Vu la procédure suivante :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision en date du 30 mai 2018 de la commission permanente du conseil régional d'Ile-de-France lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle et d'enjoindre, sous astreinte, à la région Ile-de-France de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de quatorze jours à compter de la notification du jugement à intervenir. Par un jugement n° 1807032, 1808491 du 12 février 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 21PA01886 du 14 octobre 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. C... contre le jugement du tribunal administratif de Montreuil.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 décembre 2022 et 14 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de région Ile-de-France la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la décision du 15 juillet 2024 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. C... ;
- la décision n° 2024-1107 QPC du 11 octobre 2024 statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. C... ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de M. B... C... et à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de la région Ile-de-France ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... C..., conseiller régional d'Ile-de-France, a été cité à comparaître devant le tribunal de grande instance de Paris pour des faits de diffamation envers la présidente du conseil régional à raison de propos tenus dans la presse en sa qualité de président de la mission d'information et d'évaluation, instituée en vertu de l'article L. 4132-21-1 du code général des collectivités territoriales, en vue d'éclairer le choix du site retenu pour le déménagement et le regroupement des services du conseil régional d'Ile-de-France dans le département de la Seine-Saint-Denis. Il a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle, prévue au second alinéa de l'article L. 4135-28 du code général des collectivités territoriales, qui lui a été refusé par une délibération du 30 mai 2018 de la commission permanente du conseil régional. Par un jugement du 12 février 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de cette décision. M. C... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 14 octobre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel dirigé contre ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 4135-28 du code général des collectivités territoriales : " (...) La région est tenue d'accorder sa protection au président du conseil régional, au conseiller régional le suppléant ou ayant reçu une délégation ou à l'un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable de l'exercice de ses fonctions ".
3. En premier lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel a, d'une part, répondu au moyen tiré de ce que la décision en litige méconnaissait les dispositions de l'article L. 4135-28 du code général des collectivités territoriales et le principe général du droit dont M. C... se prévalait, non seulement en adoptant les motifs retenus par le tribunal administratif de Montreuil mais également en répondant explicitement à l'argumentation nouvelle dont elle était saisie, d'autre part, répondu expressément au moyen soulevé devant elle et tiré de ce que la procédure pénale engagée à l'encontre de M. C... par la présidente du conseil régional d'Ile-de-France était contraire à la liberté d'expression des élus régionaux. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêt est entaché d'insuffisance de motivation.
4. En deuxième lieu, par une décision n° 2024-1107 QPC du 11 octobre 2024, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les mots " au président du conseil régional, au conseiller régional le suppléant ou ayant reçu une délégation ou à l'un de ces élus ayant cessé ses fonctions " figurant au second alinéa de l'article L. 4135-28 du code général des collectivités territoriales. M. C... n'est dès lors pas fondé à soutenir que l'arrêt attaqué devra être annulé par voie de conséquence de la déclaration d'inconstitutionnalité de ces dispositions.
5. En dernier lieu, les élus locaux exerçant des fonctions exécutives ne sont pas dans la même situation, au regard des risques de poursuites pénales auxquelles ces fonctions les exposent, que les autres membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales. Dès lors, le principe général du droit, expressément réaffirmé en ce qui concerne les conseillers régionaux par les dispositions de l'article L. 4135-28 du code général des collectivités territoriales, selon lequel il incombe à ces collectivités d'accorder à leurs élus exerçant des fonctions exécutives leur protection dans le cas où ils font l'objet de poursuites pénales, ne saurait imposer, par lui-même, qu'une protection identique soit accordée aux élus n'exerçant pas de telles fonctions, y compris lorsque, comme en l'espèce, le litige ou les poursuites pour lesquelles l'octroi de la protection fonctionnelle est sollicité opposent deux élus locaux, l'un chargé de fonctions exécutives et l'autre non. Il en va de même du droit à un recours juridictionnel effectif et de la liberté d'expression, dès lors qu'en toute hypothèse, le seul fait, pour un élu n'exerçant pas des fonctions exécutives de ne pas pouvoir bénéficier d'une telle protection ne saurait être regardé comme portant atteinte à ce droit et à cette liberté, garantis tant par la Déclaration des droits de l'homme et citoyen que par la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. C... doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la région Ile-de-France.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. C... est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par la région Ile-de-France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... C... et à la région Ile-de--France.
Copie en sera adressée au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
Délibéré à l'issue de la séance du 16 janvier 2025 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, président de chambre, présidant ; M. Philippe Ranquet, conseiller d'Etat et Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 28 janvier 2025.
Le président :
Signé : M. Stéphane Verclytte
La rapporteure :
Signé : Mme Muriel Deroc
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova