Vu les procédures suivantes :
1° Mme B... A... a demandé à la commission du contentieux du stationnement payant d'annuler la décision rejetant son recours administratif préalable dirigé contre l'avis de paiement du forfait de post-stationnement n° 21750001600019-21-3-124-052-010 mis à sa charge le 4 mai 2021 par la Ville de Paris. Par une décision n° 21072378 du 8 mars 2023, le magistrat désigné par la présidente de la commission a rejeté sa demande.
Sous le n° 472912, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 avril 2023, 10 juillet 2023 et 19 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sous le n° 472918, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 avril 2023, 10 juillet 2023 et 19 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la route ;
- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
- la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Leduc, Vigand, avocat de Mme A... et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la Ville de Paris ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... se pourvoit en cassation, par deux pourvois qu'il y a lieu de joindre, contre deux décisions par lesquelles la commission du contentieux du stationnement payant a rejeté ses recours dirigés contre deux avis de paiement de forfaits de post-stationnement mis à sa charge les 4 et 5 mai 2021 par la Ville de Paris.
Sur le cadre juridique :
2. Aux termes, d'une part, du I de l'article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales : " Sans préjudice de l'application des articles L. 2213-2 et L. 2512-14, le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou du syndicat mixte compétent pour l'organisation de la mobilité (...) peut instituer une redevance de stationnement, compatible avec les dispositions du plan de mobilité, s'il existe (...) ". Aux termes du II du même article : " Le montant du forfait de post-stationnement dû, déduction faite, le cas échéant, du montant de la redevance de stationnement réglée dès le début du stationnement, est notifié par un avis de paiement (...). / Les mentions portées sur l'avis de paiement du forfait de post-stationnement par l'agent assermenté font foi jusqu'à preuve contraire (...) ". Aux termes de l'article R. 2333-120-4 du même code : " I. - Le montant du forfait de post-stationnement dû est notifié par un avis de paiement qui comprend deux parties intitulées respectivement "Etablissement de l'avis de paiement du forfait de post-stationnement" et "Modalités de paiement et contestation":/ 1° La première partie de l'avis de paiement comporte, dans l'ordre, les mentions suivantes :/ (...) d) La date, l'heure et le lieu de constatation de l'absence ou de l'insuffisance de paiement immédiat de la redevance (...) ".
3. Aux termes, d'autre part, du 2ème alinéa du VI de l'article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales : " Les recours contentieux visant à contester l'avis de paiement du montant du forfait de post-stationnement dû font l'objet d'un recours administratif préalable obligatoire auprès de la commune, de l'établissement public de coopération intercommunale, du syndicat mixte ou du tiers contractant dont relève l'agent assermenté ayant établi ledit avis. " Aux termes du 4ème alinéa du même VI de cet article : " La décision rendue à l'issue du recours administratif préalable contre l'avis de paiement du forfait de post-stationnement peut faire l'objet d'un recours devant la commission du contentieux du stationnement payant. Le titre exécutoire émis en cas d'impayé peut également faire l'objet d'un recours devant cette commission. Il se substitue alors à l'avis de paiement du forfait de post-stationnement impayé. " Aux termes de l'article R. 2333-120-44 du même code, relatif à la procédure devant la commission du contentieux du stationnement payant : " La commune, l'établissement public de coopération intercommunale ou le syndicat mixte compétent dispose d'un délai d'un mois à compter de la date à laquelle lui est communiquée la requête pour produire un mémoire en défense. Cette communication vaut mise en demeure. / A défaut de production, l'instruction est close et le défendeur est réputé avoir acquiescé aux faits exposés dans la requête du requérant. "
4. Enfin, en vertu des dispositions de l'article 22 du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 (RGPD) et de l'article 47 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, aucune décision produisant des effets juridiques à l'égard d'une personne ou l'affectant de manière significative ne peut être prise sur le seul fondement d'un traitement automatisé de données à caractère personnel.
5. Il résulte des dispositions du code général des collectivités territoriales citées ci-dessus que, lorsque le conseil municipal, ou l'organe délibérant compétent, a pris la décision d'instituer une redevance de stationnement, l'absence de paiement de cette redevance ou son paiement incomplet peut donner lieu à la notification au titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule concerné d'un avis de paiement de forfait de post-stationnement. Un tel avis de paiement doit comporter notamment des mentions relatives à la localisation du véhicule lors du constat de l'absence ou de l'insuffisance de paiement.
