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24/07/2024 | FRANCE | N°481395

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 24 juillet 2024, 481395


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a refusé de faire entièrement droit à sa demande de communication de vingt-deux rapports administratifs réalisés par le conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux, et de lui enjoindre de lui communiquer les documents demandés dans un délai de quinze jours sous astreinte ou, à titre subsidiaire, de lui notifier une décisio

n expresse de refus de communication de ces rapports, enfin, de saisir la ...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a refusé de faire entièrement droit à sa demande de communication de vingt-deux rapports administratifs réalisés par le conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux, et de lui enjoindre de lui communiquer les documents demandés dans un délai de quinze jours sous astreinte ou, à titre subsidiaire, de lui notifier une décision expresse de refus de communication de ces rapports, enfin, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle en interprétation des dispositions applicables de la directive 2003/4/CE du 28 janvier 2003 concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement et abrogeant la directive 90/313/CEE du Conseil.

Par un jugement n° 2207390 du 16 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête dirigées contre la décision de refus implicite en tant qu'elle concerne la demande de communication des rapports nos 18077 et 19074, annulé la décision de refus implicite en tant qu'elle concerne, d'une part, le rapport n° 19032 " utilisation des animaux à des fins scientifiques " et, d'autre part, les rapports nos 18020, 18055-05, 18115, 19016-01, 19015, 19055, 19060-02, 19060-04, 1960-08, 19061, 20041, 20058, 20026, enjoint aux ministres détenteurs des rapports de les lui communiquer et rejeté le surplus de ses conclusions.

Par un pourvoi et un nouveau mémoire, enregistrés les 10 août 2023 et 5 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement attaqué qui annule le refus de communication du rapport n° 19032 " utilisation des animaux à des fins scientifiques " et l'article 5 en tant qu'il enjoint sa communication ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter, dans la même mesure, la demande de M. B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Alexandra Poirson, auditrice,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a demandé au conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux la communication de vingt-deux rapports administratifs, parmi lesquels le rapport n° 19032 intitulé " utilisation des animaux à des fins scientifiques ". La ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche se pourvoit en cassation contre le jugement du 16 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a, sur la demande de M. B..., annulé, par son article 2, la décision implicite par laquelle le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a refusé de faire droit à sa demande de communication du rapport n° 19032 " utilisation des animaux à des fins scientifiques " et lui a enjoint, par son article 5, de le lui communiquer dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 124-2 du code de l'environnement : " Est considérée comme information relative à l'environnement au sens du présent chapitre toute information disponible, quel qu'en soit le support, concernant : / 1° L'état des éléments de l'environnement, notamment l'air, l'atmosphère, l'eau, le sol, les terres, les paysages, les sites naturels, les zones côtières ou marines et la diversité biologique, ainsi que les interactions entre ces éléments ; / 2° Les décisions, les activités et les facteurs, notamment les substances, l'énergie, le bruit, les rayonnements, les déchets, les émissions, les déversements et autres rejets, susceptibles d'avoir des incidences sur l'état des éléments visés au 1°, ainsi que les décisions et les activités destinées à protéger ces éléments ; / 3° L'état de la santé humaine, la sécurité et les conditions de vie des personnes, les constructions et le patrimoine culturel, dans la mesure où ils sont ou peuvent être altérés par des éléments de l'environnement, des décisions, des activités ou des facteurs mentionnés ci-dessus ; / 4° Les analyses des coûts et avantages ainsi que les hypothèses économiques utilisées dans le cadre des décisions et activités visées au 2° ; / 5° Les rapports établis par les autorités publiques ou pour leur compte sur l'application des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement ". D'autre part, aux termes de l'article L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre ". Aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 311-2 du même code : " Le droit à communication ne s'applique qu'à des documents achevés. / Le droit à communication ne concerne pas les documents préparatoires à une décision administrative tant qu'elle est en cours d'élaboration (...) ".

3. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que, pour estimer que le rapport n° 19032 intitulé " utilisation des animaux à des fins scientifiques ", détenu par la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, contenait des informations relatives à l'environnement au sens des dispositions citées au point précédent et était, par suite, communicable dans son intégralité, le tribunal administratif a pris en compte son auteur, son intitulé, son objet et l'avis favorable, sous réserves, rendu par la commission d'accès aux documents administratifs à la communication de ce document. En statuant ainsi, alors que le droit d'accès aux informations environnementales s'applique aux seules informations contenues dans un document et ne rend pas communicable, par principe, l'intégralité de ce document, et en s'abstenant ainsi de distinguer les parties du rapport susceptibles de relever du droit d'accès aux informations environnementales et celles susceptibles de relever du droit d'accès aux documents administratifs, alors que chacun de ces deux régimes juridiques prévoit des règles particulières, notamment en ce qui concerne les exceptions au droit à communication, le tribunal administratif a entaché son jugement d'erreur de droit. Celui-ci doit, par suite, être annulé en tant qu'il annule la décision de refus implicite de communication du rapport n° 19032 intitulé " utilisation des animaux à des fins scientifiques ".

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche est fondée à demander l'annulation de l'article 2 du jugement qu'elle attaque et de son article 5 en tant qu'il enjoint la communication de ce rapport.

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 2 du jugement du 16 juin 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé ainsi que son article 5 en tant qu'il enjoint la communication du rapport n° 19032 " utilisation des animaux à des fins scientifiques ".

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, au tribunal administratif de Paris.

Article 3 : Les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et à M. A... B....

Copie en sera adressée au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Délibéré à l'issue de la séance du 4 juillet 2024 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et Mme Alexandra Poirson, auditrice-rapporteure.

Rendu le 24 juillet 2024.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

La rapporteure :

Signé : Mme Alexandra Poirson

La secrétaire :

Signé : Mme Valérie Vella


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 481395
Date de la décision : 24/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2024, n° 481395
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Alexandra Poirson
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo
Avocat(s) : SARL DELVOLVE ET TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:481395.20240724
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