Vu la procédure suivante :
La société Ciné Espace Evasion a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler le contrat conclu le 3 mars 2020 entre la communauté d'agglomération Provence Alpes Agglomération et l'Association de gestion du cinématographe et confiant à cette dernière l'exploitation du complexe cinématographique situé sur le territoire de la commune de Château-Arnoux-Saint-Auban et de condamner la communauté d'agglomération à lui payer la somme de 2 972 euros au titre des frais engagés pour la présentation de son offre ainsi que la somme de 141 886 euros en réparation du manque à gagner subi du fait de son éviction irrégulière de la procédure de passation. Par un jugement n° 2003522 du 21 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a prononcé la résiliation de ce contrat avec effet différé au 1er février 2023 et condamné la communauté d'agglomération à verser à la société Ciné Espace Evasion la somme de 99 000 euros en réparation du préjudice subi.
Par un arrêt n° 22MA02071 du 27 novembre 2023, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de la communauté d'agglomération Provence Alpes Agglomération, annulé ce jugement et rejeté la demande de la société Ciné Espace Evasion.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 janvier et 29 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Ciné Espace Evasion demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Provence Alpes Agglomération la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Denieul, auditeur,
- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Cine Espace Evasion et à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de la communauté d'agglomeration Provence Alpes Agglomeration ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un avis d'appel public à la concurrence publié le 6 juin 2019, la communauté d'agglomération Provence Alpes Agglomération a lancé une procédure tendant à l'attribution d'une concession portant sur la gestion, pendant une durée de cinq ans, du complexe cinématographique situé sur le territoire de la commune de Château-Arnoux-Saint-Auban. Par courrier du 2 mars 2020, la société Ciné Espace Evasion, qui s'était portée candidate à cette procédure et a été admise à participer à la négociation, a été informée du rejet de son offre, classée en seconde position, et de l'attribution du contrat à l'Association de gestion du cinématographe, seule autre candidate. Cette société a saisi le tribunal administratif de Marseille d'une action en contestation de la validité du contrat conclu le 3 mars 2020 ainsi que d'une demande tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de son éviction irrégulière. Par un jugement du 21 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a prononcé la résiliation de ce contrat avec effet différé au 1er février 2023 et condamné la communauté d'agglomération à verser à la société Ciné Espace Evasion la somme de 99 000 euros en réparation du préjudice subi. Par un arrêt du 27 novembre 2023, contre lequel la société Ciné Espace Evasion se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de la communauté d'agglomération Provence Alpes Agglomération, annulé ce jugement et rejeté la demande de cette société.
2. Aux termes de l'article L. 3121-1 du code de la commande publique : " L'autorité concédante organise librement une procédure de publicité et mise en concurrence qui conduit au choix du concessionnaire dans le respect des dispositions des chapitres I à V du présent titre et des règles de procédure fixées par décret en Conseil d'Etat. / Elle peut recourir à la négociation. / Ces dispositions s'appliquent sous réserve des règles particulières du chapitre VI du présent titre. " Selon l'article L. 3124-1 de ce code : " Lorsque l'autorité concédante recourt à la négociation pour attribuer le contrat de concession, elle organise librement la négociation avec un ou plusieurs soumissionnaires dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. / La négociation ne peut porter sur l'objet de la concession, les critères d'attribution ou les conditions et caractéristiques minimales indiquées dans les documents de la consultation. " Aux termes de l'article L. 3124-2 du même code : " L'autorité concédante écarte les offres irrégulières ou inappropriées. " Selon l'article L. 3124-3 de ce code : " Une offre est irrégulière lorsqu'elle ne respecte pas les conditions et caractéristiques minimales indiquées dans les documents de la consultation. " Aux termes de l'article R. 3124-1 du même code : " Lorsque l'autorité concédante fait usage de la possibilité de négocier prévue à l'article L. 3121-1, elle peut décider de limiter le nombre de soumissionnaires admis à participer à la négociation. / Elle procède à la sélection du ou des soumissionnaires en appliquant les critères d'attribution fixés aux articles R. 3124-4 et R. 3124-5 ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'autorité concédante peut librement négocier avec les candidats à l'attribution d'une concession l'ensemble des éléments composant leur offre, dès lors que cette négociation ne conduit pas cette autorité à remettre en cause l'objet de la concession, les critères d'attribution ou les conditions et caractéristiques minimales indiquées dans les documents de la consultation. Ces dispositions ne s'opposent pas à ce que, lorsqu'elle recourt à la négociation, l'autorité concédante y admette un soumissionnaire ayant remis une offre initiale irrégulière. Le respect du principe d'égalité de traitement des candidats implique toutefois qu'elle ne puisse retenir un candidat dont la régularisation de l'offre se traduirait par la présentation de ce qui constituerait une offre entièrement nouvelle. En tout état de cause, l'autorité concédante est tenue de rejeter les offres qui sont demeurées irrégulières à l'issue de la négociation.
4. Il en résulte que la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier en jugeant que la circonstance que la régularisation d'une offre ne vise pas simplement à corriger une erreur matérielle ne faisait pas obstacle à ce qu'elle ait lieu au cours de la négociation.
5. Par suite, la société Ciné Espace Evasion n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Ciné Espace Evasion la somme de 3 000 euros à verser à la communauté d'agglomération Provence Alpes Agglomération au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'une somme soit mise, au même titre, à la charge de la communauté d'agglomération qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Ciné Espace Evasion est rejeté.
Article 2 : La société Ciné Espace Evasion versera à la communauté d'agglomération Provence Alpes Agglomération une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Ciné Espace Evasion et à la communauté d'agglomération Provence Alpes Agglomération et à l'Association de gestion du cinématographe.