Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 18 septembre 2023 et 29 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Code animal demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 9 mars 2023 du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires fixant les conditions d'organisation et de fonctionnement de la Commission nationale consultative pour la faune sauvage captive ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Laëtitia Malleret, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 décembre 2024, présentée par l'association Code animal.
Considérant ce qui suit :
1. L'association Code animal doit, eu égard à ses écritures, être regardée comme demandant seulement l'annulation des article 4 et 5 de l'arrêté du 9 mars 2023 attaqué, relatifs à la composition de la commission nationale consultative pour la faune sauvage captive, dans ses différentes formations.
2. L'article L. 413-9 du code de l'environnement dispose qu' " Une commission nationale consultative pour la faune sauvage captive est placée auprès du ministre chargé de la protection de la nature, qui en fixe par arrêté l'organisation et le fonctionnement et en nomme les membres. / Elle est composée : / 1° De personnalités qualifiées en matière de recherche scientifique relative à l'éthologie, à la reproduction, à la conservation, aux caractéristiques biologiques et aux besoins des animaux non domestiques ; / 2° D'un vétérinaire spécialiste de la faune sauvage ; / 3° De représentants du ministre chargé de la protection de la nature, d'un représentant du ministre chargé de l'éducation, d'un représentant du ministre chargé de l'agriculture et d'un représentant du ministre chargé de la recherche ; / 4° De représentants d'organismes internationaux actifs en matière de conservation des espèces ; / 5° De représentants des associations de protection des animaux ; / 6° De représentants des associations d'élus locaux ;/ 7° Et, sur désignation du président de la commission nationale consultative pour la faune sauvage captive, en fonction de l'ordre du jour, des représentants des établissements soumis au présent chapitre. / Ses membres exercent leurs fonctions à titre gratuit. / La commission nationale consultative pour la faune sauvage captive peut être consultée par le ministre sur les moyens propres à améliorer les conditions d'entretien ainsi que de présentation au public des animaux d'espèces non domestiques tenus en captivité ".
Sur la légalité de l'article 4 :
3. Aux termes de l'article 4 de l'arrêté litigieux : " Lorsqu'elle est chargée d'émettre un avis à la suite d'une saisine du ministre chargé de la protection de la nature sur les moyens propres à améliorer les conditions d'entretien ainsi que de présentation au public des animaux d'espèces non domestiques tenus en captivité, sur la liste des animaux d'espèces non domestiques pouvant être détenues comme animaux de compagnie ou dans le cadre d'élevages d'agrément ou sur le fonctionnement et l'adaptation aux besoins du fichier national d'inscription des espèces animales sauvages protégées, la commission se réunit en une formation dite " formation d'étude de la faune sauvage captive " composée : / 1° De six personnalités qualifiées en matière de recherche scientifique relative à l'éthologie, à la reproduction, à la conservation, aux caractéristiques biologiques et aux besoins des animaux non domestiques ; / 2° D'un vétérinaire spécialiste de la faune sauvage ; / 3° De deux représentants d'organismes internationaux actifs en matière de conservation des espèces ; / 4° De trois représentants d'associations de protection des animaux ; / 5° De deux représentants d'associations d'élus locaux ; / 6° De dix-huit représentants d'établissements détenant de la faune sauvage captive. Selon l'ordre du jour, le président de la commission en désigne entre six et dix en fonction de leurs compétences pour participer à la séance de la commission ; / 7° D'un représentant du ministère de l'éducation ; / 8° S'agissant du ministère chargé de l'agriculture, du directeur général de l'alimentation ou de son représentant ; / 9° S'agissant du ministère chargé de la recherche, du directeur général de la recherche et de l'innovation ou de son représentant ; / 10° S'agissant du ministère chargé de la protection de la nature, du directeur général de l'aménagement, du logement et de la nature ou de son représentant. "
4. L'article L. 413-9 du code de l'environnement se borne à prévoir la présence au sein de la commission nationale consultative pour la faune sauvage captive de représentants des associations de protection des animaux, sans définir de règle relative à l'équilibre ou à la proportion de ses différentes composantes. Par suite, compte-tenu du pouvoir d'appréciation laissée par ces dispositions au pouvoir réglementaire et dès lors que l'arrêté prévoit la présence au sein de la commission de représentants d'associations de protection des animaux, l'association Code animal n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté qu'elle conteste méconnaîtrait ces dispositions législatives au motif que la composition retenue serait déséquilibrée au profit des représentants des intérêts des établissements détenant des animaux sauvages.
