Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 janvier et 20 avril 2023 et le 8 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale d'agriculture biologique (FNAB), l'Union fédérale des consommateurs - Que choisir (UFC - Que choisir), le Syndicat national des transformateurs et distributeurs de produits naturels et de culture biologique (SYNABIO), l'association Générations futures, l'association Bio consom'acteurs, l'association Réseau environnement santé et l'association Agir pour l'environnement demandent au Conseil d'Etat :
1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-1447 du 18 novembre 2022 relatif à la certification environnementale et l'arrêté ministériel du 18 novembre 2022 portant modification de l'arrêté du 20 juin 2011 modifié arrêtant les seuils de performance environnementale relatifs à la certification environnementale des exploitations agricoles et les indicateurs les mesurant ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler l'article 2 du même décret, en tant qu'il fixe un régime transitoire pour l'application des seuils de performance environnementale relatifs à la certification environnementale des exploitations agricoles ;
3°) d'enjoindre à l'Etat de tirer les conséquences de l'annulation prononcée, y compris sur le régime antérieur, en prenant un décret et un arrêté conformes aux règles de droit, dans un délai de six mois et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement UE n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Nicolas Jau, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau, Tapie, avocat de la Fédération nationale d'agriculture biologique (FNAB), de l'Union fédérale des consommateurs - Que Choisir (UFC - que Choisir), de la société Synabio, de la société Générations futures, de la société Bio consom'acteurs, de la société Réseau environnement santé et de la société Agir pour l'environnement ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 janvier 2025, présentée par la FNAB et autres ;
Considérant ce qui suit :
1. Pour la mise en œuvre du 2° de l'article 1er du décret du 18 novembre 2022 relatif à la certification environnementale, l'arrêté du même jour du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires portant modification de l'arrêté du 20 juin 2011 modifié arrêtant les seuils de performance environnementale relatifs à la certification environnementale des exploitations agricoles et les indicateurs les mesurant a défini, dans son annexe, un nouveau référentiel pour le niveau le plus élevé de la certification environnementale des exploitations agricoles, permettant, ainsi que le prévoit l'article L. 611-6 du code rural et de la pêche maritime, l'utilisation de la mention " exploitation de haute valeur environnementale ". Par ailleurs, l'article 2 du décret du 18 novembre 2022 a prévu une entrée en vigueur progressive de ce nouveau référentiel, accompagnée de mesures transitoires concernant l'accès à certaines aides relevant de la politique agricole commune. Eu égard aux termes dans lesquels leur requête est formulée, la Fédération nationale d'agriculture biologique (FNAB) et les autres requérants doivent être regardés comme demandant l'annulation pour excès de pouvoir, à titre principal, de ce nouveau référentiel défini en annexe de l'arrêté attaqué et, à titre subsidiaire, des dispositions de l'article 2 du décret. Ils demandent également qu'il soit enjoint à l'Etat de définir un nouveau référentiel.
Sur l'intervention de l'association Interfel :
2. L'association Interfel justifie, en sa qualité d'organisation interprofessionnelle agricole reconnue sur le fondement de l'article L. 632-1 du code rural et de la pêche maritime, d'un intérêt suffisant au maintien des textes attaqués. Son intervention en défense est, dès lors, recevable.
Sur le cadre juridique applicable :
3. Aux termes de l'article L. 611-6 du code rural et de la pêche maritime : " Les exploitations agricoles utilisant des modes de production particulièrement respectueux de l'environnement peuvent faire l'objet d'une certification qui comporte plusieurs niveaux d'exigences environnementales dont le plus élevé repose sur des indicateurs de performance environnementale et ouvre seul droit à la mention exploitation de haute valeur environnementale. Cette certification concourt de façon majeure à la valorisation de la démarche agroécologique mentionnée au II de l'article L. 1. Les modalités de certification des exploitations ainsi que, le cas échéant, le niveau correspondant à une haute valeur environnementale, les modalités de contrôle applicables, les conditions d'agrément des organismes chargés de la mise en œuvre, les mentions correspondantes et leurs conditions d'utilisation sont précisés par décret ". Aux termes du II de l'article L. 1 du même code : " Les politiques publiques visent à promouvoir et à pérenniser les systèmes de production agroécologiques, dont le mode de production biologique, qui combinent performance économique, sociale, notamment à travers un haut niveau de protection sociale, environnementale et sanitaire. / Ces systèmes privilégient l'autonomie des exploitations agricoles et l'amélioration de leur compétitivité, en maintenant ou en augmentant la rentabilité économique, en améliorant la valeur ajoutée des productions et en réduisant la consommation d'énergie, d'eau, d'engrais, de produits phytopharmaceutiques et de médicaments vétérinaires, en particulier les antibiotiques. Ils sont fondés sur les interactions biologiques et l'utilisation des services écosystémiques et des potentiels offerts par les ressources naturelles, en particulier les ressources en eau, la biodiversité, la photosynthèse, les sols et l'air, en maintenant leur capacité de renouvellement du point de vue qualitatif et quantitatif. Ils contribuent à l'atténuation et à l'adaptation aux effets du changement climatique. / (...) ". L'article L. 640-2 du même code prévoit que : " les produits agricoles, forestiers ou alimentaires et les produits de la mer peuvent, (...) lorsqu'il n'y a pas de contradiction avec la réglementation de l'Union européenne, bénéficier d'un ou plusieurs modes de valorisation appartenant aux catégories suivantes : / (...) / 2° Les mentions valorisantes : / (...) / - la mention "issus d'une exploitation de haute valeur environnementale" ; / (...) ". Enfin, son article L. 641-19-1 dispose que : " ne peuvent bénéficier de la mention : "issus d'une exploitation de haute valeur environnementale" que les produits agricoles, transformés ou non, qui sont issus d'exploitations bénéficiant de la mention : "exploitation de haute valeur environnementale" ".
4. Pour l'application des dispositions de l'article L. 611-6 du code rural et de la pêche maritime citées au point précédent, l'article D. 617-4 du même code dispose que : " La certification de troisième niveau, permettant l'utilisation de la mention "exploitation de haute valeur environnementale", atteste du respect, pour l'ensemble de l'exploitation agricole, des seuils de performance environnementale portant sur la biodiversité, la stratégie phytosanitaire, la gestion de la fertilisation et de la ressource en eau, mesurés par des indicateurs composites. / Ces seuils et indicateurs sont fixés par arrêté du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé de l'environnement. / Les seuils et indicateurs sont révisés au regard de l'évolution des connaissances techniques et scientifiques ainsi que de la réglementation en vigueur. / Conformément à l'article L. 611-6, l'emploi de la mention "exploitation de haute valeur environnementale", ou de toute autre dénomination équivalente dans la publicité ou la présentation d'une exploitation agricole ainsi que dans les documents commerciaux qui s'y rapportent, est réservé aux exploitations ayant obtenu la certification de haute valeur environnementale. / Les exploitations situées dans un autre Etat membre de l'Union européenne, dans un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou en Turquie peuvent demander à bénéficier de cette certification ". L'article D. 617-6 du même code prévoit que cette certification environnementale " est délivrée pour trois ans, par un organisme certificateur agréé ", qui " effectue des audits de suivi dans les conditions définies par le plan de contrôle arrêté par le ministre chargé de l'agriculture et le ministre chargé de l'environnement ", " prend les mesures sanctionnant les manquements " et " peut, après avoir permis au détenteur de la certification de produire des observations, prononcer la suspension ou le retrait de la certification ".
5. L'article D. 617-4 du code rural et de la pêche maritime cité au point précédent a été modifié en dernier lieu par les dispositions, non contestées dans le présent litige, du 2° de l'article 1er du décret du 18 novembre 2022, qui ont supprimé la possibilité de mesurer l'atteinte des seuils de performance environnementale alternativement par des indicateurs " composites " et par des indicateurs " globaux ", ne conservant que la mention des indicateurs " composites ". Tirant les conséquences de cette modification, l'arrêté du même jour a modifié le référentiel des seuils et indicateurs en supprimant la certification au regard d'indicateurs globaux tenant à l'utilisation de la surface et à la proportion d'intrants dans le chiffre d'affaires, dite " option B " et en ne conservant que la certification au regard d'indicateurs composites, dite antérieurement " option A ", c'est-à-dire sous condition que l'exploitation obtienne un nombre suffisant de points selon une cotation mesurant la satisfaction de plusieurs exigences (" items ") dans chacun des domaines suivants : " biodiversité, grandes cultures et prairies temporaires, gestion de la fertilisation, gestion de l'irrigation ". Le même arrêté a par ailleurs révisé le contenu de chacun des indicateurs, la cotation qui lui est applicable et les seuils de performance attendus.
Sur la légalité externe :
6. En premier lieu, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la consultation, en application de l'article D. 611-18 du code rural et de la pêche maritime, de la commission nationale de la certification environnementale, laquelle a rendu un avis favorable aux projets de texte le 20 juin 2022, ainsi que celle du public, réalisée du 11 au 31 juillet 2022 en application de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement, auraient été irrégulières, faute pour cette commission et pour le public d'avoir eu accès au rapport " Evaluation des performances environnementales de la certification HVE ", réalisé par les bureaux d'étude AScA et Epices, dès lors que ce rapport n'a été publié qu'en octobre 2022, qu'aucune disposition n'imposait à l'administration d'attendre sa publication avant d'engager ces consultations et qu'il n'est pas soutenu que la prise en compte de ce rapport aurait conduit à examiner des questions qui n'auraient pas été préalablement soumises à ces organismes consultatifs.
7. En second lieu, aux termes de l'article L. 120-1 du code de l'environnement : " (...) II. - La participation confère le droit pour le public : / (...) 3° De disposer de délais raisonnables pour formuler des observations et des propositions (...) ". En outre, l'article L. 123-19-1 du même code, qui définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public, prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement, est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, ayant une incidence sur l'environnement, lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration, prévoit que : " (...) II.- Sous réserve des dispositions de l'article L. 123-19-6, le projet d'une décision mentionnée au I, accompagné d'une note de présentation précisant notamment le contexte et les objectifs de ce projet, est mis à disposition du public par voie électronique (...). / (...) Au plus tard à la date de la mise à disposition prévue au premier alinéa du présent II, le public est informé, par voie électronique, des modalités de consultation retenues. / Les observations et propositions du public, déposées par voie électronique ou postale, doivent parvenir à l'autorité administrative concernée dans un délai qui ne peut être inférieur à vingt et un jours à compter de la mise à disposition prévue au même premier alinéa (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que les projets de décret et d'arrêté attaqués ont fait l'objet d'une mise en ligne commune du 11 au 31 juillet 2022, soit pendant une période de vingt et un jours. Dès lors, le moyen tiré de ce que le public n'aurait pas disposé d'un délai raisonnable pour prendre connaissance des projets soumis à consultation doit être écarté.
Sur la légalité interne :
9. En premier lieu, les requérants soutiennent que le nouveau référentiel pour le niveau le plus élevé de la certification environnementale des exploitations agricoles méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 611-6 du code rural et de la pêche maritime citées au point 3 et serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il ne permettrait pas d'établir que les exploitations certifiées ont une performance environnementale particulièrement élevée, notamment en mettant en œuvre des systèmes de production agroécologiques. Ils estiment en particulier que ce référentiel est, dans son ensemble, insuffisamment exigeant, qu'il comporte trop de possibilités de compenser un manque de points sur des items essentiels par d'autres items moins pertinents, tels que ceux correspondant à des obligations de moyens et non de résultats, qu'il ne garantit un niveau d'apport bas dans l'absolu ni pour les produits phytosanitaires, ni pour les fertilisants, notamment l'azote minéral, qu'il ne garantit pas l'interdiction des produits phytosanitaires présentant le plus de risques pour la santé et l'environnement, qu'il ne prend pas en compte des enjeux essentiels pour l'environnement tels que la consommation de carburant et le niveau des émissions de gaz à effet de serre et qu'il ne prévoit pas de dispositif de suivi et d'évaluation de l'impact de la réglementation sur les pratiques des exploitations certifiées. Ils soutiennent également que les insuffisances de ce référentiel ont pour effet, dès lors que les exploitations certifiées peuvent faire valoir sur leurs produits que ceux-ci sont " issus d'une exploitation de haute valeur environnementale ", d'induire en erreur le consommateur sur les caractéristiques de ces produits, et méconnaîtrait ainsi l'article 7 du règlement UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires, aux termes duquel : " 1. Les informations sur les denrées alimentaires n'induisent pas en erreur, notamment : / a) sur les caractéristiques de la denrée alimentaire et, notamment, sur la nature, l'identité, les qualités, la composition, la quantité, la durabilité, le pays d'origine ou le lieu de provenance, le mode de fabrication ou d'obtention de cette denrée ; / b) en attribuant à la denrée alimentaire des effets ou qualités qu'elle ne possède pas ; / (...) ".
10. Toutefois, d'une part, il résulte des dispositions citées au point 3, éclairées par les travaux parlementaires préalables à l'adoption des lois du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement et du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dont elles sont issues, que la mention " exploitation de haute valeur environnementale " a pour objet de valoriser les exploitations utilisant des modes de production performants en matière environnementale, notamment celles s'engageant dans une démarche agroécologique, sans pour autant que cette mention doive être réservée aux seules exploitations ayant mis en œuvre l'ensemble des pratiques et atteint l'ensemble des objectifs relevant d'une telle démarche.
11. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport des bureaux d'étude AScA et Epices d'octobre 2022, rédigé à la demande des ministres de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et de la transition écologique et de la cohésion des territoires sous la supervision de l'Office français de la biodiversité, que les indicateurs et les items utilisés pour la certification " haute valeur environnementale " sont en rapport avec l'objet de cette mention. Par ailleurs, si, dans le cadre de l'ancien référentiel, sauf pour quelques productions agricoles ou territoires particuliers, une exploitation ayant des pratiques correspondant à la " moyenne " sectorielle française pouvait bénéficier d'une certification à travers " l'option A " sans avoir à modifier ses pratiques, seule la filière des grandes cultures ayant, en moyenne, à fournir un effort spécifique pour valider l'indicateur relatif à la stratégie phytosanitaire, les exigences environnementales ont été relevées dans le nouveau référentiel, notamment par l'interdiction des produits phytosanitaires dont la cancérogénicité, la mutagénicité ou la toxicité pour la reproduction est avérée ou présumée (CMR 1), le relèvement des seuils ou l'abaissement du nombre de points prévus pour plusieurs items, tels que la part des infrastructures agro-écologiques (IAE), dont la diversité et la bonne gestion sont désormais également prises en compte, la fréquence des traitements phytosanitaires, le résultat du bilan azoté, qui valorise désormais également l'utilisation d'azote organique plutôt que minéral, ou encore la valorisation de pratiques telles que l'utilisation de petites parcelles ou des légumineuses, la conduite d'analyses de la qualité biologique du sol ou la surveillance active des parcelles. De plus, la certification par " l'option B ", jugée peu pertinente par le rapport AScA-Epices, a été supprimée.
12. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le nouveau référentiel de certification méconnaîtrait l'article L. 611-6 du code rural et de la pêche maritime et qu'il serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que ce référentiel serait de nature à induire en erreur le consommateur sur les caractéristiques des produits issus des exploitations certifiées sur son fondement ne peut également qu'être écarté.
13. En deuxième lieu, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que, faute pour la certification litigieuse d'être accessible aux exploitations ou aux produits issus d'autres Etats membres, les dispositions attaquées institueraient une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'importation au sens de l'article 34 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dès lors que, d'une part, le dernier alinéa de l'article D. 617-4 du code rural et de la pêche maritime cité au point 4 prévoit que la même certification peut bénéficier aux exploitations d'autres Etats membres et que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier que le référentiel de certification litigieux peut, contrairement à ce que soutiennent les requérants, être appliqué à des exploitations n'étant pas situées en France.
14. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que le nouveau référentiel instituerait une discrimination au détriment des produits nationaux, dans la mesure où les produits issus d'autres Etats membres ou de pays tiers pourraient bénéficier de la mention " haute valeur environnementale " sans avoir à être issus d'exploitations certifiées, ne peut qu'être écarté, l'article D. 617-4 du code rural et de la pêche maritime cité au point 4, qui réserve cette mention aux seuls produits issus d'exploitations certifiées, s'appliquant également dans le cas d'exploitations situées hors de France.
15. En quatrième lieu, les requérants ne peuvent pas utilement soutenir que les dispositions attaquées méconnaîtraient le droit européen de la commande publique au motif que les repas servis dans les restaurants collectifs dont les personnes morales de droit public ont la charge doivent, en application du 7° de l'article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime, comporter des produits issus d'exploitations certifiées, dès lors que cette obligation ne résulte pas de l'arrêté attaqué.
16. En cinquième lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.
17. Les requérants soutiennent que le référentiel introduirait, entre les exploitations certifiées et celles qui ne le sont pas, une différence de traitement contraire au principe d'égalité en ce qu'elle ne reposerait pas sur une différence objective dans la mise en œuvre de pratiques environnementales particulièrement vertueuses. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 12 que le référentiel attaqué permet de certifier la mise en œuvre de modes de production performants en matière environnementale de sorte que la différence de traitement qui en résulte est en rapport direct avec l'objet de la norme l'établissant et n'est pas manifestement disproportionnée au regard de l'objectif de valorisation de telles pratiques.
18. En dernier lieu, l'article 2 du décret attaqué prévoit une entrée en vigueur progressive du nouveau référentiel, d'une part, en le rendant applicable aux certifications délivrées à compter du 1er janvier 2023, d'autre part, en prorogeant jusqu'au 31 décembre 2024 les certifications en cours prenant fin avant cette date. Il permet enfin aux exploitations certifiées au regard des indicateurs composites avant le 1er octobre 2022 d'être éligibles, au même titre que les exploitations certifiées au regard du nouveau référentiel, aux aides de la politique agricole commune prévues au titre de " l'écorégime " du plan stratégique national, pour la seule campagne de déclaration débutant le 1er avril 2023 et à condition qu'elles respectent les principes de la conditionnalité. Compte tenu de l'objet restreint et de la durée limitée des aménagements qu'elles prévoient, ainsi que de l'objectif de garantie de la sécurité juridique des exploitants concernés qu'elles poursuivent, ces dispositions ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant la loi.
19. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la FNAB et autres doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'intervention de l'association Interfel est admise.
Article 2 : La requête de la FNAB et autres est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Fédération nationale d'agriculture biologique, premier requérant dénommé, à la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et à l'association interprofessionnelle des fruits et légumes frais.
Copie en sera adressée au Premier ministre.
Délibéré à l'issue de la séance du 20 janvier 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; Mme Sylvie Pellissier, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, conseillères d'Etat ; M. Philippe Ranquet, M. Jonathan Bosredon, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Nicolas Jau, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 18 février 2025.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Nicolas Jau
La secrétaire :
Signé : Mme Elisabeth Ravanne