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21/11/2024 | FRANCE | N°472269

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 21 novembre 2024, 472269


Vu la procédure suivante :



M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 juin 2018 par laquelle la ministre du travail, après avoir retiré la décision implicite rejetant le recours hiérarchique dont elle était saisie, a annulé la décision du 20 septembre 2017 de l'inspectrice du travail de la section 5 de l'unité de contrôle Le Port Euromed de l'unité départementale des Bouches-du-Rhône refusant d'autoriser son licenciement et a autorisé la société Aérofarm à procéder à ce

licenciement pour motif économique. Par un jugement n° 1806037 du 22 septembre 202...

Vu la procédure suivante :

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 juin 2018 par laquelle la ministre du travail, après avoir retiré la décision implicite rejetant le recours hiérarchique dont elle était saisie, a annulé la décision du 20 septembre 2017 de l'inspectrice du travail de la section 5 de l'unité de contrôle Le Port Euromed de l'unité départementale des Bouches-du-Rhône refusant d'autoriser son licenciement et a autorisé la société Aérofarm à procéder à ce licenciement pour motif économique. Par un jugement n° 1806037 du 22 septembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 21MA04317 du 20 janvier 2023, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par M. A... B... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 mars et 19 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Fraval, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. A... B... et à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Aérofarm ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C... A... B... a été recruté par la société Aérofarm, qui appartient au groupe Fareva et avait pour activité le conditionnement d'aérosols à usage humain ou en dispositifs médicaux, où il exerçait les fonctions de magasinier et détenait le mandat de membre titulaire de la délégation unique du personnel. Par une décision du 20 septembre 2017, l'inspectrice du travail a refusé l'autorisation sollicitée par la société de le licencier pour motif économique. Saisie par un recours hiérarchique formé par la société Aérofarm, la ministre du travail a, par une décision du 6 juin 2018, retiré sa décision implicite de rejet née du silence gardé sur ce recours, annulé la décision de l'inspectrice du travail et autorisé le licenciement de M. A... B.... Par un jugement du 22 septembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. A... B... tendant à l'annulation de cette décision. M. A... B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 janvier 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son appel contre ce jugement.

2. En premier lieu, en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié.

3. A ce titre, lorsque la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, il n'appartient pas à l'autorité administrative de contrôler si cette cessation d'activité est justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise. Il lui incombe en revanche de contrôler que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive, en tenant compte, à cet effet, à la date à laquelle elle se prononce, de tous les éléments de droit ou de fait recueillis lors de son enquête qui sont susceptibles de remettre en cause le caractère total et définitif de la cessation d'activité. Lorsque l'entreprise appartient à un groupe, la circonstance qu'une autre entreprise du groupe ait poursuivi une activité de même nature ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que la cessation d'activité de l'entreprise soit regardée comme totale et définitive. En revanche, le licenciement ne saurait être autorisé s'il apparaît que le contrat de travail du salarié doit être regardé comme transféré à un nouvel employeur. Il en va de même s'il est établi qu'une autre entreprise est, en réalité, le véritable employeur du salarié.

4. En estimant, d'une part, que la cessation de l'activité de la société Aérofarm, située à Marseille, est totale et définitive, la circonstance que d'autres filiales du groupe Fareva aient poursuivi une activité de production d'aérosols de même nature ne pouvant utilement être invoquée à cet égard, et, d'autre part, que cette société n'exerce aucune activité à Quétigny, en Côte-d'Or, la cour administrative d'appel de Marseille, à qui il n'appartenait pas de se prononcer sur les choix stratégiques du groupe pour constater la cessation de l'activité, a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis au juges du fond que si deux directeurs généraux de la société Aérofarm participaient régulièrement à la gestion, à la direction et à l'administration de de cette société, notamment dans la gestion des ressources humaines et dans les relations commerciales, alors qu'ils étaient par ailleurs salariés de la société Fareva, un autre directeur général, qui n'était pas salarié de la société Fareva, intervenait également dans les principales décisions la concernant. En outre, alors même que certains moyens de la société Aérofarm étaient mutualisés avec le groupe Fareva, il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Aérofarm était privée de toute autonomie dans ses choix de gestion. Par suite, en jugeant que la société-mère Fareva ne pouvait pas être regardée comme le véritable employeur de M. A... B..., la cour administrative d'appel de Marseille a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation.

6. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. / (...) Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ". Il résulte de ces dispositions que pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié protégé, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu, à ce titre, comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. Pour ce faire, l'autorité administrative doit tenir compte de l'ensemble des circonstances de fait qui lui sont soumises, notamment de ce que les recherches de reclassement ont débouché sur des propositions précises de reclassement, de la nature et du nombre de ces propositions, ainsi que des motifs de refus avancés par le salarié.

7. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, d'une part, que, à la suite d'une recherche effectuée auprès de l'ensemble des filiales du groupe Fareva situées sur le territoire national, cinq propositions concrètes, précises et personnalisées de postes de magasinier et de préparateur de commandes ont été adressées au requérant, qu'il a implicitement refusées, et, d'autre part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un nouvel emploi correspondant à sa qualification aurait été disponible au sein du groupe. Elle a pu en déduire, pour ces motifs, que la société Aérofarm n'avait pas méconnu son obligation de procéder à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille qu'il attaque.

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Aérofarm au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. A... B... est rejeté.

Article 2 : Les conclusions de la société Aérofarm présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C... A... B..., à la société Aérofarm et à la ministre du travail et de l'emploi.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 472269
Date de la décision : 21/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 nov. 2024, n° 472269
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Fraval
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SARL THOUVENIN, COUDRAY, GREVY ; SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:472269.20241121
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