Sur la légalité de l'article 5 :
5. Aux termes du I de l'article R. 413-2 du code de l'environnement, " Outre la mission mentionnée au dernier alinéa de l'article L. 413-9, la commission nationale consultative pour la faune sauvage captive : / 1° Emet un avis sur les diplômes ou les conditions d'expérience professionnelle exigés à l'appui de la demande de certificat de capacité, conformément à l'article R. 413-5 ; / 2° Emet un avis sur les demandes de certificat de capacité des établissements fixes ou mobiles dont l'objet principal est la présentation au public d'animaux appartenant à des espèces non domestiques et sur les conditions dans lesquelles le certificat peut être délivré sans consultation de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, conformément aux premier et troisième alinéas de l'article R. 413-6 ; / 3° Emet un avis sur l'agrément, la suspension ou le retrait de l'agrément des personnes morales chargées de la collecte et du traitement des données du fichier national d'inscription des espèces animales sauvages protégées, conformément aux articles R. 413-23-5 et R. 413-23-7 ; / 4° Emet un avis sur les diplômes ou les conditions d'expérience professionnelle exigés à l'appui de la demande de certificat de capacité mentionnée au I de l'article R. 413-26 ; / 5° Organise l'épreuve d'aptitude pour les demandes de dispense de certificat de capacité concernant des activités de présentation au public d'animaux d'espèces non domestiques, conformément à l'article R. 413-4 ; / 6° Organise l'épreuve d'aptitude pour les demandes de dispense de certificat de capacité concernant des activités autres que celles de présentation au public d'animaux d'espèces non domestiques, dans les cas prévus au II de l'article R. 413-26. "
6. L'article 5 de l'arrêté contesté prévoit que : " Lorsqu'elle est chargée d'émettre un avis sur les demandes de certificat de capacité ou lorsqu'elle est chargée d'organiser une épreuve d'aptitude pour une demande de dispense de certificat de capacité, la Commission nationale consultative pour la faune sauvage captive se réunit en une formation dite " formation pour la délivrance des certificats de capacité " composée : / 1° De six personnalités qualifiées en matière de recherche scientifique relative à l'éthologie, à la reproduction, à la conservation, aux caractéristiques biologiques et aux besoins des animaux non domestiques ; / 2° D'un vétérinaire spécialiste de la faune sauvage ; / 3° De dix-huit représentants d'établissements de présentation au public d'animaux de la faune sauvage captive. Selon l'ordre du jour, le président de la commission en désigne entre six et dix en fonction de leurs compétences pour participer à la séance de la commission ; / 4° D'un représentant du ministère de l'éducation ; / 5° S'agissant du ministère chargé de l'agriculture, du directeur général de l'alimentation ou de son représentant ; / 6° S'agissant du ministère chargé de la recherche, du directeur général de la recherche et de l'innovation ou de son représentant ; / 7° S'agissant du ministère chargé de la protection de la nature, du directeur général de l'aménagement, du logement et de la nature ou de son représentant. "
7. Il résulte des dispositions de l'article R. 413-2 du code de l'environnement que le pouvoir réglementaire a fait le choix de confier les missions qu'il énonce à la Commission nationale consultative pour la faune sauvage captive, dont l'article L. 413-9 de ce code prévoit qu'elle doit comporter, notamment, des représentants d'associations de protection des animaux. Il en résulte que l'arrêté attaqué, en prévoyant, pour l'exercice de ces missions, une composition spécifique de la commission n'incluant pas la présence de tels représentants, a commis une erreur de droit. Il suit de là que l'association Code animal est fondée à demander l'annulation de l'article 5 de l'arrêté attaqué, qui est divisible de ses autres dispositions.
Sur les effets de l'annulation :
8. L'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur, que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de sa décision prononçant l'annulation contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine.
9. Eu égard aux conséquences manifestement excessives sur le fonctionnement de l'instruction des demandes de certificat de capacité qui résulteraient de l'annulation rétroactive de l'article 5 de l'arrêté attaqué, il y a lieu de déroger au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et de regarder comme définitifs, sous réserve des actions contentieuses déjà engagés, les effets produits par ces dispositions antérieurement à leur annulation par la présente décision.
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à l'association Code animal, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 5 de l'arrêté du 9 mars 2023 est annulé.
Article 2 : Les effets produits antérieurement à la date de la présente décision par les dispositions de l'article 5 de l'arrêté dont l'article 1er ci-dessus prononce l'annulation, sont, sous réserve des actions contentieuses déjà engagés, définitifs.
Article 3 : L'Etat versera à l'association Code animal une somme de 1 800 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de l'association Code animal est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association Code animal et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Délibéré à l'issue de la séance du 9 décembre 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; M. Alain Seban, Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Laurence Helmlinger, M. Cyril Roger-Lacan, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et Mme Laëtitia Malleret, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 31 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Laëtitia Malleret
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain