Vu la procédure suivante :
La société par actions simplifiée (SAS) TM Group Investment Holding a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015, 2016 et 2017, ainsi que des majorations correspondantes. Par un jugement n° 2100033 du 9 novembre 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 22LY00163 du 7 décembre 2023, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la société TM Group Investment Holding contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 février et 7 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société TM Group Investment holding demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de renvoyer l'affaire à la cour administrative d'appel de Lyon ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Prévot, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Maître Ridoux, avocat de la société Tm Group Investment Holding ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société par actions simplifiée (SAS) TM Group Investment Holding, a consenti un prêt libellé en dollars à sa filiale cambodgienne, la société Macox Manufacturing Company Ltd, pour financer la construction et le développement d'une usine de production textile au Cambodge. Les deux sociétés ont signé, le 11 décembre 2013, un contrat de prêt qui a été renouvelé par avenants des 2 décembre 2015 et 30 mars 2016. A la suite d'une vérification de comptabilité de la société TM Group Investment Holding, l'administration a réintégré aux résultats de ses exercices clos en 2015, 2016 et 2017, les écarts de conversion, résultant de la fluctuation du taux de change entre l'euro et le dollar, dont elle n'avait pas tenu compte fiscalement. La société TM Group Investment Holding se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 7 décembre 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel qu'elle a formé contre le jugement du tribunal administratif de Dijon ayant rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie, en conséquence de ces rectifications, au titre des trois exercices vérifiés.
2. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la minute de l'arrêt attaqué ne comporterait pas les mentions prescrites par les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative manque en fait.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) / 4. Pour l'application des 1 et 2, les écarts de conversion des devises ainsi que des créances et dettes libellées en monnaies étrangères par rapport aux montants initialement comptabilisés sont déterminés à la clôture de chaque exercice en fonction du dernier cours de change et pris en compte pour la détermination du résultat imposable de l'exercice. (...) / Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables, sur option irrévocable, aux prêts libellés en monnaie étrangère consentis, à compter du 1er janvier 2001, par des entreprises autres que les établissements de crédit, les sociétés de financement et les entreprises d'investissement mentionnés à l'article 38 bis A, pour une durée initiale et effective d'au moins trois ans, à une société dont le siège social est situé dans un Etat ne participant pas à la monnaie unique et dont elles détiennent directement ou indirectement plus de la moitié du capital de manière continue pendant toute la période du prêt. Corrélativement, la valeur fiscale de ces prêts ne tient pas compte des écarts de conversion constatés sur le plan comptable. Les dispositions du présent alinéa ne sont pas applicables aux prêts faisant l'objet d'une couverture du risque de change ".
4. Il résulte des termes mêmes des dispositions précitées que le droit reconnu à l'entreprise, sur option de sa part, de ne pas tenir compte, pour la détermination de son résultat imposable, des gains et des pertes de change latents constatés à la clôture de l'exercice sur les créances correspondant à des prêts libellés en monnaie étrangère accordés à des filiales est subordonné, d'une part, à la condition que chaque prêt au titre duquel l'option est exercée soit d'une durée initiale d'au moins trois ans et, d'autre part, à la condition que ce prêt ait effectivement bénéficié à la filiale étrangère pendant au moins trois ans. La première de ces deux conditions s'apprécie à la date de l'octroi du prêt et indépendamment de celle tenant à la durée effective du prêt.
5. En conséquence, en se fondant, pour juger que l'administration avait à bon droit remis en cause l'option exercée par la société TM Group Investment Holding en application du quatrième alinéa du 4 de l'article 38 du code général des impôts, sur la circonstance que le contrat de prêt, dont elle a examiné la teneur par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, conclu le 11 décembre 2013 entre cette société et sa filiale cambodgienne, avait pour échéance, selon l'article 3 de ce contrat, le 31 décembre 2015, de sorte que n'était pas satisfaite la première des deux conditions rappelées au point 3, tenant à ce que la durée initiale du prêt soit d'au moins trois ans, la cour, qui n'a par ailleurs pas exclu que la satisfaction de cette condition puisse être révélée par d'autres circonstances contemporaines de l'octroi des sommes prêtées, n'a pas commis d'erreur de droit.
6. En ne prenant en considération, pour apprécier si cette condition de durée initiale était remplie, ni le caractère reconductible du prêt, ni la circonstance que la société TM Group Investment Holding s'était elle-même endettée pour une durée supérieure à trois ans aux fins de consentir le prêt en cause, la cour, qui n'a pas insuffisamment motivé son arrêt, n'a pas davantage commis d'erreur de droit.
7. Il résulte de ce qui précède que la société TM Group Investment Holding n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société TM Group Investment Holding est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée TM Group Investment Holding et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 13 janvier 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et Mme Marie Prévot, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 5 février 2025.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Marie Prévot
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle