Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la commune de Belgodère (Haute-Corse) à lui verser la somme de 227 175,43 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2019, et de leur capitalisation à compter du 27 décembre 2020, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'illégalité du classement de la parcelle lui appartenant, cadastrée section A n° 875, en zone UC de l'ancien plan d'occupation des sols de la commune. Par un jugement n° 2000193 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Bastia a fait partiellement droit à sa demande en condamnant la commune à lui verser la somme de 185 579,90 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2020 et capitalisation à la date du 7 janvier 2021, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Par un arrêt n° 22MA02661 du 17 octobre 2023, sur appel de la commune de Belgodère, la cour administrative d'appel de Marseille a réformé le jugement du tribunal administratif en ramenant la somme due par la commune à 59 704,35 euros et rejeté le surplus de ses conclusions.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 décembre 2023 et 5 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la commune de Belgodère demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. A... ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sophie Delaporte, conseillère d'Etat,
- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de la commune de Belgodère et à la SARL Gury et Maître, avocat de M. A... ;
Vu la note en délibéré présentée le 12 décembre 2024 par M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... a acheté en 2012, sur le territoire de la commune de Belgodère, la parcelle cadastrée section A n° 875, alors classée, comme l'indiquait le certificat d'urbanisme délivré le 1er mars 2011, en zone UC du plan d'occupation des sols. Par un arrêté du 8 juillet 2013, le maire de la commune de Belgodère lui a délivré un permis de construire pour la construction d'une maison individuelle avec garage et piscine. Ultérieurement, le plan local d'urbanisme adopté à la suite d'une procédure de révision en 2015 a classé la parcelle de M. A... en zone naturelle. Par un courrier du 23 décembre 2019, M. A... a demandé au maire de la commune de Belgodère l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des fautes commises par la commune dans le classement initial de sa parcelle en zone constructible et il a saisi le tribunal administratif de Bastia qui, par un jugement du 22 septembre 2022, a condamné la commune de Belgodère à lui verser la somme de 185 579,90 euros, assortie des intérêts légaux capitalisés. Par un arrêt du 17 octobre 2023, la cour administrative d'appel de Marseille a ramené la somme au principal à 59 704,35 euros et rejeté le surplus des conclusions des parties. La commune de Belgodère se pourvoit en cassation contre cet arrêt. Par un pourvoi incident, M. A... demande l'annulation de l'arrêt en tant qu'il a diminué le montant de l'indemnité due par la commune.
2. La responsabilité d'une personne publique n'est susceptible d'être engagée que s'il existe un lien de causalité direct entre les fautes qu'elle a commises et le préjudice subi par la victime. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de l'acquisition de la parcelle litigieuse, M. A... s'est vu délivrer, pour la réalisation de son projet de construction, un permis de construire qui n'a pas été contesté, ni retiré, mais qu'il n'a pas mis en œuvre alors qu'il était valide jusqu'en 2016, soit après la date à laquelle sa parcelle a été, sans contestation de sa part, classée en zone inconstructible à l'occasion de la révision du plan local d'urbanisme intervenue en 2015. Ainsi, quelle qu'ait été la légalité du classement de la parcelle en cause dans le document d'urbanisme applicable lorsque M. A... en a fait l'acquisition, cette circonstance ne l'a pas privé de la possibilité d'en faire usage comme terrain constructible.
3. Par suite, en jugeant qu'il existait un lien de causalité direct entre les renseignements d'urbanisme figurant dans le certificat d'urbanisme de 2011 auquel M. A... a pu se fier pour acheter la parcelle litigieuse et le dommage subi par lui tiré de la perte de valeur vénale de cette parcelle classée en zone naturelle à l'occasion de la révision du plan local d'urbanisme en 2015, alors que M. A... a bénéficié d'un droit à construire sur sa parcelle jusqu'en 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a inexactement qualifié les faits de l'espèce.
4. Il résulte de ce qui précède que la commune de Belgodère est fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille qu'elle attaque. En conséquence, les conclusions du pourvoi incident formé par M. A... dirigées contre l'article 1er de cet arrêt sont privées d'objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
6. Il résulte de l'instruction que, ainsi qu'il a été dit au point 3, le préjudice invoqué par M. A..., tenant à l'acquisition, en 2012, d'un terrain constructible devenu inconstructible à la suite du classement opéré par le document d'urbanisme adopté en 2015 n'est, en tout état de cause, pas directement lié aux éventuelles fautes qu'aurait commise la commune de Belgodère dans le classement initial de la parcelle en zone UC et la délivrance d'un certificat d'urbanisme en 2011 présentant cette parcelle comme étant constructible.
7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Belgodère est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamnée à indemniser M. A... de la perte de valeur vénale de sa parcelle.
8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement d'une somme à la commune de Belgodère, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la commune de Belgodère, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 17 octobre 2023 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi incident de M. A....
Article 3 : Le jugement du 22 septembre 2022 du tribunal administratif de Bastia est annulé.
Article 4 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Bastia est rejetée.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la commune de Belgodère et à M. B... A....
Délibéré à l'issue de la séance du 11 décembre 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et Mme Sophie Delaporte, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 30 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Sophie Delaporte
La secrétaire :
Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana