme C..., la décision du 11 janvier 2016 par laquelle leur directeur a refusé de réintégrer l'intéressée et lui a enjoint de procéder à sa réintégration effective et de la replacer dans la situation qui aurait été la sienne, si elle avait été effectivement réintégrée à compter du 11 juillet 2014.

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... la somme demandée par les Hôpitaux de Saint-Maurice au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de ce même article font obstacle à ce que la somme demandée par Mme C... soit mise à la charge des Hôpitaux de Saint-Maurice, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 5 mars 2022 de la cour administrative d'appel de Paris et le jugement du 7 mai 2019 du tribunal administratif de Melun sont annulés en tant qu'ils statuent sur les conclusions des parties relatives à l'arrêté du 20 juin 2003, à l'arrêté du 7 novembre 2003, à l'arrêté du 1er juillet 2014 et à la décision du 11 janvier 2016.

Article 2 : Les arrêtés du 20 juin 2003 et du 7 novembre 2003 du ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées et l'arrêté du 1er juillet 2014 de la directrice générale du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière sont déclarés nuls et de nul effet.

Article 3 : Les conclusions de Mme C... dirigées contre la décision du directeur des Hôpitaux de Saint-Maurice du 11 janvier 2016 et ses conclusions aux fins d'injonction sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée aux Hôpitaux de Saint-Maurice, devenus Hôpitaux Paris-Est Val-de-Marne, à Mme B... C... et au Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière.

Délibéré à l'issue de la séance du 24 mai 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat ; M. Alain Seban, M. Cyril Roger-Lacan, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 10 juillet 2024.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Jean-Dominique Langlais

La secrétaire :

Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 463830
Date de la décision : 10/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2024, n° 463830
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP DELAMARRE, JEHANNIN

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:463830.20240710
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