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31/12/2024 | FRANCE | N°495419

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 31 décembre 2024, 495419


Vu les procédures suivantes :



1° Sous le n° 495419, par une requête enregistrée le 24 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Cercle Droit et Liberté, Me Thibault Mercier, la société EE Animation, M. A... B... et Me Caroline Wood demandent au Conseil d'Etat :



l°) d'annuler pour excès de pouvoir le communiqué de presse du 10 mai 2024 " Mise en ligne de la plateforme du laisser-passer numérique " Pass jeux " dans le cadre des jeux olympiques et paralympiques 2024 " de la préfecture de police

;



2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au tit...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 495419, par une requête enregistrée le 24 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Cercle Droit et Liberté, Me Thibault Mercier, la société EE Animation, M. A... B... et Me Caroline Wood demandent au Conseil d'Etat :

l°) d'annuler pour excès de pouvoir le communiqué de presse du 10 mai 2024 " Mise en ligne de la plateforme du laisser-passer numérique " Pass jeux " dans le cadre des jeux olympiques et paralympiques 2024 " de la préfecture de police ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 496015, par une requête enregistrée le 15 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Cercle Droit et Liberté, Me Thibault Mercier et Me Caroline Wood demandent au Conseil d'Etat :

l°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2024-431 du 14 mai 2024 portant application de l'article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure à la cérémonie d'ouverture des jeux Olympiques de 2024 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Delaporte, conseillère d'Etat,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes visées ci-dessus présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. D'une part, l'association Cercle Droit et Liberté, Me Mercier, la société EE Animation, M. B... et Me Wood demandent l'annulation pour excès de pouvoir du communiqué de presse du 10 mai 2024 " Mise en ligne de la plateforme du laisser-passer numérique " Pass jeux " dans le cadre des jeux olympiques et paralympiques 2024 " de la préfecture de police. D'autre part, l'association Cercle Droit et Liberté, Me Mercier et Me Wood demandent l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 14 mai 2024 portant application de l'article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure à la cérémonie d'ouverture des jeux Olympiques de 2024.

3. Aux termes de l'article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure : " Sont désignés par décret les grands événements et les grands rassemblements de personnes ayant pour objet d'assister à la retransmission d'événements exposés à un risque d'actes de terrorisme en raison de leur nature et de l'ampleur de leur fréquentation. Ce décret désigne également les établissements et les installations qui les accueillent ainsi que leur organisateur. / L'accès de toute personne, à un autre titre que celui de spectateur, à tout ou partie des établissements et des installations désignées par le décret mentionné au premier alinéa est soumis, pendant la durée de l'événement ou du rassemblement et de leur préparation, à une autorisation de l'organisateur délivrée sur avis conforme de l'autorité administrative. Cette autorité administrative rend son avis à la suite d'une enquête administrative qui peut donner lieu à la consultation, selon les règles propres à chacun d'eux, du bulletin n° 2 du casier judiciaire et de certains traitements automatisés de données à caractère personnel relevant de l'article 31 de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification. Un avis défavorable ne peut être émis que s'il ressort de l'enquête administrative que le comportement ou les agissements de la personne sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État ". L'article R. 211-32 du même code dispose : " Avant d'autoriser l'accès d'une personne physique à un autre titre que celui de spectateur à tout ou partie des établissements et des installations mentionnés à l'article L. 211-11-1, l'organisateur saisit par écrit, pour avis conforme, selon le lieu de déroulement ou l'importance de l'événement ou du rassemblement, le ministre de l'intérieur, le préfet de département, à Paris le préfet de police ou dans le département des Bouches du Rhône le préfet de police des Bouches-du-Rhône. / La demande de l'organisateur comprend : / 1° L'identité de la personne, sa nationalité, ses date et lieu de naissance et son domicile ; / 2° Le motif de l'accès à l'établissement ou l'installation. (...) / Le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 211-11-1 précise, parmi les autorités mentionnées au premier alinéa, celle compétente pour rendre l'avis. Il fixe le délai dans lequel l'organisateur saisit cette autorité ainsi que le délai, qui ne peut être supérieur à deux mois, à l'expiration duquel un avis défavorable est réputé avoir été rendu. / L'avis est rendu à la suite d'une enquête administrative, diligentée par le ministre de l'intérieur à la demande de l'autorité administrative saisie par l'organisateur. L'enquête est destinée à vérifier que le comportement ou les agissements de la personne ne sont pas de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État. / (...) / Seul le sens de l'avis est transmis à l'organisateur ". Le même article énumère également les 13 fichiers traitant des données à caractère personnel, outre le bulletin n° 2 du casier judiciaire, susceptibles d'être consultés dans le cadre de l'enquête administrative, selon les règles propres à chaque traitement et dans la seule mesure où elles le permettent.

4. L'article 1er du décret attaqué désigne la cérémonie d'ouverture des jeux Olympiques de 2024 en qualité de " grand événement " au sens des dispositions de l'article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure. Son article 2 définit une période de préparation et une période de déroulement de la cérémonie, respectivement, du 18 juillet 2024 à 5 h 00 au 26 juillet 2024 à 12 h 59 et du 26 juillet 2024 à 13 h 00 au 27 juillet 2024 et, pour chacune d'elles, un périmètre à l'intérieur duquel s'applique, pour l'accès à tout établissement ou installation, la procédure d'autorisation prévue par les articles L. 211-11-1 et R. 211-32 du code de la sécurité intérieure. Son article 3 désigne le préfet de police comme autorité compétente pour rendre l'avis conforme auquel est subordonnée la délivrance d'une autorisation d'accès et résultant de l'enquête administrative prévue par les mêmes articles. L'article 4 fixe au 27 juillet 2024 à minuit la date limite de transmission par les organisateurs au préfet de police des demandes d'autorisation d'accès et à un mois le délai maximum dans lequel celui-ci doit leur adresser en retour son avis conforme.

