La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/01/2025 | FRANCE | N°490508

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 27 janvier 2025, 490508


Vu la procédure suivante :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 21 janvier 2021 par laquelle le conseil municipal de La Trinité (Martinique) a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune, en tant qu'elle classe la parcelle cadastrée section D n°223 en zone N1 et non en zone U4. Par un jugement n° 2100412 du 9 juin 2022, le tribunal administratif a annulé la délibération attaquée en tant qu'elle classe la parcelle en zone N.



Par u

n arrêt n° 22BX02433 du 2 novembre 2023, la cour administrative d'appel de Bordeaux, s...

Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 21 janvier 2021 par laquelle le conseil municipal de La Trinité (Martinique) a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune, en tant qu'elle classe la parcelle cadastrée section D n°223 en zone N1 et non en zone U4. Par un jugement n° 2100412 du 9 juin 2022, le tribunal administratif a annulé la délibération attaquée en tant qu'elle classe la parcelle en zone N.

Par un arrêt n° 22BX02433 du 2 novembre 2023, la cour administrative d'appel de Bordeaux, sur appel de la commune de La Trinité, a annulé ce jugement et rejeté la demande présentée au tribunal administratif par Mme B....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 décembre 2023 et 26 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la commune de La Trinité ;

3°) de mettre à la charge de la commune de La Trinité la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Delsol, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Frédéric Puigserver, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme A... B... et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la commune de La Trinité ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêt du 2 novembre 2023, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la commune de La Trinité, annulé le jugement du 9 juin 2022 du tribunal administratif de la Martinique qui avait fait droit à la demande de Mme B... en annulant la délibération du 21 janvier 2021 du conseil municipal de la commune ayant approuvé la révision du plan local d'urbanisme en tant que celui-ci avait classé en zone N1 la parcelle cadastrée section D n° 223. Mme B... se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. En premier lieu, en vertu des articles L. 153-11 et L. 153-32 du code de l'urbanisme, l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou le conseil municipal prescrit l'élaboration ou la révision du plan local d'urbanisme et précise les objectifs poursuivis et les modalités de la concertation. Après, notamment, le débat, prévu par l'article L. 153-12, sur les orientations générales du plan d'aménagement et de développement durables, le projet de plan est arrêté par délibération ainsi que le prévoit l'article L. 153-14. Il est alors soumis notamment aux avis et à l'enquête publique prévus par les articles L. 153-16 à L. 153-19. L'article L. 153-21 prévoit qu'à l'issue de l'enquête le plan est approuvé par l'organe délibérant ou le conseil municipal.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour demander l'annulation de la délibération du 21 janvier 2021, qui a approuvé le plan révisé, Mme B... soutenait que la convocation des conseillers municipaux à la séance du 19 décembre 2019, au cours de laquelle le projet avait été arrêté avant l'enquête publique, ne précisait pas suffisamment que ce point était à l'ordre du jour du conseil municipal, en méconnaissance de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales, et que la même convocation n'était pas accompagnée de la note explicative de synthèse prévue par l'article L. 2121-12 du même code pour les communes de 3 500 habitants et plus.

4. Eu égard, d'une part, aux spécificités de la procédure d'élaboration ou de révision du plan local d'urbanisme décrite au point 2, qui impliquent que le conseil municipal est nécessairement conduit à se prononcer, lors de l'adoption définitive du plan local d'urbanisme ou de sa révision, sur le contenu de ce document et, d'autre part, à l'absence d'effet propre de la phase arrêtant le projet de plan avant l'enquête publique, prévue par l'article L. 153-14 du code de l'urbanisme, les éventuelles irrégularités affectant la délibération arrêtant le projet de plan sont sans incidence sur la légalité de la délibération approuvant le plan. Par suite, c'est sans erreur de droit que la cour administrative d'appel de Bordeaux a écarté comme inopérant le moyen tiré de l'illégalité de la délibération arrêtant le plan local d'urbanisme.

5. En deuxième lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour écarter le moyen tiré de ce que le dossier soumis à l'enquête publique ne comprenait pas le rapport sur les incidences environnementales et son résumé non technique, prévus par l'article R. 123-8 du code de l'environnement, la cour administrative d'appel a, d'une part, relevé que Mme B... se bornait à renvoyer au rapport du commissaire enquêteur, lequel ne faisait pas état de la lacune alléguée, et, d'autre part, pris en compte le résumé non technique produit en défense dont la commune indiquait, sans être sérieusement contredite, qu'il figurait bien dans le dossier d'enquête. En se prononçant ainsi, la cour n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas dénaturé les pièces du dossier.

6. En troisième lieu, si Mme B... soutient que le projet d'aménagement et de développement durables (PADD) produit en défense par la commune portait la mention " projet de PLU arrêté par délibération du conseil municipal du 19 décembre 2019 ", elle n'avait pas soutenu devant les juges au fond que cette version du PADD aurait été différente de celle approuvée. Mme B... ne peut donc, en tout état de cause, soutenir utilement en cassation que la cour administrative d'appel se serait fondée seulement sur cette version pour écarter le moyen tiré de ce que le règlement du plan local d'urbanisme aurait été incohérent avec le PADD.