6. Il résulte des échanges intervenus au cours de la séance orale d'instruction organisée par la 5ème chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat que, postérieurement à l'adoption de ces dispositions issues de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, s'est développée l'utilisation, pour le contrôle du stationnement payant, de techniques de géolocalisation par satellite et que les mentions qui sont portées sur les avis de paiement de forfait de post-stationnement peuvent désormais être fondées sur l'exploitation de données émanant de tels dispositifs de géolocalisation. L'agent assermenté peut ainsi soit être présent sur la voie publique, le cas échéant équipé d'un terminal mobile qui assure sa géolocalisation et lui permet de prendre une photographie du véhicule ainsi localisé, soit intervenir à distance sur la base d'informations, transmises par voie électronique, recueillies par un véhicule en déplacement continu, équipé d'un système automatisé de lecture des plaques d'immatriculation, qui comprennent notamment la géolocalisation et la photographie du véhicule dans son environnement proche. Dans les deux cas, l'agent assermenté qui porte sur l'avis de paiement les mentions prévues par les dispositions du code général des collectivités territoriales est tenu de vérifier, avant l'émission de cet avis, l'exactitude des données relevées par le système de géolocalisation par satellite du véhicule contrôlé ainsi que, lorsqu'il intervient à distance, les photographies prises lors du constat.
7. Si les dispositions citées ci-dessus du II de l'article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales prévoient que, en cas de contestation, " les mentions portées sur l'avis de paiement du forfait de post-stationnement par l'agent assermenté font foi jusqu'à preuve contraire ", il résulte toutefois des échanges intervenus au cours de la séance orale d'instruction organisée par la 5ème chambre et des observations d'ordre général visées ci-dessus, en particulier des observations produites par la Défenseure des droits, que, lorsque la mention relative à la localisation précise du véhicule portée par l'agent assermenté résulte de l'usage d'un dispositif de géolocalisation, elle est susceptible d'être affectée d'un risque d'erreur. Un tel risque d'erreur, qu'il appartient au demeurant aux autorités compétentes de prévenir en imposant, notamment en cas de recours à un tiers contractant, le respect des exigences les plus élevées en matière de fiabilité de la géolocalisation et de diligences de l'agent assermenté, impose également qu'une contestation sur ce point puisse être utilement soulevée au stade du recours administratif préalable obligatoire puis, le cas échéant, devant la commission du contentieux du stationnement payant.
8. Afin de donner sa pleine effectivité au dispositif de recours administratif préalable obligatoire ouvert contre l'avis de paiement du forfait de stationnement, il appartient aux autorités compétentes saisies, dans ce cadre, d'une contestation sur le lieu précis de stationnement du véhicule constaté sur la base d'un dispositif de géolocalisation, de vérifier que les photographies prises lors du constat sont de nature à confirmer les mentions portées sur l'avis de paiement. En l'absence de photographies horodatées permettant d'identifier le véhicule dans son environnement ou si les photographies ne permettent pas de se prononcer sur la localisation du véhicule au moment du constat, il leur appartient de faire droit à tout recours assorti d'une argumentation suffisamment étayée, notamment en cas de stationnement du véhicule en limite de zone tarifaire.
9. Lorsque, après rejet du recours administratif préalable obligatoire, la commission du contentieux du stationnement payant est saisie, il appartient à cette commission de se prononcer au vu des pièces produites dans le cadre de l'exercice du recours administratif préalable obligatoire et de toute production nouvelle faite devant elle, notamment en défense, dans le respect des règles gouvernant la charge de la preuve devant le juge administratif qui interdisent de réclamer à une partie des éléments de preuve que l'autre partie est seule à détenir. En cas de défense non assortie de photographies de nature à confirmer le constat établi sur la base de la géolocalisation, la commission du contentieux du stationnement payant se prononce au regard de l'ensemble des éléments produits par les parties. En l'absence de production en défense, elle peut, en application des dispositions, citées ci-dessus, de l'article R. 2333-120-44 du code général des collectivités territoriales, constater l'acquiescement du défendeur aux faits exposés dans la requête.
Sur le litige :
10. Il ressort des pièces des dossiers soumis au juge du fond que Mme A... a contesté en vain, par l'exercice de recours administratifs préalables obligatoires devant le tiers contractant de la Ville de Paris, puis devant la commission du contentieux du stationnement payant, deux avis de paiement de forfaits de post-stationnement qui indiquent, au titre de la mention relative au lieu des constats, les 4 et 5 mai 2021, l'adresse du 5 rue de Phalsbourg. Elle a soutenu devant la commission que cette mention était erronée et le constat d'un paiement insuffisant injustifié, dès lors que son véhicule était resté en stationnement, entre le 28 avril et le 6 mai 2021, du côté pair de la rue de Phalsbourg, dans une zone qui, à la différence du côté impair de cette même rue, lui ouvrait droit au bénéfice du stationnement au tarif résidentiel, qu'elle a payé. En défense, la Ville de Paris s'est bornée à opposer la présomption prévue au II de l'article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales et l'absence de production par la requérante de la preuve de ce que son véhicule n'était pas stationné au n° 5 de la rue de Phalsbourg lors des constats.
11. Il résulte des termes mêmes des décisions attaquées que la commission du contentieux du stationnement payant, saisie d'un moyen contestant de façon étayée la mention portée sur les avis de paiement par l'agent assermenté et relative au lieu précis des constats d'insuffisance du paiement, a rejeté les demandes de Mme A... en se bornant à relever que celle-ci n'apportait, au soutien de ses allégations selon lesquelles elle avait stationné son véhicule du côté pair de la rue, où elle bénéficiait du régime du stationnement résidentiel, aucun élément de preuve de nature à renverser la présomption qui résulte les dispositions du II de l'article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales. Or, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que, saisie d'allégations étayées contestant la mention relative à la localisation du véhicule portée par l'agent assermentée sur la base d'un dispositif de géolocalisation et, par suite, l'insuffisance du paiement de la redevance au tarif de stationnement applicable, et en l'absence de production par l'administration en défense d'éléments de preuve, notamment photographiques, de nature à confirmer l'exactitude de ces mentions, il lui appartenait de se prononcer au regard de l'ensemble des éléments dont elle était saisie. Il suit de là qu'en rejetant les requêtes de Mme A... au motif qu'en application du II de l'article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales, il appartient à la personne qui conteste les mentions portées sur l'avis de paiement de forfait de post-stationnement d'apporter tous les éléments de nature à en démontrer le caractère erroné et que l'intéressée n'apportait aucun commencement de preuve à l'appui de ses allégations, la commission du contentieux du stationnement payant a commis une erreur de droit qui justifie, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des pourvois, l'annulation des décisions attaquées.
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler les affaires au fond.
13. Il résulte des écritures en défense produites par la Ville de Paris devant le Conseil d'Etat dans la perspective du règlement au fond que le véhicule de Mme A... était effectivement, ainsi que cette dernière l'a toujours soutenu, stationné du côté pair de la rue de Phalsbourg lors des constats dressés les 4 et 5 mai 2021. Or il n'est pas contesté que l'intéressée bénéficiait du régime résidentiel dans la zone incluant le côté pair de la rue de Phalsbourg et qu'elle avait réglé la redevance de stationnement au tarif résidentiel pour la période du 28 avril au 6 mai 2021. Dans ces conditions, Mme A... est fondée à demander la décharge des forfaits de post-stationnement qu'elle conteste.
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 3 000 euros à verser à Mme A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Les décisions de la commission du contentieux du stationnement payant n° 21072378 et n° 21072389 du 8 mars 2023 sont annulées.
Article 2 : Mme A... est déchargée de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge par les avis de paiement de forfaits de post-stationnement n° 21750001600019-21-3-124-052-010 et n° 21750001600019-21-3-125-052-093.
Article 3 : La Ville de Paris versera la somme de 3 000 euros à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à la Ville de Paris.
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur, à la Défenseure des droits, à la Commission nationale de l'informatique et des libertés, à l'Association des maires de France, à la Fédération nationale des métiers du stationnement et à la société par actions simplifiée Contrôle de stationnement payant en voirie.
Délibéré à l'issue de la séance du 21 octobre 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; M. Stéphane Hoynck, M. Alain Seban, Mme Laurence Helmlinger, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et M. Cyrille Beaufils, maître des requêtes et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 18 novembre 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Christophe Barthélemy
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras