Vu la procédure suivante :
M. A... D... et Mme C... C... B... ont chacun demandé en leur nom personnel, ainsi que conjointement en qualité de représentants légaux de leur fils mineur, l'enfant Liam Teim, au juge des référés du tribunal administratif de Nantes, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution des décisions du 29 juillet 2024 par laquelle les autorités consulaires françaises à Montréal (Canada) ont refusé de leur délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France portant la mention " passeport talent ".
Par une ordonnance nos 2412506, 24012508 et 2412509 du 12 septembre 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a, d'une part, suspendu l'exécution de ces décisions et, d'autre part, enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de procéder à un nouvel examen des demandes de visa de long séjour présentées par les intéressés dans un délai de huit jours à compter de la notification de cette ordonnance.
Par une ordonnance no 2414569 du 7 octobre 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, saisi par M. D... sur le fondement de l'article L. 521-4 du code de justice administrative, a modifié l'injonction de réexamen prononcée par l'ordonnance du 12 septembre 2024 en l'assortissant d'une astreinte de 300 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de sept jours à compter de la notification de cette nouvelle ordonnance.
Par un pourvoi, enregistré le 23 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette seconde ordonnance ;
2°) statuant en référé, de constater qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande présentée par M. D... et Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-4 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François-Xavier Bréchot, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, le 9 juillet 2024, M. D... et Mme B..., ressortissants iraniens et canadiens, ont sollicité, pour eux-mêmes et leur enfant mineur, auprès des autorités consulaires françaises à Montréal la délivrance de visas d'entrée en France et de long séjour portant la mention " passeport talent ", afin de venir enseigner respectivement à l'université de Picardie et l'école supérieure de commerce d'Amiens à compter du début du mois de septembre 2024. Ces visas leur ont été refusés par trois décisions consulaires du 29 juillet 2024. M. D... et Mme B... ont formé, le 13 août 2024, un recours administratif préalable obligatoire contre ces décisions devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Le même jour, ils ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nantes de trois demandes, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, tendant à la suspension de l'exécution des décisions consulaires du 29 juillet 2024. Par une ordonnance du 12 septembre 2024, le juge des référés de ce tribunal a suspendu l'exécution de ces décisions et a enjoint au ministre de l'intérieur de procéder à un nouvel examen des demandes de visa de long séjour dans un délai de huit jours. Puis, par une nouvelle ordonnance du 7 octobre 2024, le même juge des référés, saisi par M. D... et Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-4 du code de justice administrative, a modifié sa précédente ordonnance en assortissant l'injonction déjà prononcée d'une astreinte de 300 euros par jour de retard passé un délai de sept jours à compter de la notification de cette nouvelle ordonnance. Le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre cette dernière ordonnance du 7 octobre 2024.
2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 521-4 du même code : " Saisi par toute personne intéressée, le juge des référés peut, à tout moment, au vu d'un élément nouveau, modifier les mesures qu'il avait ordonnées ou y mettre fin. "
3. Aux termes de l'article D. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre de l'intérieur est chargée d'examiner les recours administratifs contre les décisions de refus de visa de long séjour prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. / (...) / La saisine de l'une ou l'autre de ces autorités, selon la nature du visa sollicité, est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. " Aux termes du premier alinéa de l'article D. 312-5-1 du même code : " La commission peut soit rejeter le recours, soit recommander au ministre des affaires étrangères et au ministre de l'intérieur d'accorder le visa de long séjour sollicité. "
4. L'objet même du référé organisé par les dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative est de permettre, dans tous les cas où l'urgence le justifie, la suspension dans les meilleurs délais d'une décision administrative contestée par le demandeur. Une telle possibilité est ouverte y compris dans le cas où un texte législatif ou réglementaire impose l'exercice d'un recours administratif préalable avant de saisir le juge de l'excès de pouvoir, sans donner un caractère suspensif à ce recours obligatoire. Dans une telle hypothèse, la suspension peut être demandée au juge des référés sans attendre que l'administration ait statué sur le recours préalable, dès lors que l'intéressé a justifié, en produisant une copie de ce recours, qu'il a engagé les démarches nécessaires auprès de l'administration pour obtenir l'annulation ou la réformation de la décision contestée. Saisi d'une telle demande de suspension, le juge des référés peut y faire droit si l'urgence justifie la suspension avant même que l'administration ait statué sur le recours préalable et s'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Sauf s'il en décide autrement, la mesure qu'il ordonne en ce sens vaut, au plus tard, jusqu'à l'intervention de la décision administrative prise sur le recours présenté par l'intéressé.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a, par une décision du 1er octobre 2024, rejeté le recours administratif préalable qu'avaient formé M. D... et Mme B... contre les décisions des autorités consulaires du 29 juillet 2024. Dès lors que l'ordonnance du 12 septembre 2024 n'en décidait pas autrement, l'injonction faite par cette ordonnance au ministre de l'intérieur de réexaminer les demandes de visa des intéressés a cessé de produire ses effets à compter de l'intervention de cette décision de la commission de recours. En statuant sur la demande de M. D... et Mme B..., présentée le 23 septembre 2024, tendant à ce que le juge des référés du tribunal administratif de Nantes modifie sa précédente ordonnance du 12 septembre 2024, alors que cette demande était devenue sans objet, ce juge des référés a commis une erreur de droit. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance du 7 octobre 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes.
6. Rien ne restant à juger, il n'y a lieu pour le Conseil d'Etat ni de renvoyer l'affaire, ni de statuer sur la demande de référé en application des dispositions de l'article L. 821 2 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 7 octobre 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes est annulée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à M. A... D... et à Mme C... C... B....