Vu la procédure suivante :
Le service territorial d'incendie et de secours de la Martinique, en défense à la demande présentée par M. A... B... devant le tribunal administratif de la Martinique tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 27 mars 2024 par lequel le préfet de la Martinique et le président du conseil d'administration du service territorial d'incendie et de secours de la Martinique ont abrogé, à compter du 1er octobre 2024, l'arrêté du 31 décembre 2020 le maintenant en activité, a produit un mémoire, enregistré le 23 juillet 2024 au greffe de ce tribunal, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel il soulève une question prioritaire de constitutionnalité.
Par une ordonnance n° 2400284 du 2 septembre 2024, enregistrée le 3 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de la Martinique, avant qu'il soit statué sur la requête de M. B..., a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 556-7 du code général de la fonction publique.
Par la question prioritaire de constitutionnalité transmise et un nouveau mémoire, enregistré le 30 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le service territorial d'incendie et de secours de la Martinique soutient que les dispositions de l'article L. 556-7 du code général de la fonction publique, applicables au litige et qui n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution, méconnaissent le principe de libre administration des collectivités territoriales, garanti par les articles 34 et 72 de la Constitution, le principe d'égalité, garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et le principe de continuité du service public.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 34, 61-1 et 72 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Hervé Cassara, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Eu égard à l'argumentation du service territorial d'incendie et de secours de la Martinique, la question prioritaire de constitutionnalité qu'il soulève doit être regardée comme dirigée contre les dispositions du premier alinéa de l'article L. 556-7 du code général de la fonction publique qui dispose, dans sa rédaction applicable au litige, que : " Le fonctionnaire appartenant à un corps ou à un cadre d'emplois dont la limite d'âge est inférieure à celle fixée au 1° de l'article L. 556-1 bénéficie, à sa demande et sous réserve de son aptitude physique, d'une prolongation d'activité jusqu'à l'âge fixé au même 1° ".
3. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires préalables à l'adoption de l'article 93 de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 dont elles sont issues, que le bénéfice, pour un fonctionnaire entrant dans leur champ, d'une prolongation d'activité sur leur fondement est subordonné à la seule condition de son aptitude physique, sans qu'un refus puisse être opposé à sa demande pour un motif tiré de l'intérêt du service. Le service territorial d'incendie et de secours de la Martinique soutient que ces dispositions, ainsi interprétées, méconnaissent le principe de libre administration des collectivités territoriales, garanti par les articles 34 et 72 de la Constitution, le principe de continuité du service public ainsi que le principe d'égalité, garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
4. En premier lieu, si les dispositions contestées sont susceptibles de restreindre la liberté des employeurs publics dans la gestion de leur personnel, elles ne sauraient en tout état de cause être regardées, eu égard à la portée réduite des limitations qu'elles imposent et à l'objectif d'intérêt général qu'elles poursuivent, comme méconnaissant le principe de libre administration des collectivités territoriales ou comme portant atteinte à la continuité du service public.
5. En second lieu, aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi " doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Le principe d'égalité de traitement dans le déroulement de la carrière des fonctionnaires n'est susceptible de s'appliquer qu'entre les agents appartenant à un même corps ou cadre d'emplois.
6. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 556-5 du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire dont la durée des services liquidables est inférieure à celle définie à l'article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite peut, sur sa demande, lorsqu'il atteint la limite d'âge qui lui est applicable dans le corps ou le cadre d'emplois auquel il appartient, bénéficier d'une prolongation d'activité, sous réserve de l'intérêt du service et de son aptitude physique ". Le deuxième alinéa de l'article L. 556-7 du même code prévoit que la prolongation d'activité prévue par le premier alinéa de cet article, cité au point 2, " (...) intervient, le cas échéant, sous réserve des possibilités de recul de la limite d'âge prévues aux articles L. 556-2, L. 556-3 et L. 556-5 ".
7. Le service territorial d'incendie et de secours de la Martinique soutient que les dispositions qu'il conteste méconnaissent le principe d'égalité de traitement entre les fonctionnaires appartenant à un même corps ou cadre d'emplois en ce qu'elles ne subordonnent pas le bénéfice de la prolongation d'activité qu'elles prévoient à l'intérêt du service tandis qu'est soumise à cette condition la prolongation d'activité prévue à l'article L. 556-5 du même code en faveur des fonctionnaires qui atteignent la limite d'âge après une carrière incomplète. Toutefois, ces deux dispositions concernent des fonctionnaires qui sont placés, eu égard à la limite d'âge qui leur est applicable ou à leur durée de cotisation, dans des situations différentes et la différence de traitement qui résulte de l'application des dispositions des articles L. 556-5 et L. 556-7 est en rapport direct avec leur objet respectif. En outre, dès lors qu'il résulte des dispositions citées aux points 2 et 6 que la prolongation d'activité prévue par l'article L. 556-7 intervient, le cas échéant, sous réserve de celle prévue à l'article L. 556-5, le fonctionnaire dont la limite d'âge est inférieure à celle fixée au 1° de l'article L. 556-1 et qui atteint cette limite d'âge sans avoir bénéficié d'une carrière complète peut, s'il s'est vu refuser une prolongation au titre de l'article L. 556-5, prétendre à celle prévue à l'article L. 556-7. Par suite, le grief n'est pas sérieux.
8. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a donc pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le service territorial d'incendie et de secours de la Martinique.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au service territorial d'incendie et de secours de la Martinique, à M. A... B... et au ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l'action publique.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre, au ministre de l'intérieur, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au tribunal administratif de la Martinique.