Vu la procédure suivante :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision référencée " 48SI " du 5 octobre 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a constaté la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul et lui a enjoint de restituer ce titre, ainsi que les décisions individuelles de retrait de points qui y sont récapitulées. Par un jugement n° 2203958 du 12 avril 2023, le tribunal administratif lui a donné acte du désistement de ses conclusions relatives aux infractions commises les 30 mars, 11 avril et 11 octobre 2015, 15 août 2018, 22 septembre 2019, 3 mai, 15 juin, 28 juin et 3 juillet 2021 et 16 mars 2022 et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 juin et 5 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande dans cette mesure ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la route ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision référencée " 48SI " du 5 octobre 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a constaté la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul et lui a enjoint de restituer ce titre, et d'annuler les décisions de retrait de points consécutives aux infractions commises par elle les 30 mars, 11 avril et 11 octobre 2015, 15 août 2018, 21 et 24 février, 22 septembre 2019, 3 mai, 15, 18 et 28 juin et 3 juillet 2021 et 16 mars 2022. Elle demande l'annulation du jugement attaqué en tant que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif, après lui avoir donné acte de son désistement de ses conclusions relatives aux retraits de points consécutifs aux infractions des 30 mars, 11 avril et 11 octobre 2015, 15 août 2018, 22 septembre 2019, 3 mai, 15 juin, 28 juin et 3 juillet 2021 et 16 mars 2022, a rejeté le surplus de ses conclusions.
Sur le jugement en tant qu'il porte sur les infractions des 21 et 24 février 2019 et 18 juin 2021 :
2. Il résulte des dispositions des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route que l'administration ne peut légalement prendre une décision retirant des points affectés à un permis de conduire à la suite d'une infraction dont la réalité a été établie que si l'auteur de l'infraction s'est vu préalablement délivrer par elle un document contenant les informations prévues à ces articles, lesquelles constituent une garantie essentielle en ce qu'elles mettent l'intéressé en mesure de contester la réalité de l'infraction et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis. Toutefois, la seule circonstance que l'intéressé n'a pas été informé, lors de la constatation d'une infraction, de l'existence d'un traitement automatisé des points et de la possibilité d'y accéder n'entache pas d'illégalité la décision de retrait de points correspondante s'il ressort des pièces du dossier que ces éléments ont été portés à sa connaissance à l'occasion d'infractions antérieures suffisamment récentes. Par suite, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la circonstance que la requérante n'avait reçu aucune information à l'occasion de la commission des infractions des 21 et 24 février 2019 et 18 juin 2021 ne faisait pas obstacle à ce que soit recherchée si elle avait bénéficié des informations requises à l'occasion d'infractions antérieures suffisamment récentes. En considérant que les infractions qu'il a relevées dans son jugement, à l'occasion desquelles il a jugé que Mme A... devait être regardées comme ayant reçu l'ensemble des informations requises, étaient suffisamment récentes, il a porté sur les pièces du dossier qui lui était soumis une appréciation souveraine qui n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation.
Sur le jugement en tant qu'il porte sur l'infraction du 29 avril 2021 :
3. D'une part, l'article L. 225-1 du code de la route fixe la liste des informations qui, sous l'autorité et le contrôle du ministre de l'intérieur, sont enregistrées au sein du système national des permis de conduire. En particulier le 6° de cet article prévoit l'enregistrement dans ce système " de toutes décisions judiciaires à caractère définitif en tant qu'elles portent restriction de validité, suspension, annulation et interdiction de délivrance du permis de conduire, ou qu'elles emportent réduction du nombre de points du permis de conduire ainsi que de l'exécution d'une composition pénale ". En vertu de l'arrêté du 29 juin 1992 fixant les supports techniques de la communication par le ministère public au ministère de l'intérieur des informations prévues à l'article L. 30 (4°, 5°, 6° et 7°), devenu l'article L. 225-1 (3°, 4°, 5° et 6°), du code de la route, les informations mentionnées au 6° de l'article L. 225-1 du code de la route, sont communiquées par l'officier du ministère public par support ou liaison informatique. Il résulte de ces dispositions que le mode d'enregistrement et de contrôle des informations relatives aux infractions au code de la route conduit à considérer que la réalité de l'infraction est établie dans les conditions prévues à l'article L. 223-1 du code de la route dès lors qu'est inscrite, dans le système national des permis de conduire, la mention d'une condamnation pénale devenue définitive. Le titulaire d'un permis de conduire n'établit pas, ainsi qu'il lui incombe de le faire, l'inexactitude d'une telle mention en se bornant à justifier qu'il a présenté un recours contre une condamnation à une date postérieure à celle à laquelle, selon le relevé intégral d'information relatif à son permis, elle a acquis un caractère définitif. Dans l'hypothèse où la juridiction pénale, statuant sur le recours ainsi introduit, le jugerait recevable et annulerait la condamnation postérieurement au rejet par le juge administratif du recours dirigé contre la décision de retrait de points ou celle constatant la perte de validité du permis, il appartiendrait à l'administration de retirer cette décision.
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 223-6 du code de la route : " Si le titulaire du permis de conduire n'a pas commis, dans le délai de deux ans à compter de la date du paiement de la dernière amende forfaitaire, de l'émission du titre exécutoire de la dernière amende forfaitaire majorée, de l'exécution de la dernière composition pénale ou de la dernière condamnation définitive, une nouvelle infraction ayant donné lieu au retrait de points, son permis est affecté du nombre maximal de points. / Le délai de deux ans mentionné au premier alinéa est porté à trois ans si l'une des infractions ayant entraîné un retrait de points est un délit ou une contravention de la quatrième ou de la cinquième classe. / Toutefois, en cas de commission d'une infraction ayant entraîné le retrait d'un point, ce point est réattribué au terme du délai de six mois à compter de la date mentionnée au premier alinéa, si le titulaire du permis de conduire n'a pas commis, dans cet intervalle, une infraction ayant donné lieu à un nouveau retrait de points ".
5. Mme A... a soutenu devant le tribunal administratif d'Amiens qu'elle avait formé opposition à l'ordonnance pénale du 1er avril 2022 par laquelle le tribunal de police de Senlis a reconnu la réalité de l'infraction du 29 avril 2021, qui a entraîné le retrait d'un point de son permis, de sorte que la réalité de cette infraction ne pouvait plus être regardée comme établie, et qu'elle aurait dû, dès lors, bénéficier de la réattribution de point prévue au dernier alinéa de l'article L. 223-6 du code de la route avant la date du 2 novembre 2022, à laquelle la décision du 5 octobre 2022 lui a été régulièrement notifiée. Pour écarter ce moyen, le tribunal administratif a retenu que la réalité de l'infraction en cause avait été établie le 9 juin 2022 seulement, en portant sur les pièces du dossier qui lui était soumis, notamment le relevé intégral d'information de l'intéressée, une appréciation souveraine qui, en l'absence de dénaturation, n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation. Il n'a pas commis d'erreur de droit en déduisant de ces constatations souveraines que la requérante ne s'était pas trouvée remplir, avant la date de notification régulière de la décision portant invalidation de son permis de conduire, les conditions requises pour bénéficier de cette réattribution. En se prononçant par ces motifs, il a suffisamment motivé son jugement sur ce point.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque. Son pourvoi doit, par suite, être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Mme A... est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré à l'issue de la séance du 26 septembre 2024 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 22 octobre 2024.
Le président :
Signé : M. Jean-Philippe Mochon
Le rapporteur :
Signé : M. Jean-Dominique Langlais
La secrétaire :
Signé : Mme Anne-Lise Calvaire