Vu la procédure suivante :
M. B... C..., agissant au nom de sa fille mineure A... C..., a demandé à la Cour nationale du droit d'asile, d'une part, d'annuler la décision du 26 septembre 2022 par laquelle le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté la demande d'asile présentée au nom de sa fille, d'autre part, de lui reconnaître la qualité de réfugiée ou à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire.
Par une décision n° 23001606 du 21 juin 2023, le Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande.
Par un pourvoi enregistré le 31 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'OFPRA le versement à la SCP Leduc, Vigaud, son avocat, de la somme de 3 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967, relatifs au statut des réfugiés ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Emmanuel Weicheldinger, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Leduc, Vigand, avocat de Mme C... et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des refugies et apatrides (OFPRA) ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 531-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides peut demander à la personne sollicitant l'asile de se soumettre à un examen médical. / Le refus du demandeur d'asile de se soumettre à cet examen médical ne fait pas obstacle à ce que l'office statue sur sa demande. / Les certificats médicaux sont pris en compte par l'office parallèlement aux autres éléments de la demande. / Un arrêté conjoint des ministres chargés de l'asile et de la santé, pris après avis du directeur général de l'office, fixe les catégories de médecins qui peuvent pratiquer l'examen médical, ainsi que les modalités d'établissement des certificats médicaux. / Lorsque la protection au titre de l'asile est sollicitée par une mineure de sexe féminin invoquant un risque de mutilation sexuelle, ou par un mineur de sexe masculin invoquant un risque de mutilation sexuelle de nature à altérer ses fonctions reproductrices, le certificat médical, dûment renseigné, est transmis à l'office sans délai par le médecin qui l'a rédigé. Une copie du certificat est remise en main propre aux parents ou au représentant légal ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 23 août 2017 pris pour l'application des articles L. 723-5 et L. 752-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et définissant les modalités de l'examen médical prévu pour les personnes susceptibles de bénéficier, ou qui bénéficient, d'une protection au regard des risques de mutilation sexuelle féminine qu'elles encourent : " Dans le cas où l'asile est demandé au bénéfice d'une mineure en raison des risques de mutilation sexuelle encourus, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides informe ses parents ou les représentants légaux, par courrier envoyé préalablement à l'entretien, de la nécessité pour celle-ci de se soumettre à l'examen médical prévu à l'article L. 723-5 susvisé. " Aux termes du premier alinéa de l'article 4 de cet arrêté : " Les examens sont pratiqués par des praticiens inscrits au tableau de l'ordre des médecins, titulaires d'un diplôme ou d'un titre universitaire en médecine légale reconnu par le Conseil national de l'ordre des médecins ou d'un droit d'exercice délivré par l'ordre des médecins en médecine légale, et exerçant une fonction médicale au sein d'unités hospitalières spécialisées dans la prise en charge médico-légale du vivant ".
2. Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile que, pour rejeter la demande d'asile dont elle était saisie par le représentant légal de l'enfant mineur de quinze ans, A... C..., en écartant les craintes de persécution au titre de l'appartenance au groupe social des femmes non mutilées, et d'exposition à la pratique de l'excision en cas de retour en Côte d'Ivoire, la Cour a retenu qu'il existait un doute sur l'intégrité physique de l'enfant compte tenu de la contradiction existant entre un certificat médical d'excision délivré le 14 avril 2022 par un médecin légiste exerçant à l'Unité Médico-Judiciaire du centre hospitalier universitaire de Caen et deux certificats médicaux de non-excision délivrés pour le premier, le 23 septembre 2022 par deux autres médecins exerçant au centre hospitalier SudFrancilien dans l'Essonne et pour le second, le 1er février 2023, par un médecin légiste exerçant au sein de l'Unité Médico-Judiciaire de l'Hôtel Dieu à Paris. Elle a également estimé que ce doute n'était pas levé par les propos tenus au cours de l'audience tant par la requérante que par son représentant légal, ni par l'ordonnance médicale du 26 octobre 2022 produite dans le cadre d'une note en délibéré. En se prononçant ainsi alors que, compte tenu de ses propres constatations, cette absence de levée du doute quant à la situation de l'intéressée au regard du risque d'excision dans son pays ne permettait pas de la faire regarder comme n'étant plus susceptible d'appartenir au groupe social des femmes ivoiriennes non-mutilées, la Cour nationale a entaché sa décision d'erreur de droit.
3. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que M. C..., représentant légal de sa fille mineure, est fondé à demander l'annulation de la décision de la Cour nationale du droit d'asile qu'il attaque.
4. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Il s'ensuit que son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a donc lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le versement à la SCP Claire Leduc et Solange Vigand de la somme de 3 000 euros.
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 21 juin 2023 de la Cour nationale du droit d'asile est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Cour nationale du droit d'asile.
Article 3 : L'Office français de protection des réfugiés et apatrides versera à la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. C..., une somme de 3 000 euros, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... C... et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
Délibéré à l'issue de la séance du 14 novembre 2024 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Emmanuel Weicheldinger, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 31 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Bertrand Dacosta
Le rapporteur :
Signé : M. Emmanuel Weicheldinger
La secrétaire :
Signé : Mme Sylvie Leporcq