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20/12/2024 | FRANCE | N°494087

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 20 décembre 2024, 494087


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les décisions référencées " 48 " par lesquelles le ministre de l'intérieur a retiré des points du capital de points de son permis de conduire à la suite des infractions qu'il a commises les 27 août et 23 décembre 2014, 15 avril et 4 novembre 2016, 28 avril, 2 juin et 16 octobre 2017, 4 mars 2018, 25 août 2019, 21 janvier, 26 mars et 27 avril 2022, ainsi que la décision référencée " 48 SI " du 22 novembre 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur et

des outre-mer a constaté la perte de validité de son permis de conduire pour...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les décisions référencées " 48 " par lesquelles le ministre de l'intérieur a retiré des points du capital de points de son permis de conduire à la suite des infractions qu'il a commises les 27 août et 23 décembre 2014, 15 avril et 4 novembre 2016, 28 avril, 2 juin et 16 octobre 2017, 4 mars 2018, 25 août 2019, 21 janvier, 26 mars et 27 avril 2022, ainsi que la décision référencée " 48 SI " du 22 novembre 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a constaté la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul. Par un jugement n° 2206744 du 15 mars 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif a annulé la décision de retrait de quatre points consécutive à l'infraction du 27 avril 2022, ainsi que, par voie de conséquence, la décision référencée " 48 SI " du 22 novembre 2022 et enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de reconstituer ces points sur le capital de points du permis de conduire de M. B... et de restituer son permis de conduire à l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sans préjudice d'éventuelles décisions de retrait de points ultérieures.

Par un pourvoi enregistré le 7 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il annule la décision de retrait de quatre points consécutive à l'infraction du 27 avril 2022 et la décision référencée " 48 SI " du 22 novembre 2022, et qu'il met à sa charge le versement de frais d'instance ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. B... tendant à l'annulation de ces deux décisions et au versement de frais d'instance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code de la route ;

- le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'à la suite d'une infraction au code de la route relevée le 27 avril 2022 par procès-verbal électronique, le ministre de l'intérieur a retiré quatre points du capital de points du capital de points affectés au permis de conduire de M. B.... Par le jugement du 15 mars 2024 contre lequel le ministre de l'intérieur et des outre-mer se pourvoit en cassation, la magistrate désignée du tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette décision au motif que, faute de signature du conducteur et de mention d'un refus de signer apposée par l'agent verbalisateur sur le procès-verbal électronique, le ministre n'apportait pas la preuve qui lui incombe de la délivrance à l'intéressé, préalablement à ce retrait de points, de l'information prévue par les dispositions des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route.

2. Il résulte des dispositions des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route que l'administration ne peut légalement prendre une décision retirant des points affectés à un permis de conduire à la suite d'une infraction dont la réalité a été établie que si l'auteur de l'infraction s'est vu préalablement délivrer par elle un document contenant les informations prévues à ces articles, lesquelles constituent une garantie essentielle en ce qu'elles mettent l'intéressé en mesure de contester la réalité de l'infraction et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis.