7. En dernier lieu, l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme dispose : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. / Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire ". Aux termes de l'article R. 151-18 du même code : " Les zones urbaines sont dites " zones U ". Peuvent être classés en zone urbaine, les secteurs déjà urbanisés et les secteurs où les équipements publics existants ou en cours de réalisation ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter ". Aux termes de son article R. 151-24 : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / (...) / 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; / 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; / (...) ". Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols. Leur appréciation ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

8. Après avoir constaté que la parcelle en litige se trouvait en bordure d'une zone U située pour l'essentiel de part et d'autre d'une route de crête sur la presqu'île de la Caravelle, la cour administrative d'appel a analysé les contours de cette zone puis relevé que cette parcelle, bien que construite et raccordée aux réseaux d'eau et d'électricité, se trouvait sur un versant, dans une zone peu densément urbanisée et jouxtait notamment une parcelle largement arborée se prolongeant par un vaste espace naturel jusqu'au bord de mer. En retenant que le classement en zone N s'inscrivait dans le parti d'aménagement, retenu par le plan local d'urbanisme, consistant à préserver les zones naturelles et l'unité paysagère, en particulier dans le site classé de la presqu'île, tout en limitant l'étalement urbain, et en jugeant par suite que ce classement n'était pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine des faits de l'espèce, exempte de dénaturation.

9. De même, la cour a souverainement jugé, sans dénaturation des pièces versées au dossier, que le détournement de pouvoir allégué n'était pas établi.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de Mme B... doit être rejeté, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge une somme de 3 000 euros au titre du même article.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme B... est rejeté.

Article 2 : Mme B... versera une somme de 3 000 euros à la commune de La Trinité au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et à la commune de La Trinité.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 490508
Date de la décision : 27/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GÉNÉRALES - MOYENS - MOYENS INOPÉRANTS - URBANISME – ELABORATION OU RÉVISION D'UN PLU – CONTESTATION DE LA DÉLIBÉRATION APPROUVANT LE PLAN – MOYEN TIRÉ DE L'ILLÉGALITÉ DE LA DÉLIBÉRATION ARRÊTANT LE PROJET SOUMIS À ENQUÊTE PUBLIQUE (ART - L - 153-14 DU CODE DE L’URBANISME) [RJ1].

54-07-01-04-03 En vertu des articles L. 153-11 et L. 153-32 du code de l’urbanisme, l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou le conseil municipal prescrit l’élaboration ou la révision du plan local d'urbanisme (PLU) et précise les objectifs poursuivis et les modalités de la concertation. Après, notamment, le débat, prévu par l’article L. 153-12, sur les orientations générales du plan d’aménagement et de développement durables, le projet de plan est arrêté par délibération ainsi que le prévoit l’article L. 153-14. Il est alors soumis notamment aux avis et à l’enquête publique prévus par les articles L. 153-16 à L. 153-19. L’article L. 153-21 prévoit qu’à l’issue de l’enquête le plan est approuvé par l’organe délibérant ou le conseil municipal....Eu égard, d’une part, aux spécificités de la procédure d’élaboration ou de révision du PLU, qui impliquent que le conseil municipal est nécessairement conduit à se prononcer, lors de l’adoption définitive du PLU ou de sa révision, sur le contenu de ce document et, d’autre part, à l’absence d’effet propre de la phase arrêtant le projet de plan avant l’enquête publique, prévue par l’article L. 153-14 du code de l’urbanisme, les éventuelles irrégularités affectant la délibération arrêtant le projet de plan sont sans incidence sur la légalité de la délibération approuvant le plan.

URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE - PLANS D'AMÉNAGEMENT ET D'URBANISME - PLANS D`OCCUPATION DES SOLS (POS) ET PLANS LOCAUX D’URBANISME (PLU) - LÉGALITÉ DES PLANS - PROCÉDURE D'ÉLABORATION - CONTESTATION DE LA DÉLIBÉRATION APPROUVANT LE PLU – MOYEN TIRÉ DE L'ILLÉGALITÉ DE LA DÉLIBÉRATION ARRÊTANT LE PROJET SOUMIS À ENQUÊTE PUBLIQUE (ART - L - 153-14 DU CODE DE L’URBANISME) – OPÉRANCE – ABSENCE [RJ1].

68-01-01-01-01 En vertu des articles L. 153-11 et L. 153-32 du code de l’urbanisme, l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou le conseil municipal prescrit l’élaboration ou la révision du plan local d'urbanisme (PLU) et précise les objectifs poursuivis et les modalités de la concertation. Après, notamment, le débat, prévu par l’article L. 153-12, sur les orientations générales du plan d’aménagement et de développement durables, le projet de plan est arrêté par délibération ainsi que le prévoit l’article L. 153-14. Il est alors soumis notamment aux avis et à l’enquête publique prévus par les articles L. 153-16 à L. 153-19. L’article L. 153-21 prévoit qu’à l’issue de l’enquête le plan est approuvé par l’organe délibérant ou le conseil municipal....Eu égard, d’une part, aux spécificités de la procédure d’élaboration ou de révision du PLU, qui impliquent que le conseil municipal est nécessairement conduit à se prononcer, lors de l’adoption définitive du PLU ou de sa révision, sur le contenu de ce document et, d’autre part, à l’absence d’effet propre de la phase arrêtant le projet de plan avant l’enquête publique, prévue par l’article L. 153-14 du code de l’urbanisme, les éventuelles irrégularités affectant la délibération arrêtant le projet de plan sont sans incidence sur la légalité de la délibération approuvant le plan.


Publications
Proposition de citation : CE, 27 jan. 2025, n° 490508
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bruno Delsol
Rapporteur public ?: M. Frédéric Puigserver
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:490508.20250127
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award