Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a rejeté sa demande de reconstitution intégrale du capital de points de son permis de conduire, ainsi que la décision référencée " 48 SI " par laquelle ce ministre a constaté la perte de validité de ce permis pour solde de points nul, d'enjoindre à ce ministre d'affecter à son permis un capital de douze points et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 7 000 euros en réparation des préjudices matériel et moral que lui a causés cette décision. Par un jugement n° 2302783 du 14 décembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a annulé la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a rejeté la demande de reconstitution intégrale du capital de points du permis de M. A..., enjoint au ministre de restituer à l'intéressé ce permis valide et affecté d'un capital de douze points dans un délai de quinze jours, condamné l'Etat à verser à M. A... la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral et rejeté le surplus de ses conclusions.
Par un pourvoi enregistré le 13 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. A....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la route ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision référencée " 48 SI " enregistrée le 23 avril 2016 au relevé intégral des informations relatives au permis de conduire de l'intéressé, le ministre de l'intérieur a constaté l'invalidité du permis de conduire de M. A... pour solde de points nul. M. A... a demandé le 20 décembre 2022 au ministre de l'intérieur et des outre-mer de lui restituer son permis, affecté d'un solde de douze points. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer se pourvoit en cassation contre le jugement du 14 décembre 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a, sur la demande de l'intéressé, annulé la décision implicite par laquelle il a rejeté cette demande, lui a enjoint de restituer son permis de conduire affecté d'un capital de douze points à M. A... dans un délai de quinze jours et a condamné l'Etat à verser à celui-ci la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral.
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le ministre de l'intérieur et des outre-mer soutenait que le pli par lequel il a notifié à M. A... la décision référencée " 48 SI ", par laquelle il constatait l'invalidité du permis de conduire de l'intéressé pour solde points nul, a été distribué à l'intéressé ou à son mandataire au bureau de poste dans lequel il a été mis en instance le lendemain du jour où il a été présenté à une adresse connue de l'administration, ainsi qu'il résulte d'une attestation des services postaux, que, par suite, cette décision était devenue définitive, faute d'avoir été contestée dans le délai de recours contentieux et que, dès lors, les conclusions dirigées contre le refus de la retirer étaient tardives et ainsi irrecevables. Il ressort du jugement attaqué que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif n'a pas répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, son jugement doit être annulé.
3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
4. Il incombe à l'administration, lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté d'une action introduite devant une juridiction administrative, d'établir la date à laquelle la décision attaquée a été régulièrement notifiée à l'intéressé. Lorsque le destinataire d'une décision administrative soutient que l'avis de réception d'un pli recommandé portant notification de cette décision à l'adresse qu'il avait lui-même indiquée à l'administration n'a pas été signé par lui ou que le pli n'a pas été retiré par lui au bureau de poste où il avait été mis en instance, il lui appartient d'établir que le signataire de l'avis ou la personne qui a retiré le pli n'avait pas qualité pour recevoir celui-ci.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond, et notamment d'une attestation des services postaux du 25 juillet 2016 produite par le ministre de l'intérieur et des outre-mer, ainsi qu'il est dit au point 2, qu'en l'absence de M. A... à l'adresse à laquelle le pli notifiant la décision référencée " 48 SI " a été présenté lors du passage du préposé le 22 avril 2016, correspondant au dernier domicile connu de l'administration pour avoir été mentionnée sur deux procès-verbaux d'infractions au code de la route des 30 août 2013 et 23 octobre 2014 dressés après interception du conducteur, ce pli a été distribué le 23 avril 2016 au bureau de poste dans lequel il avait été mis en instance. M. A... n'établit pas que la personne qui a retiré ce pli n'avait pas qualité pour le recevoir. La notification doit dans ces conditions être regardée comme régulière et avoir fait courir le délai de recours contentieux à l'encontre de la décision référencée " 48 SI ". Cette décision était ainsi devenue définitive le 20 décembre 2022, date à laquelle M. A... a demandé au ministre de l'intérieur et des outre-mer de la retirer. Par suite, cette demande de retrait doit être analysée comme tendant à l'obtention d'une mesure purement gracieuse. M. A... n'est dès lors pas recevable à contester le refus implicite qui lui a été opposé.
6. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. A... dirigées contre la décision référencée " 48 SI " du 23 avril 2016 et contre la décision implicite de refus de retirer cette décision doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et de condamnation de l'Etat à l'indemniser de son préjudice.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 14 décembre 2023 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande de première instance de M. A... sont rejetées, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Délibéré à l'issue de la séance du 18 octobre 2024 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 20 novembre 2024.
Le président :
Signé : M. Jean-Philippe Mochon
Le rapporteur :
Signé : M. Christophe Barthélemy
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras