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20/12/2024 | FRANCE | N°489643

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 20 décembre 2024, 489643


Vu les procédures suivantes :



1° Sous le n° 489643, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 novembre et 3 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... B... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de la Première ministre rejetant sa demande tendant à l'abrogation du décret n° 2023-435 du 3 juin 2023 portant application des articles 10, 11 et 17 de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité socia

le pour 2023 ;



2°) d'enjoindre à la Première ministre d'abroger le décre...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 489643, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 novembre et 3 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de la Première ministre rejetant sa demande tendant à l'abrogation du décret n° 2023-435 du 3 juin 2023 portant application des articles 10, 11 et 17 de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 ;

2°) d'enjoindre à la Première ministre d'abroger le décret n° 2023-435 du 3 juin 2023 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 489644, par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 24 novembre 2023, 3 mai 2024 et 13 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de la Première ministre rejetant sa demande tendant à l'abrogation du décret n° 2023-436 du 3 juin 2023 portant application des articles 10 et 11 de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 ;

2°) d'enjoindre à la Première ministre d'abroger le décret n° 2023-436 du 3 juin 2023 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes de Mme B... sont dirigées contre les décisions implicites de rejet de ses demandes tendant à l'abrogation des décrets n° 2023-435 et n° 2023-436 du 3 juin 2023, qui ont été pris tous deux pour l'application des dispositions des articles 10, 11 et, pour le décret n° 2023-435, de l'article 17 de la deuxième partie de la loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 relatives au relèvement de l'âge d'ouverture des droits à la retraite et aux dispositifs de retraite anticipée. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. D'une part, l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 10 de la loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, dispose que l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite, à partir duquel l'assurance vieillesse garantit une pension de retraite à l'assuré qui en demande la liquidation, est fixé à soixante-quatre ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1968. Le même article prévoit que, pour les assurés nés avant le 1er janvier 1968, cet âge est fixé par décret dans la limite de l'âge de soixante-quatre ans et que, pour les assurés nés entre le 1er septembre 1961 et le 31 décembre 1967, cet âge augmente de manière croissante, à raison de trois mois par génération. L'article D. 161-2-1-9 du même code, dans sa rédaction issue de de l'article 1er du décret attaqué n° 2023-436 du 3 juin 2023, précise que l'âge légal de départ à la retraite est fixé à soixante-deux ans pour les assurés nés entre le 1er janvier 1955 et le 31 août 1961 inclus, à soixante-deux ans et trois mois pour les assurés nés entre le 1er septembre 1961 et le 31 décembre 1961 inclus, soixante-deux ans et six mois pour les assurés nés en 1962, soixante-deux ans et neuf mois pour les assurés nés en 1963, soixante-trois ans pour les assurés nés en 1964, soixante-trois ans et trois mois pour les assurés nés en 1965, soixante-trois ans et six mois pour les assurés nés en 1966, soixante-trois ans et neuf mois pour les assurés nés en 1967 et soixante-quatre ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1968.

3. D'autre part, les 2° à 6° de l'article L. 161-17-3 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue de l'article 10 de la même loi du 14 avril 2023, ont fixé, pour les assurés des régimes auxquels s'applique l'article L. 161-17-2 de ce code, la durée d'assurance requise, croissante selon la date de naissance des intéressés, pour l'obtention d'une pension de retraite à taux plein. Ces dispositions ont été transposées à l'ensemble des régimes de fonctionnaires et des ouvriers de l'Etat par le décret attaqué n° 2023-435 du 3 juin 2023.

4. En premier lieu, la requérante ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation du décret n° 2023-435 du 3 juin 2023, lequel ne régit dans aucune de ses dispositions le régime de retraite des avocats dont elle indique relever. Ses conclusions dirigées contre ce décret sont donc irrecevables.

5. En deuxième lieu, la conformité des dispositions législatives mentionnées aux points 2 et 3 à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ne peut pas être contestée devant le juge administratif en dehors de la procédure prévue à l'article 61 1 de la Constitution. Dès lors que le décret n° 2023-436 du 3 juin 2023 se borne à tirer les conséquences nécessaires de ces dispositions législatives, la requérante ne peut utilement soutenir qu'il méconnaîtrait l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

6. En dernier lieu, les stipulations de l'article 1er du premier protocole à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne font pas obstacle à ce que le législateur modifie les conditions d'obtention des pensions de retraite dans un sens plus restrictif, dès lors qu'il ne porte pas aux droits à pension une atteinte telle que la substance de ces droits serait elle-même remise en cause. Les dispositions législatives mentionnées aux points 2 et 3, par lesquelles le législateur a entendu assurer l'équilibre financier du système de retraite par répartition et, ainsi, en garantir la pérennité en tenant compte notamment de l'allongement de l'espérance de vie, ne portent pas une atteinte excessive ou disproportionnée, ni au respect du droit aux biens, ni en tout état de cause au respect du droit à la vie privée. Par conséquent, le moyen tiré de ce que ces dispositions législatives, qui sont le fondement du décret n° 2023-436 du 3 juin 2023, seraient incompatibles avec les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, en tout état de cause, de l'article 8 de cette convention n'est pas fondé.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les requêtes de Mme B... doivent être rejetées, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes de Mme B... sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et à la ministre du travail et de l'emploi.

Copie en sera adressée au Premier ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 décembre 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Edouard Geffray, Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, M. Jean-Dominique Langlais, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 20 décembre 2024.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Jean-Luc Matt

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 489643
Date de la décision : 20/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 déc. 2024, n° 489643
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Matt
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:489643.20241220
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