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29/11/2024 | FRANCE | N°469012

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 29 novembre 2024, 469012


Vu la procédure suivante :



La société Hellier du Verneuil a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1813539 du 26 mai 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.



Par un arrêt n° 21PA04204 du 21 septembre 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Hellier du Verneuil con

tre ce jugement.



Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enreg...

Vu la procédure suivante :

La société Hellier du Verneuil a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1813539 du 26 mai 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 21PA04204 du 21 septembre 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Hellier du Verneuil contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 21 novembre 2022 et le 21 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Hellier du Verneuil demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de la société Hellier du Verneuil ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 novembre 2024, présentée par la société Hellier du Verneuil ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Hellier du Verneuil, qui exerce une activité d'administrateur de biens, de location d'immeubles et de transactions immobilières, a acquis le 23 décembre 2010 la totalité des parts de la société civile immobilière (SCI) du 9 bis rue des 4 chemins à Aubervilliers (ci-après : la SCI du 9 bis), qui était propriétaire d'un immeuble à usage commercial et de bureaux qu'elle donnait en location. A l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a remis en cause, sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, l'application du régime des sociétés mères aux distributions réalisées par la SCI du 9 bis au profit de la société Hellier du Verneuil au cours de l'exercice clos par cette dernière le 31 décembre 2010 et, en conséquence, a réintégré dans le résultat de la société au titre de cet exercice la somme de 1 881 000 euros correspondant à ces dividendes, défalcation faite de la quote-part pour frais et charges de 5 %. Par un jugement du 26 mai 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société Hellier du Verneuil tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010 ainsi que des pénalités correspondantes. La société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 21 septembre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use de la faculté qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif ou que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.

3. Aux termes de l'article 145 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " 1. Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu'il est défini à l'article 216, est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions ci-après : / a. Les titres de participations doivent revêtir la forme nominative ou être déposés dans un établissement désigné par l'administration ; / b. les titres de participation doivent représenter au moins 5 % du capital de la société émettrice (...) ; / c. Les titres de participation doivent avoir été conservés pendant un délai de deux ans (...) ". Selon l'article 216 du même code : " I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges. / La quote-part de frais et charges visée au premier alinéa est fixée uniformément à 5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris (...) ".

4. Il résulte de l'ensemble des travaux préparatoires du régime fiscal des sociétés mères, en particulier de ceux de l'article 27 de la loi du 31 juillet 1920 portant fixation du budget général de l'exercice 1920, de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1936 portant réforme fiscale, de l'article 45 de la loi du 14 avril 1952 portant loi de finances pour 1952, des articles 20 et 21 de la loi du 12 juillet 1965 modifiant l'imposition des entreprises et des revenus de capitaux mobiliers et de l'article 9 de la loi de finances pour 2001, ainsi que de la circonstance que le bénéfice de ce régime fiscal a toujours été subordonné à une condition de détention des titres depuis l'origine ou de durée minimale de détention, et, depuis 1936, à une condition de seuil de participation minimale dans le capital des sociétés émettrices, que le législateur, en cherchant à supprimer ou à limiter la succession d'impositions susceptibles de frapper les produits que les sociétés mères perçoivent de leurs participations dans des sociétés filles et ceux qu'elles redistribuent à leurs propres actionnaires, a eu comme objectif de favoriser l'implication de sociétés mères dans le développement économique de sociétés filles pour les besoins de la structuration et du renforcement de l'économie française.

5. Il ressort des énonciations non contestées de l'arrêt attaqué qu'à la suite de l'acquisition par la société Hellier du Verneuil, le 23 décembre 2010, pour un prix de 2 177 727 euros, de l'ensemble des parts sociales de la SCI du 9 bis, celle-ci a cédé, le 28 décembre 2010, l'immeuble qu'elle exploitait. L'usufruit temporaire, d'une durée de vingt ans, a été cédé à la SCI Finor, associée majoritaire de la société Hellier du Verneuil, pour un montant de 2 550 000 euros. La nue-propriété a été cédée à une société créée pour les besoins de l'opération, la SCI Finor-Bervilliers, filiale à 99,9 % de la société Hellier du Verneuil, pour un montant de 450 000 euros, cette SCI devant, au terme de la durée de l'usufruit, détenir l'immeuble en pleine propriété. Le même jour, la SCI du 9 bis, utilisant le produit de la vente, a versé à sa mère, la société Hellier du Verneuil, un acompte sur dividendes de 1 980 000 euros. A la clôture de l'exercice, le 31 décembre 2010, la société Hellier du Verneuil a, d'une part, par application du régime des sociétés mères prévu aux articles 145 et 216 du code général des impôts, retranché de son bénéfice net total la somme de 1 881 000 euros correspondant au montant des dividendes perçus sous déduction de la quote-part de frais et charges de 5 % et, d'autre part, constitué une provision pour dépréciation des titres détenus dans la SCI du 9 bis pour un montant de 2 140 000 euros, déductible de son résultat au taux normal, en vertu des dispositions du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts et du a sexies-0 bis du I de l'article 219 de ce code, s'agissant de titres d'une société à prépondérance immobilière. La société Hellier du Verneuil a ainsi dégagé, au titre de son exercice clos le 31 décembre 2010, un déficit fiscal de 951 067 euros, reportable sur ses résultats des exercices ultérieurs. Enfin, le 15 février 2013, la société Hellier du Verneuil a absorbé la SCI du 9 bis par voie de transmission universelle du patrimoine.

6. D'une part, pour juger que les opérations décrites au point 5 avaient méconnu les objectifs poursuivis par le législateur quand il a institué le régime des sociétés mères, la cour administrative d'appel a relevé que l'acquisition des titres de la SCI du 9 bis par la société Hellier du Verneuil avait été suivie immédiatement de la cession de l'immeuble exploité par la SCI, qui constituait l'essentiel de son actif, puis de la distribution à la société Hellier du Verneuil du produit de la vente, déduction faite d'une somme laissée à l'actif de la SCI pour qu'elle s'acquitte de l'imposition correspondant à la plus-value de cession de l'immeuble, et que la société Hellier du Verneuil n'avait ensuite pris, pendant les deux années suivantes, aucune mesure de nature à permettre à la SCI du 9 bis de poursuivre son ancienne activité ou d'en trouver une nouvelle, avant finalement de procéder à sa dissolution moins de deux mois après l'expiration du délai minimal de conservation des titres au respect duquel était subordonné le bénéfice du régime des sociétés mères. D'autre part, pour juger que les opérations décrites au point 5 avaient été inspirées par un but exclusivement fiscal, la cour administrative d'appel a relevé qu'en dépit de la circonstance que l'immeuble initialement exploité par la SCI du 9 bis avait été conservé au sein du groupe informel constitué autour de la société Hellier du Verneuil, aucune des allégations avancées par celle-ci ne permettait d'expliquer la succession de ces opérations, notamment le maintien à son actif, pendant la durée de deux ans nécessaire pour bénéficier du régime des sociétés mères, des titres d'une société désormais vidée de sa substance et dépourvue de toute activité, par la poursuite d'un but autre que fiscal. En déduisant de ces motifs que la conservation par la société Hellier du Verneuil, pendant la durée requise par le c du 1 de l'article 145 du code général des impôts cité au point 3, des titres d'une filiale privée de tous ses actifs, dans des conditions caractérisant l'absence de toute implication de la société mère dans le développement économique de sa fille, devait être regardée comme constitutive d'un abus de droit justifiant la remise en cause de l'application du régime fiscal des sociétés mères, la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé son arrêt et a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation, ne les a pas inexactement qualifiés.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société Hellier du Verneuil doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi présenté par la société Hellier du Verneuil est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Hellier du Verneuil et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 novembre 2024 où siégeaient :

M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat, M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 29 novembre 2024.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Saby

La secrétaire :