3. L'article 537 du code de procédure pénale dispose que : " Les contraventions sont prouvées soit par procès-verbaux ou rapports, soit par témoins (... ) / Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les procès-verbaux ou rapports établis par les officiers et agents de police judiciaire (...) font foi jusqu'à preuve contraire ". L'article 429 du même code dispose que : " Tout procès-verbal ou rapport n'a de valeur probante que s'il est régulier en la forme, si son auteur a agi dans l'exercice de ses fonctions et a rapporté sur une matière de sa compétence ce qu'il a vu, entendu ou constaté personnellement. " Aux termes de l'article A. 37-19-1 du même code : " En cas de réclamation portée devant la juridiction compétente, le procès-verbal dressé avec l'appareil prévu à l'article A. 37-19 est, sur demande de l'autorité saisie de la réclamation, édité sur un feuillet de couleur blanche au format 210 mm × 297 mm. / Il reproduit les éléments mentionnés au I de l'article A. 37-16 ou à l'article A. 37-27-2, ainsi que tous les éléments complémentaires sur les circonstances de la commission de l'infraction relevés par l'agent verbalisateur. / Il reproduit la signature manuscrite de l'agent verbalisateur et, le cas échéant, celle du contrevenant, telles qu'elles ont été saisies et numérisées lors de la verbalisation. " Il résulte de ces dispositions que les procès-verbaux établis par les officiers ou agents de police judiciaire pour constater des infractions au code de la route font foi jusqu'à preuve contraire en ce qui concerne la constatation des faits constitutifs des infractions. La mention portée sur ces procès-verbaux selon laquelle le contrevenant a reçu l'information prévue par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route n'est pas revêtue de la même force probante. Néanmoins, même contredite par le contrevenant, cette indication peut emporter la conviction du juge si elle est corroborée par d'autres éléments. Tel est notamment le cas s'il ressort des pièces du dossier que le contrevenant a contresigné le procès-verbal ou qu'il a pris connaissance, sans élever d'objection, de son contenu.

4. En premier lieu, s'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le procès-verbal électronique dressé le 27 avril 2022 lors de l'interception de M. B..., dont le ministre de l'intérieur et des outre-mer a produit une édition réalisée en application des dispositions de l'article A. 37-19-1 du code de procédure pénale mentionnées au point 3 et qui fait foi jusqu'à preuve contraire en vertu des dispositions de l'article 537 du même code, comporte l'ensemble des informations exigées par la loi, ainsi que la signature de l'agent verbalisateur et la mention " N/A " apposée en lieu et place de la signature du contrevenant, le ministre s'est borné à soutenir devant le premier juge qu'en raison des règles sanitaires prises pour prévenir la propagation de l'épidémie de covid-19, le requérant a reçu l'information préalable requise par la loi et a été informé de la non-apposition de sa signature sur le procès-verbal électronique, sans expliciter la signification de la mention " N/A ". Dans ces conditions, en jugeant qu'en l'absence de signature de l'intéressé sur le procès-verbal et de mention d'un refus de signer, ni la mention " N/A " apposée par l'agent verbalisateur, ni la production par le ministre du bordereau d'envoi postal d'un avis de contravention comportant la mention " non assorti de la mention NPAI " ne pouvaient suffire à contredire les affirmations de M. B... selon lesquelles l'information prévue par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ne lui avait pas été dispensée, la magistrate désignée a souverainement apprécié sans dénaturation la valeur probante des pièces qui lui étaient soumises. Au demeurant, si le ministre explique dans son pourvoi que la mention " N/A " signifie que le conducteur a reçu l'information préalable requise par la loi et a été informé de la non-apposition de sa signature sur le procès-verbal électronique en raison de l'exigence de pratiquer les gestes-barrières, il ressort des termes mêmes de l'article 1er du décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la sortie de la crise sanitaire, dans sa rédaction en vigueur à la date à laquelle le procès-verbal a été dressé, qu'il n'imposait pas à cette date de mesures de distanciation sociale.

5. En second lieu, il résulte de ce qui précède que, dès lors que la magistrate désignée du tribunal administratif a jugé que le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'établissait pas que M. B... avait reçu les informations qui devaient lui être dispensées à l'occasion de l'infraction commise le 27 avril 2022, elle a pu juger, sans erreur de droit, que la circonstance que M. B... avait pu bénéficier, à l'occasion d'infractions antérieures suffisamment récentes, d'informations relatives à l'existence d'un traitement automatisé et à la possibilité d'y accéder, n'était pas de nature à assurer sa complète information s'agissant de l'infraction en question.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. A... B....

Délibéré à l'issue de la séance du 21 novembre 2024 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; Mme Laurence Helmlinger, conseillère d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 20 décembre 2024.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

Le rapporteur :

Signé : M. Christophe Barthélemy

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 494087
Date de la décision : 20/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 déc. 2024, n° 494087
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Barthélemy
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:494087.20241220
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