5. Ainsi qu'il a été dit au point 3, les dispositions de l'article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure imposent au pouvoir réglementaire la désignation des établissements et installations qui accueillent un grand événement et dont l'accès est soumis à autorisation. Ces dispositions excluent, en principe, que soient soumis à un tel régime tout autre local que ceux accueillant ces établissements et installations, non plus que les voies publiques permettant d'y accéder.

6. Il ressort cependant des pièces du dossier que la cérémonie d'ouverture des jeux Olympiques de 2024 devait se dérouler le 26 juillet 2024, pendant plusieurs heures, en différents tableaux comprenant un défilé nautique d'une centaine de bateaux sur un parcours de 6 kilomètres environ sur la Seine, allant du pont d'Austerlitz au pont d'Iéna, des spectacles et autres animations festives, ainsi qu'une séquence finale au Trocadéro. Sa préparation, à partir du 18 juillet 2024, notamment le pré-positionnement des bateaux des délégations, devait être effectuée en amont du parcours, depuis le niveau du pont Nelson Mandela entre les communes de Charenton-le-Pont sur la rive droite et d'Ivry-sur-Seine sur la rive gauche de la Seine. Le débarquement des délégations devait être réalisé en aval du parcours, entre le pont d'Iéna et le pont du Garigliano. Il en résulte que, dans le cas très particulier de la cérémonie d'ouverture des jeux Olympiques de 2024, la Seine elle-même, les voies publiques, et en particulier les quais bas, les quais hauts et les ponts devaient être regardés comme les établissements et installations accueillant ce grand événement au sens et pour l'application de l'article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure.

7. Il ressort également des pièces du dossier que la cérémonie devait réunir plus de 10 000 athlètes représentant plus de 200 nations, des centaines de chefs d'Etat et de gouvernement, d'artistes et d'autres personnalités, plus de 300 000 spectateurs munis de billets, positionnés sur les quais bas (100 000), les quais hauts (200 000) et certains ponts, 20 000 journalistes et des milliers de bénévoles. En outre, la retransmission de la cérémonie devait être suivie par plus d'un milliard de téléspectateurs. Cette cérémonie présentait ainsi, en raison de sa nature, de sa visibilité internationale, du risque particulier qu'impliquait notamment la présence de chefs d'Etat et de gouvernement, de l'ampleur attendue de sa fréquentation et de la configuration des lieux qui l'accueillaient, un caractère exceptionnel et sans précédent. Dans ces conditions, en estimant que la prévention des actes de terrorisme justifiait, en l'espèce, la définition d'un périmètre incluant les immeubles qui, soit ne sont accessibles qu'en passant par les établissements et installations mentionnés au point 6, soit disposent d'ouvertures donnant un accès visuel à ces établissements et installations, ainsi le cas échéant que les voies et accès les desservant, le pouvoir réglementaire n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 211-11-1.

8. Toutefois, si le dispositif ainsi mis en place permettait de soumettre à une autorisation et à une enquête administrative préalable les personnes souhaitant accéder, à un titre autre que celui de spectateur, au périmètre défini par le décret attaqué, la délivrance d'une telle autorisation devait être de droit pour les personnes qui résidaient ou travaillaient habituellement dans ce périmètre et qui en faisaient la demande. Il appartenait à l'autorité administrative compétente, s'il apparaissait que le comportement ou les agissements d'une de ces personnes pouvait être de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État, de prendre, le cas échéant, des mesures de police administrative sur le fondement des textes l'y autorisant, notamment celles prévues au titre II du livre II du code de la sécurité intérieure, ou, si les conditions étaient remplies, d'engager une procédure judiciaire.

9. Sous la condition posée au point 8 et eu égard aux enjeux et aux risques exposés au point 7, le décret attaqué dans la requête n° 496015, qui respecte les dispositions de l'article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure en application duquel il est pris, ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir, à la liberté du commerce et de l'industrie et au droit au respect de la vie privée et familiale et n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

10. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la requête n° 496015 tendant à l'annulation du décret du 14 mai 2024 doivent être rejetées. Pour les mêmes motifs, les conclusions de la requête n° 495419 tendant à l'annulation du communiqué de presse du 10 mai 2024 ne peuvent, en tout état de cause, qu'être également rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, sous les deux requêtes, des conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes n° 495419 et 496015 de l'association Cercle Droit et Liberté et autres sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Cercle Droit et Liberté, représentant unique désigné dans chacune des deux requêtes, au ministre de l'intérieur et au Premier ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 19 décembre 2024 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat et Mme Sophie Delaporte, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 31 décembre 2024.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

La rapporteure :

Signé : Mme Sophie Delaporte

La secrétaire :

Signé : Mme Sylvie Leporcq


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 495419
Date de la décision : 31/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 31 déc. 2024, n° 495419
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie Delaporte
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier

Origine de la décision
Date de l'import : 02/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:495419.20241231
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