Signé : Mme Fehmida Ghulam

La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 469012
Date de la décision : 29/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - ABUS DE DROIT ET FRAUDE À LA LOI - EXISTENCE – CONSERVATION - ENVIRON PENDANT LE DÉLAI MINIMAL REQUIS POUR BÉNÉFICIER DE CE RÉGIME - DES TITRES D’UNE SOCIÉTÉ DONT LES ACTIFS AVAIENT ÉTÉ IMMÉDIATEMENT CÉDÉ APRÈS SON ACQUISITION ET QUI AVAIT UTILISÉ LE PRODUIT DE LA VENTE POUR VERSER UN ACOMPTE SUR DIVIDENDES SOUS LE RÉGIME PRÉVU AUX ARTICLES 145 ET 216 DU CGI [RJ1].

19-01-03-03 Société requérante ayant acquis l’ensemble des parts sociales d’une SCI A, laquelle a cédé cinq jours plus tard l’immeuble qu’elle exploitait après en avoir démembré la propriété. Usufruit temporaire ayant été cédé à une SCI B, associée majoritaire de la société requérante. Nue-propriété ayant été cédée à une société créée pour les besoins de l’opération, la SCI C, filiale à 99,9 % de la société requérante, cette SCI devant, au terme de la durée de l’usufruit, détenir l’immeuble en pleine propriété. Le même jour, SCI A, utilisant le produit de la vente, ayant versé à sa mère, la société A, un acompte sur dividendes. ...Société requérante ayant, d’une part, par application du régime prévu aux articles 145 et 216 du code général des impôts (CGI), retranché de son bénéfice net la somme correspondant au montant des dividendes perçus, sous déduction de la quote-part de frais et charges, et, d’autre part, constitué une provision pour dépréciation des titres détenus dans la SCI A. Société requérante ayant ainsi dégagé un déficit fiscal, reportable sur ses résultats des exercices ultérieurs. ...Société requérante ayant absorbé la SCI A par voie de transmission universelle du patrimoine, environ deux ans et deux mois après son acquisition....D’une part, l’acquisition des titres de la SCI B par la société requérante a été suivie immédiatement de la cession de l’immeuble exploité par la SCI, qui constituait l’essentiel de son actif, puis de la distribution à la société A du produit de la vente, déduction faite d’une somme laissée à l’actif de la SCI pour qu’elle s’acquitte de l’imposition correspondant à la plus-value de cession de l’immeuble. La société A n’a ensuite pris, pendant les deux années suivantes, aucune mesure de nature à permettre à la SCI B de poursuivre son ancienne activité ou d’en trouver une nouvelle, avant finalement de procéder à sa dissolution moins de deux mois après l’expiration du délai minimal de conservation des titres au respect duquel était subordonné le bénéfice du régime des sociétés mères. Par suite, les opérations décrites ci-dessus méconnaissent les objectifs poursuivis par le législateur quand il a institué le régime des sociétés mères...D’autre part, en dépit de la circonstance que l’immeuble initialement exploité par la SCI B avait été conservé au sein du groupe informel constitué autour de la société A, aucune des allégations avancées par celle-ci ne permettait d’expliquer la succession de ces opérations, notamment le maintien à son actif, pendant la durée de deux ans nécessaire pour bénéficier du régime des sociétés mères, des titres d’une société désormais vidée de sa substance et dépourvue de toute activité, par la poursuite d’un but autre que fiscal. Il en résulte que les opérations décrites ci-dessus ont été inspirées par un but exclusivement fiscal. ...Il résulte de ce qui précède que la conservation par la société A, pendant la durée requise par le c du 1 de l’article 145 du CGI, des titres d’une filiale privée de tous ses actifs, dans des conditions caractérisant l’absence de toute implication de la société mère dans le développement économique de sa fille, doit être regardée comme constitutive d’un abus de droit justifiant la remise en cause de l’application du régime fiscal des sociétés mères.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - RÈGLES GÉNÉRALES - IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES DES SOCIÉTÉS ET AUTRES PERSONNES MORALES - DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE IMPOSABLE - RÉGIME DES SOCIÉTÉS MÈRES (ART - 145 ET 216 DU CGI) – CONSERVATION - ENVIRON PENDANT LE DÉLAI MINIMAL REQUIS POUR BÉNÉFICIER DE CE RÉGIME - DES TITRES D’UNE SOCIÉTÉ DONT LES ACTIFS AVAIENT ÉTÉ IMMÉDIATEMENT CÉDÉS APRÈS SON ACQUISITION ET QUI AVAIT UTILISÉ LE PRODUIT DE CETTE VENTE POUR VERSER UN ACOMPTE SUR DIVIDENDES SOUS CE RÉGIME – ABUS DE DROIT – EXISTENCE [RJ1].

19-04-01-04-03 Société requérante ayant acquis l’ensemble des parts sociales d’une SCI A, laquelle a cédé cinq jours plus tard l’immeuble qu’elle exploitait après en avoir démembré la propriété. Usufruit temporaire ayant été cédé à une SCI B, associée majoritaire de la société requérante. Nue-propriété ayant été cédée à une société créée pour les besoins de l’opération, la SCI C, filiale à 99,9 % de la société requérante, cette SCI devant, au terme de la durée de l’usufruit, détenir l’immeuble en pleine propriété. Le même jour, SCI A, utilisant le produit de la vente, ayant versé à sa mère, la société A, un acompte sur dividendes. ...Société requérante ayant, d’une part, par application du régime prévu aux articles 145 et 216 du code général des impôts (CGI), retranché de son bénéfice net la somme correspondant au montant des dividendes perçus, sous déduction de la quote-part de frais et charges, et, d’autre part, constitué une provision pour dépréciation des titres détenus dans la SCI A. Société requérante ayant ainsi dégagé un déficit fiscal, reportable sur ses résultats des exercices ultérieurs. ...Société requérante ayant absorbé la SCI A par voie de transmission universelle du patrimoine, environ deux ans et deux mois après son acquisition....D’une part, l’acquisition des titres de la SCI B par la société requérante a été suivie immédiatement de la cession de l’immeuble exploité par la SCI, qui constituait l’essentiel de son actif, puis de la distribution à la société A du produit de la vente, déduction faite d’une somme laissée à l’actif de la SCI pour qu’elle s’acquitte de l’imposition correspondant à la plus-value de cession de l’immeuble. La société A n’a ensuite pris, pendant les deux années suivantes, aucune mesure de nature à permettre à la SCI B de poursuivre son ancienne activité ou d’en trouver une nouvelle, avant finalement de procéder à sa dissolution moins de deux mois après l’expiration du délai minimal de conservation des titres au respect duquel était subordonné le bénéfice du régime des sociétés mères. Par suite, les opérations décrites ci-dessus méconnaissent les objectifs poursuivis par le législateur quand il a institué le régime des sociétés mères...D’autre part, en dépit de la circonstance que l’immeuble initialement exploité par la SCI B avait été conservé au sein du groupe informel constitué autour de la société A, aucune des allégations avancées par celle-ci ne permettait d’expliquer la succession de ces opérations, notamment le maintien à son actif, pendant la durée de deux ans nécessaire pour bénéficier du régime des sociétés mères, des titres d’une société désormais vidée de sa substance et dépourvue de toute activité, par la poursuite d’un but autre que fiscal. Il en résulte que les opérations décrites ci-dessus ont été inspirées par un but exclusivement fiscal. ...Il résulte de ce qui précède que la conservation par la société A, pendant la durée requise par le c du 1 de l’article 145 du CGI, des titres d’une filiale privée de tous ses actifs, dans des conditions caractérisant l’absence de toute implication de la société mère dans le développement économique de sa fille, doit être regardée comme constitutive d’un abus de droit justifiant la remise en cause de l’application du régime fiscal des sociétés mères.


Publications
Proposition de citation : CE, 29 nov. 2024, n° 469012
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Saby
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SCP JEAN-PHILIPPE CASTON

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:469012.20241129
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