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29/11/2024 | FRANCE | N°469935

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 29 novembre 2024, 469935


Vu la procédure suivante :



La société Performing Right Society a demandé au tribunal administratif de Montreuil la restitution de la retenue à la source opérée sur les redevances de droits d'auteur collectées pour son compte par la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) à hauteur de 374 706 euros et de 1 261 472 euros au titre, respectivement, des années 2013 et 2014. Par deux jugements n° 1502977 du 18 avril 2017 et n° 1702789 du 3 avril 2018, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à ses demandes.



Par deux arrêts n° 17VE01940 du 12 mars 2019 et n° 18VE01822 du

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Vu la procédure suivante :

La société Performing Right Society a demandé au tribunal administratif de Montreuil la restitution de la retenue à la source opérée sur les redevances de droits d'auteur collectées pour son compte par la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) à hauteur de 374 706 euros et de 1 261 472 euros au titre, respectivement, des années 2013 et 2014. Par deux jugements n° 1502977 du 18 avril 2017 et n° 1702789 du 3 avril 2018, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à ses demandes.

Par deux arrêts n° 17VE01940 du 12 mars 2019 et n° 18VE01822 du

18 juin 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté les appels formés par le ministre de l'action et des comptes publics contre ces jugements.

Par une décision nos 430594, 432845 du 5 février 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé ces deux arrêts et renvoyé les affaires devant la cour administrative d'appel de Versailles.

Par un arrêt nos 21VE00439, 21VE00440 du 15 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Versailles a, par l'article 1er de cet arrêt, donné acte du désistement du ministre de l'économie, des finances et de la relance à hauteur des sommes de 5 609 euros au titre de l'année 2013 et de 170 810 euros au titre de l'année 2014, par l'article 2, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête du ministre à hauteur des sommes de 72 137 euros pour 2013 et de 202 214 euros pour 2014, puis, par les articles 3 et 4, remis à la charge de la société Performing Right Society les retenues à la source à hauteur de 296 960 euros au titre de l'année 2013 et de 888 448 euros au titre de l'année 2014 et réformé en conséquence les jugements du 18 avril 2017 et du 3 avril 2018 du tribunal administratif de Montreuil.

Par un pourvoi, enregistré le 22 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat d'annuler l'article 2 de cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Lionel Ferreira, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société de droit britannique Performing Right Society, domiciliée à Londres, exerce une activité de collecte et de gestion des droits d'utilisation, de diffusion et de distribution des œuvres, notamment musicales, dont les membres sont les auteurs, compositeurs ou interprètes. L'administration fiscale n'ayant que partiellement fait droit à sa demande tendant à la restitution, sur le fondement de la convention fiscale franco-britannique, des retenues à la source opérées au titre des années 2013 et 2014 sur les redevances que lui versait la SACEM en raison de l'utilisation en France des œuvres et des artistes qu'elle représente, la société Performing Right Society a demandé au tribunal administratif de Montreuil la restitution du reliquat de la retenue à la source litigieuse. Ce tribunal a fait droit à ses demandes par deux jugements du 18 avril 2017 et du 3 avril 2018. Par deux arrêts du 12 mars 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté les appels du ministre de l'action et des comptes publics dirigés contre ces jugements. Par une décision du 5 février 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé ces deux arrêts et renvoyé les affaires devant la cour administrative d'appel de Versailles. Par un arrêt du 15 novembre 2022, cette cour, après avoir jugé, par l'article 2 de cet arrêt, qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions d'appel du ministre à hauteur des sommes de 72 137 euros pour 2013 et 202 214 euros pour 2014, a remis à la charge de la société Performing Right Society les sommes restant en litige. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre l'article 2 de cet arrêt.

2. Lorsque le contribuable déclare avoir renoncé au bénéfice, en tout ou partie, de la chose jugée en sa faveur par le juge de l'impôt de première instance, il appartient au juge d'appel de donner acte de la renonciation du contribuable au bénéfice, en tout ou partie, de la chose jugée en sa faveur et de remettre à sa charge, dans cette mesure, les impositions qui ont été effectivement dégrevées par le comptable public en exécution du jugement prononçant la décharge. En revanche, si le jugement attaqué n'a pas encore été exécuté, la renonciation du contribuable au bénéfice, en tout ou partie, de la chose jugée en sa faveur fait obstacle à ce que ce jugement soit, dans cette mesure, exécuté. Il appartient alors au juge d'appel de constater que les conclusions tendant à l'annulation du jugement sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir constaté que la société Performing Right Society renonçait au bénéfice des jugements du 18 avril 2017 et du 3 avril 2018 à concurrence des sommes de 72 137 euros pour 2013 et 202 214 euros pour 2014, a retenu que les jugements attaqués n'étaient, dans cette mesure, plus susceptibles d'exécution et en a déduit que les conclusions d'appel du ministre tendant à leur annulation étaient devenues sur ce point sans objet. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 qu'en statuant ainsi, sans vérifier, en demandant le cas échéant la production d'un éventuel avis de dégrèvement, si le comptable public n'avait pas déjà effectivement dégrevé les impositions en exécution du jugement du tribunal administratif en ayant prononcé la décharge, la cour administrative d'appel de Versailles a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, il y a lieu d'annuler l'article 2 de l'arrêt du 15 novembre 2022 par lequel cette cour a prononcé un non-lieu à statuer sur ces conclusions d'appel du ministre.

4. Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond, dans la mesure de la cassation prononcée, en application du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

5. Il résulte de l'instruction que la société Performing Right Society a renoncé, à concurrence des sommes de 72 137 euros pour 2013 et 202 214 euros pour 2014, au bénéfice de la chose jugée par les jugements du 18 avril 2017 et du 3 avril 2018 qui en avaient prononcé la décharge et qui, ainsi qu'il ressort des avis de dégrèvement du 12 juillet 2017 et du

16 mai 2018 produits par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ont été exécutés. Il y a donc lieu de prendre acte de cette renonciation et de remettre ces sommes à la charge de la société Performing Right Society.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 2 de l'arrêt du 15 novembre 2022 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.

Article 2 : Les retenues à la source dont la décharge a été prononcée par le tribunal administratif de Montreuil sont remises à la charge de la société Performing Right Society à hauteur des sommes de 72 137 euros pour 2013 et 202 214 euros pour 2014 en conséquence de la renonciation de cette société, à hauteur de ces sommes, au bénéfice de la chose jugée par les jugements n° 1502977 du 18 avril 2017 et n° 1702789 du 3 avril 2018 de ce tribunal.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics et à la société Performing Right Society.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 novembre 2024 où siégeaient :

M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat, M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire et M. Lionel Ferreira, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 29 novembre 2024.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Lionel Ferreira

La secrétaire :

Signé : Mme Fehmida Ghulam

La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 469935
Date de la décision : 29/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - QUESTIONS COMMUNES - POUVOIRS DU JUGE FISCAL - AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE - RENONCIATION AU BÉNÉFICE DE LA CHOSE JUGÉE EN PREMIÈRE INSTANCE – OFFICE DU JUGE D’APPEL – 1) CAS OÙ LE JUGEMENT A ÉTÉ EXÉCUTÉ – REMISE À LA CHARGE DU CONTRIBUABLE DES IMPOSITIONS DÉGREVÉES – 2) CAS OÙ LE JUGEMENT N’A PAS ENCORE ÉTÉ EXÉCUTÉ – NON-LIEU [RJ1].

19-02-01-02-03 Lorsque le contribuable déclare avoir renoncé au bénéfice, en tout ou partie, de la chose jugée en sa faveur par le juge de l’impôt de première instance, il appartient au juge d’appel 1) de donner acte de la renonciation du contribuable au bénéfice, en tout ou partie, de la chose jugée en sa faveur et de remettre à sa charge, dans cette mesure, les impositions qui ont été effectivement dégrevées par le comptable public en exécution du jugement prononçant la décharge. 2) En revanche, si le jugement attaqué n’a pas encore été exécuté, la renonciation du contribuable au bénéfice, en tout ou partie, de la chose jugée en sa faveur fait obstacle à ce que ce jugement soit, dans cette mesure, exécuté. Il appartient alors au juge d’appel de constater que les conclusions tendant à l’annulation du jugement sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

PROCÉDURE - JUGEMENTS - CHOSE JUGÉE - CHOSE JUGÉE PAR LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - RENONCIATION AU BÉNÉFICE DE LA CHOSE JUGÉE PAR LE JUGE DE L’IMPÔT EN PREMIÈRE INSTANCE – OFFICE DU JUGE D’APPEL – 1) CAS OÙ LE JUGEMENT A ÉTÉ EXÉCUTÉ – REMISE À LA CHARGE DU CONTRIBUABLE DES IMPOSITIONS DÉGREVÉES – 2) CAS OÙ LE JUGEMENT N’A PAS ENCORE ÉTÉ EXÉCUTÉ – NON-LIEU [RJ1].

54-06-06-01 Lorsque le contribuable déclare avoir renoncé au bénéfice, en tout ou partie, de la chose jugée en sa faveur par le juge de l’impôt de première instance, il appartient au juge d’appel 1) de donner acte de la renonciation du contribuable au bénéfice, en tout ou partie, de la chose jugée en sa faveur et de remettre à sa charge, dans cette mesure, les impositions qui ont été effectivement dégrevées par le comptable public en exécution du jugement prononçant la décharge. 2) En revanche, si le jugement attaqué n’a pas encore été exécuté, la renonciation du contribuable au bénéfice, en tout ou partie, de la chose jugée en sa faveur fait obstacle à ce que ce jugement soit, dans cette mesure, exécuté. Il appartient alors au juge d’appel de constater que les conclusions tendant à l’annulation du jugement sont, dans cette mesure, devenues sans objet.


Publications
Proposition de citation : CE, 29 nov. 2024, n° 469935
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Lionel Ferreira
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:469935.20241129
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