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31/12/2024 | FRANCE | N°489777

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 31 décembre 2024, 489777


Vu les procédures suivantes :



La Confédération des syndicats indépendants de Polynésie (CSIP) et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de la Polynésie française, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 25 mars 2022 par laquelle l'inspectrice du travail de la direction du travail de la Polynésie française a autorisé le licenciement de Mme B... pour motif disciplinaire et, d'autre part, d'ordonner sa réintégration immédiate. Par un jugement n° 2200182 du 6 décembre 2022, le tribunal administratif de la Polynésie fra

nçaise a rejeté leur demande.



Par un arrêt n° 23PA00513 du 26...

Vu les procédures suivantes :

La Confédération des syndicats indépendants de Polynésie (CSIP) et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de la Polynésie française, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 25 mars 2022 par laquelle l'inspectrice du travail de la direction du travail de la Polynésie française a autorisé le licenciement de Mme B... pour motif disciplinaire et, d'autre part, d'ordonner sa réintégration immédiate. Par un jugement n° 2200182 du 6 décembre 2022, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 23PA00513 du 26 octobre 2023, la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 6 décembre 2022 et la décision du 25 mars 2022.

1° Sous le n° 489777, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 novembre 2023 et 12 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société d'étude et de gestion commerciale (SEGC) Carrefour Arue demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la CSIP et de Mme B... ;

3°) de mettre à la charge de la CSIP et de Mme B... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 491678, par une requête enregistrée le 12 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SEGC Carrefour Arue demande au Conseil d'Etat de prononcer le sursis à exécution du même arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code du travail de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Delaporte, conseillère d'Etat,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Leduc, Vigand, avocat de la société d'étude et de gestion commerciale Carrefour Arue et à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la Confédération des syndicats indépendants de Polynésie et de Mme A... B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Le pourvoi par lequel la société d'étude et de gestion commerciale (SEGC) Carrefour Arue demande l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 26 octobre 2023 et sa requête tendant au sursis à l'exécution de cet arrêt présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. D'une part, il résulte de l'article Lp. 2511-1 du code du travail de Polynésie française que le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après l'autorisation de l'inspecteur du travail.

3. D'autre part, l'article Lp. 1222-4 du code du travail de Polynésie française dispose que : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. " L'article Lp. 1222-5 du même code dispose que la lettre de convocation à l'entretien préalable " indique à l'intéressé que son licenciement est envisagé et la nature personnelle ou économique de celui-ci (...) ". Aux termes de l'annexe V à l'avenant n° 2 du 25 novembre 1983 à la convention collective du commerce de Polynésie française, rendue obligatoire pour tous les employeurs et salariés des secteurs d'activités considérés par l'arrêté n° 100 TLS du 10 mars 1977 : " Le licenciement pour faute devra obéir aux règles suivantes : / 1ère Phase / lettre annonçant à l'employé que l'employeur envisage de le licencier, précisant le ou les motifs du licenciement (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la SEGC Carrefour Arue a adressé à Mme B... une lettre de convocation à un entretien préalable à un licenciement, assortie d'une mise à pied à titre conservatoire, en raison des propos injurieux, menaçants ou dégradants tenus à l'encontre de ses subordonnés, ainsi que des pressions exercées à leur encontre, ayant conduit à une dégradation du climat social dans les rayons de l'hypermarché dont elle avait la responsabilité. Par une décision du 25 mars 2022, l'inspectrice du travail a autorisé la société requérante à licencier Mme B... sur le fondement des faits cités dans la lettre de convocation ainsi que d'autres faits, également évoqués au cours de l'entretien préalable, relatifs à des demandes personnelles adressées aux employés, à des différences de traitement quant aux emplois du temps et à la formulation d'ordres contraires aux consignes de la direction. La cour a jugé que l'autorisation de licenciement, en retenant également ces nouveaux griefs qui ne figuraient pas dans la lettre de convocation et sur lesquels l'intéressée n'avait pu présenter ses observations, la privant ainsi des garanties prévues notamment par les stipulations de l'annexe V à la convention collective du commerce, citées au point 3, a été prise à la suite d'une procédure irrégulière de nature à justifier son annulation pour excès de pouvoir.

5. En s'abstenant de rechercher si, au vu des seuls griefs mentionnés dans la lettre de convocation, l'inspectrice du travail aurait pris la même décision autorisant le licenciement de Mme B..., la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.

6. Le Conseil d'Etat se prononçant par la présente décision sur le pourvoi formé par la SEGC Carrefour Arue contre l'arrêt du 26 octobre 2023 de la cour administrative d'appel de Paris, les conclusions aux fins de sursis à l'exécution de cet arrêt sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de la Confédération des syndicats indépendants de Polynésie et de Mme B... la somme de 3 000 euros à verser à la SEGC Carrefour Arue au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société requérante, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 26 octobre 2023 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SEGC Carrefour Arue tendant au sursis à l'exécution de l'arrêt du 26 octobre 2023 de la cour administrative d'appel de Paris.

Article 4 : La Confédération des syndicats indépendants de Polynésie et Mme B... verseront solidairement à la SEGC Carrefour Arue une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société d'étude et de gestion commerciale Carrefour Arue, à Mme A... B... et à la Confédération des syndicats indépendants de Polynésie.

Copie en sera adressée au ministre d'Etat, ministre des Outre-mer et au Haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré à l'issue de la séance du 19 décembre 2024 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat et Mme Sophie Delaporte, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 31 décembre 2024.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

La rapporteure :

Signé : Mme Sophie Delaporte

La secrétaire :

Signé : Mme Sylvie Leporcq


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 489777
Date de la décision : 31/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 31 déc. 2024, n° 489777
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie Delaporte
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier
Avocat(s) : SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS ; SCP LEDUC, VIGAND

Origine de la décision
Date de l'import : 02/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:489777.20241231
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