Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision référencée " 48 SI ", notifiée le 10 juin 2020, par laquelle le ministre de l'intérieur a constaté la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul, ainsi que la décision implicite de rejet née du silence de ce ministre sur sa demande, reçue le 18 février 2022, de restitution de neuf points correspondant à trois infractions commises le 14 mai 2018 pour l'une et le 11 mai 2019 pour les deux autres, et d'enjoindre au ministre de rétablir ces points au capital de points de son permis de conduire sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par un jugement n° 2205491 du 26 octobre 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif a annulé la décision implicite de rejet de la demande de restitution de trois points retirés à la suite de l'infraction commise par l'intéressé le 11 mai 2019 à 3 h 12, enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de réattribuer ces points et d'en tirer les conséquences sur le capital de points et le droit de conduire de l'intéressé dans le délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement, et rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Par un pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 janvier et 3 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de ce jugement.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la route ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. B..., qui a obtenu un nouveau permis de conduire le 7 janvier 2019, s'est vu retirer neuf points du capital de points de ce permis par des décisions du ministre de l'intérieur faisant suite à trois infractions commises le 14 mai 2018 pour l'une et le 11 mai 2019 pour les deux autres, et notifier en conséquence une décision référencée " 48 SI " le 10 juin 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur a constaté la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul. Une décision implicite est née du silence conservé par ce ministre sur la demande de M. B..., reçue le 18 février 2022, de se voir restituer ces neuf points. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer se pourvoit en cassation contre le jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles annule cette décision implicite en tant qu'elle rejette la demande de restitution de trois points retirés à la suite de l'infraction commise par M. B... le 11 mai 2019 à 3 h 12 et lui enjoint de réattribuer ces points à l'intéressé, ainsi que d'en tirer les conséquences sur son capital de points et son droit de conduire dans le délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement.
2. En premier lieu, il résulte des termes mêmes du point 11 du jugement attaqué que M. B... a produit devant le juge du fond un bordereau de situation des amendes et condamnations pécuniaires le concernant, édité le 23 novembre 2021, indiquant que le titre exécutoire afférent à l'amende forfaitaire majorée mentionnée dans le relevé intégral des informations relatives à son permis de conduire et consécutive à l'infraction commise le 11 mai 2019 à 3 h 12, a fait l'objet d'une annulation par l'officier du ministère public le 27 janvier 2021. En raison de ce changement de circonstances, la décision née le 19 avril 2022 du silence conservé par le ministre de l'intérieur sur la demande de retrait de sa décision retirant trois points du capital de points du permis de conduire de l'intéressé à la suite de l'infraction commise le 11 mai 2019 ne peut être regardée comme confirmative. En l'absence d'indication des voies et délai de recours, les conclusions, enregistrées le 15 juillet 2022, de la demande de M. B... tendant à l'annulation de cette décision implicite de rejet n'étaient dès lors pas tardives. Ce motif, qui s'évince des faits constants établis par les pièces du dossier soumis au juge du fond et qui répond à un moyen soulevé devant lui par M. B..., doit être substitué à celui retenu au point 7 du jugement du tribunal administratif de Versailles, dont il justifie légalement le dispositif.
3. En second lieu, il résulte des dispositions de l'article 530 du code de procédure pénale qu'une réclamation contre le titre exécutoire d'une amende forfaitaire majorée, lorsqu'elle est formée dans les délais et dans les formes prévus par cet article et par l'article 529-10 du même code, entraîne l'annulation du titre exécutoire. En vertu de l'article R. 49-8 du même code, l'officier du ministère public saisi d'une réclamation recevable porte sans délai cette annulation à la connaissance du comptable de la direction générale des finances publiques. Il appartient ensuite à l'officier du ministère public soit de diligenter des poursuites devant la juridiction pénale au titre de l'infraction contestée, soit de classer l'affaire sans suite. Eu égard aux dispositions de l'article L. 123-1 du code de la route, l'annulation du titre exécutoire a pour conséquence que la réalité de l'infraction ne peut plus être regardée comme établie. L'autorité administrative doit, par suite, rétablir sur le permis de conduire les points qui avaient pu être retirés, sans préjudice d'un nouveau retrait si le juge pénal est saisi et prononce une condamnation.
4. Ainsi qu'il est dit au point 2, la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Versailles tendait à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de retrait de la décision de retrait de trois points consécutive à l'infraction commise le 11 mai 2019 à 3 h 12, à laquelle il avait joint un relevé intégral des informations relatives à son permis de conduire qui établissait que l'amende forfaitaire majorée relative à cette infraction a fait l'objet d'une annulation par l'officier du ministère public le 27 janvier 2021. En vertu des dispositions citées au point 3, le ministre de l'intérieur était dès lors tenu de rétablir ces trois points sur le permis de conduire de l'intéressé, sans préjudice d'un nouveau retrait, le cas échéant. En raison de ce changement de circonstances, la décision litigieuse n'était pas une décision de rejet d'une mesure purement gracieuse. Il suit de là que le moyen pris de ce que les conclusions de M. B... tendant à son annulation étaient irrecevables doit être écarté.
5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque. Son pourvoi doit dès lors être rejeté.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....
Délibéré à l'issue de la séance du 18 octobre 2024 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 20 novembre 2024.
Le président :
Signé : M. Jean-Philippe Mochon
Le rapporteur :
Signé : M. Christophe Barthélemy
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras