Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler son titre de pension du 19 juillet 2021 et de lui attribuer, au titre de chacun de ses trois enfants, la bonification d'ancienneté prévue au b de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Par un jugement n° 2104795 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à sa demande.
Par un pourvoi, un mémoire en réplique et deux autres mémoires, enregistrés le 1er février 2023 et les 4 juin, 23 juillet et 8 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 82-624 du 20 juillet 1982 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. A..., alors professeur certifié hors classe, a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er octobre 2021. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se pourvoit en cassation contre le jugement du 1er décembre 2022 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a annulé le titre de pension de M. A... du 19 juillet 2021 en tant que ce titre ne tient pas compte de la bonification d'un an, qui s'ajoute à la durée des services effectifs, prévue au b de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à laquelle M. A... estimait avoir droit en raison des réductions d'activité qui lui ont été accordées au titre des années scolaires
1994-1995 à 2000-2001 à la suite de la naissance de chacun de ses trois enfants, respectivement le 24 décembre 1993, le 29 mai 1995 et le 30 novembre 1997.
2. Aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après : (...) b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt et unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient (...) réduit leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes du 2° de l'article R. 13 du même code, pris pour l'application de ces dispositions, " la réduction d'activité est constituée d'une période de service à temps partiel d'une durée continue d'au moins quatre mois pour une quotité de temps de travail de 50 % de la durée du service que les agents à temps plein exerçant les mêmes fonctions doivent effectuer, d'au moins cinq mois pour une quotité de 60 % et d'au moins sept mois pour une quotité de 70 %. Sont prises en compte les périodes correspondant à un service à temps partiel pris en application des dispositions du premier alinéa de l'article 37 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 37 bis de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, désormais codifié à l'article L. 612-3 du code général de la fonction publique : " L'autorisation d'accomplir un travail à temps partiel, selon les quotités de 50 %, 60 %, 70 % et 80 %, est accordée de plein droit aux fonctionnaires à l'occasion de chaque naissance jusqu'au troisième anniversaire de l'enfant ou de chaque adoption jusqu'à l'expiration d'un délai de trois ans à compter de l'arrivée au foyer de l'enfant adopté ". Enfin, l'article R. 911-9 du code de l'éducation, reprenant les dispositions de l'article 1-5 du décret du 20 juillet 1982 fixant les modalités d'application pour les fonctionnaires de l'ordonnance n° 82-696 du 31 mars 1982 relative à l'exercice des fonctions à temps partiel, précise les conditions dans lesquelles l'exercice d'un service à temps partiel accordé de droit est aménagé pour les personnels relevant d'un régime d'obligations de service. Aux termes du 1° de cet article : " Pour les personnels des établissements d'enseignement du second degré relevant d'un régime d'obligations de service défini en heures hebdomadaires, bénéficiant d'un temps partiel de droit, la durée du service est aménagée de façon à obtenir un nombre entier d'heures correspondant à la quotité de temps de travail choisie (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que les périodes de réduction d'activité pouvant ouvrir droit au bénéfice de la bonification prévue au b de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite doivent, d'une part, satisfaire à la condition de durée minimale prévue au 2° de l'article R. 13 du même code et, d'autre part, être accordées, conformément aux dispositions limitativement énumérées à ce même 2°, dans un délai de trois ans, à l'occasion de la naissance ou de l'adoption d'un enfant, selon la quotité de 50 %, 60 % ou 70 % aménagée, le cas échéant, dans les conditions et selon les modalités prévues par l'article R. 911-9 du code de l'éducation pour les professeurs relevant d'un régime d'obligation de service.
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'à la suite de la naissance de ses trois enfants, respectivement le 24 décembre 1993, le 29 mai 1995 et le 30 novembre 1997, M. A..., alors professeur certifié hors classe, a effectué un service à temps partiel selon une quotité de travail de 11,5 heures sur une obligation de service de 18 heures, soit une quotité de travail de 63,89 %, à compter de septembre 1994, alors que son premier enfant n'avait que quelques mois, puis pour chaque année scolaire, jusqu'aux trois ans de chacun de ses enfants selon des quotités de travail de 11,5 heures, soit 63,89 %, et de 12,5 heures, soit 69,44 %. S'il n'a été prévu à l'article 37 bis de la loi du 11 janvier 1984 d'accorder de plein droit à un fonctionnaire de l'Etat la possibilité d'accomplir un travail à temps partiel pour de telles quotités, à l'occasion de chaque naissance d'un enfant, qu'à compter de l'intervention de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'ayant estimé, au vu des éléments versés à l'instruction et sans méconnaître les règles de dévolution de la charge de la preuve, que M. A... avait été autorisé à de telles réductions d'activité pour élever ses enfants, et en en déduisant qu'il avait ainsi satisfait à la condition de réduction d'activité prévue au b de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux n'a pas commis d'erreur de droit.
5. En second lieu, contrairement à ce que soutient le ministre, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux n'a pas jugé que la bonification prévue au b de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite peut être accordée aux pensionnés ayant réduit leur activité au moyen d'un temps partiel selon une quotité de temps de travail de 80 %. Le moyen tiré de ce qu'elle aurait commis sur ce point une erreur de droit ne peut, ainsi, qu'être écarté.
6. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique doit être rejeté.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics et à M. B... A....
Délibéré à l'issue de la séance du 13 novembre 2024 où siégeaient :
M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat, M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 29 novembre 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Olivier Saby
La secrétaire :
Signé : Mme Fehmida Ghulam
La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :