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25/10/2024 | FRANCE | N°468453

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 25 octobre 2024, 468453


Vu la procédure suivante :



M. B... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 6 août 2018 par lequel le maire de Saint-Marc-Jaumegarde a délivré à M. D... E... un permis de construire une maison individuelle.



Par un jugement n° 1808090 du 3 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.



Par une ordonnance n° 22MA00870 du 31 mars 2022, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille

a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administr...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 6 août 2018 par lequel le maire de Saint-Marc-Jaumegarde a délivré à M. D... E... un permis de construire une maison individuelle.

Par un jugement n° 1808090 du 3 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Par une ordonnance n° 22MA00870 du 31 mars 2022, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par M. et Mme A....

Par ce pourvoi et un mémoire, enregistré le 5 avril 2024 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme A... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 3 janvier 2022 ;

2°) de mettre à la charge de M. E... et de la commune de Saint-Marc-Jaumegarde la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme,

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Eche, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de M. et Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 6 août 2018, le maire de Saint-Marc-Jaumegarde a délivré à M. D... E... un permis de construire une maison individuelle. M. et Mme A... se pourvoient en cassation contre le jugement du 3 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté.

2. En premier lieu, en vertu de l'article 6.B.4.2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Marc-Jaumegarde dans sa version applicable à la date de l'arrêté attaqué, les voies de desserte des terrains d'assiette des constructions " doivent être équipées de poteaux d'incendie tous les 150 mètres (en zone urbaine) ou 200 mètres. Lorsque la voie est d'une longueur inférieure à 150 ou 200 mètres, elle doit être équipée d'un point d'eau normalisé à chaque extrémité. / Le point d'eau doit fournir à tout moment 120 m3 d'eau en deux heures en sus de la consommation normale des usagers (...) ". Il résulte de ces dispositions que ces voies de desserte doivent disposer des équipements en cause à la date de délivrance du permis de construire. En écartant le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions au motif qu'il était attesté que pouvait être conclu un contrat d'eau pour un poteau d'incendie située au droit du terrain d'assiette, le tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit.

3. En deuxième lieu, aux termes de ce même article 6.B.4.1 du règlement du plan local d'urbanisme : " Pour être constructible, un terrain doit disposer d'un accès, de nature à permettre à la fois l'évacuation des personnes et à faciliter l'intervention sur le terrain des moyens de secours, présentant les caractéristiques suivantes : / - être relié à une voie ouverte à la circulation ; / -la chaussée doit mesurer au moins 5 mètres de large en tout point (...) / Les bâtiments doivent être situés à moins de 30 mètres de la voie ouverte à la circulation publique, et accessibles à partir de celle-ci par une voie carrossable (...) d'une largeur supérieure ou égale à 3 mètres (...) ". Il résulte de ces dispositions que la chaussée de la voie ouverte à la circulation doit mesurer au moins 5 mètres de large en tout point tandis que la voie carrossable entre celle-ci et la construction doit être d'une largeur supérieure ou égale à 3 mètres. Il s'ensuit qu'en écartant le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions au motif que la voie ouverte à la circulation desservant le terrain d'assiette mesure entre 3 mètres et 6 mètres de bord à bord, le tribunal administratif a commis une deuxième erreur de droit.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".

5. Lorsqu'une autorisation d'urbanisme a été délivrée en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance de l'autorisation, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'une autorisation modificative dès lors que celle-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédée de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Elle peut, de même, être régularisée par une autorisation modificative si la règle relative à l'utilisation du sol qui était méconnue par l'autorisation initiale a été entretemps modifiée ou si cette règle ne peut plus être regardée comme méconnue par l'effet d'un changement dans les circonstances de fait de l'espèce. Il en va de même dans le cas où le bénéficiaire de l'autorisation initiale notifie en temps utile au juge une décision individuelle de l'autorité administrative compétente valant mesure de régularisation à la suite d'un jugement décidant, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, de surseoir à statuer sur une demande tendant à l'annulation de l'autorisation initiale. En revanche, la seule circonstance que le vice dont est affectée l'autorisation initiale résulte de la méconnaissance d'une règle d'urbanisme qui n'est plus applicable à la date à laquelle le juge statue sur la demande d'annulation est insusceptible, par elle-même, d'entraîner une telle régularisation et de justifier le rejet de la demande.

6. Le tribunal administratif, après avoir estimé que le moyen tiré de la méconnaissance de la disposition de l'article 6.B.4.1 du règlement du plan local d'urbanisme exigeant que la voie de desserte du terrain d'assiette n'excède pas 30 mètres lorsqu'elle est en impasse, l'a écarté au motif que le permis avait été régularisé sur ce point par la modification du plan local d'urbanisme de Saint-Marc-Jaumegarde approuvée le 11 octobre 2018.

7. Il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'en jugeant que la modification du plan local d'urbanisme permettait de régulariser le permis de construire litigieux, en l'absence de mesure individuelle de régularisation prise par la commune de Saint-Marc-Jaumegarde après cette modification, le tribunal administratif a commis une troisième erreur de droit.

8. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, M. et Mme A... sont fondés à demander l'annulation du jugement qu'ils attaquent.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... et de la commune de Sain-Marc-Jaumegarde la somme de 1 500 euros chacun à verser à M. et Mme A..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 janvier 2022 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Marseille.

Article 3 : M. D... E... et la commune de Saint-Marc-Jaumegarde verseront chacun à M. et Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et Mme C... A..., à M. D... E... et à la commune de Saint-Marc-Jaumegarde.

Délibéré à l'issue de la séance du 10 octobre 2024 où siégeaient : Mme Anne Courrèges, conseillère d'Etat, présidant ; M. Jean-Yves Ollier, conseiller d'Etat et M. Julien Eche, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 25 octobre 2024.

La présidente :

Signé : Mme Anne Courrèges

Le rapporteur :

Signé : M. Julien Eche

Le secrétaire :

Signé : M. Guillaume Auge


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 468453
Date de la décision : 25/10/2024
Type de recours : Rectif. d'erreur matérielle

Publications
Proposition de citation : CE, 25 oct. 2024, n° 468453
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Julien Eche
Rapporteur public ?: M. Clément Malverti
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD, LOISEAU, MASSIGNON

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:468453.20241025
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