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18/02/2025 | FRANCE | N°492413

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 18 février 2025, 492413


Vu la procédure suivante :



La société par actions simplifiée (SAS) Valmer a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement nos 2001961, 2001984 du 13 octobre 2022, ce tribunal a rejeté ses demandes.

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Par un arrêt n° 22DA02307 du 11 janvier 2024, la cour administrative d'...

Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée (SAS) Valmer a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement nos 2001961, 2001984 du 13 octobre 2022, ce tribunal a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 22DA02307 du 11 janvier 2024, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 7 mars, 8 mai, 5 novembre et 26 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Valmer demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Le Griel, avocat de la société Valmer ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Valmer et la société civile immobilière (SCI) Saint-Pierre, soumise au régime fiscal des sociétés de personnes et dont la société Valmer est l'unique associée, ont chacune fait l'objet d'une vérification de comptabilité. A l'issue de ces contrôles, la société Valmer a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos de 2013 à 2015, à raison notamment de la rectification du résultat de la société Saint-Pierre, ainsi qu'à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014. La société Valmer se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 11 janvier 2024 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du 13 octobre 2022 du tribunal administratif d'Amiens rejetant ses demandes de décharge de ces impositions.

2. En premier lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ". Il résulte de ces dispositions que les agents de l'administration sont tenus, pour l'exécution d'une des vérifications qu'il vise, de respecter les règles qui, ne trouvant pas de fondement légal dans d'autres articles du code général des impôts ou du livre des procédures fiscales, figurent néanmoins dans la charte à la date où ce document est remis au contribuable, dès lors que ces règles ont pour objet de garantir les droits du contribuable vérifié.

3. Dans la partie relative aux conclusions du contrôle, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié remise à la société Valmer indiquait que : " Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur divisionnaire ou principal. Si après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur ". Ces énonciations garantissent au contribuable qui en fait la demande de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de rectification, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur puis, le cas échéant, dans un second temps, avec l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur, dans les conditions, notamment d'ordre de priorité, qu'elles précisent. Il en résulte qu'un contribuable qui n'a pas demandé à ce que soit soumis au supérieur hiérarchique du vérificateur le différend résultant du maintien par celui-ci des redressements ne peut se prévaloir de la garantie tenant à la possibilité de soumettre ce différend à cet interlocuteur.

4. La cour a relevé, par des motifs non contestés en cassation, que la société Valmer avait, à l'issue de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, par un courrier de son avocat, expressément renoncé à bénéficier de la garantie de pouvoir obtenir un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur et avait directement demandé un entretien avec l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépendait le vérificateur.

5. D'une part, il résulte des dispositions de l'article 4 et du premier alinéa de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires particulières contraires, que les avocats ont qualité pour représenter leurs clients devant l'administration fiscale sans avoir à justifier du mandat qu'ils sont réputés avoir reçu de ces derniers dès lors qu'ils déclarent agir pour leur compte. Par suite, en jugeant que l'administration avait pu régulièrement considérer, sans requérir la production d'un tel mandat, que le courrier de l'avocat traduisait l'expression de la volonté du contribuable, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

6. D'autre part, en jugeant que l'administration n'avait pas entaché d'irrégularité la procédure d'imposition en faisant droit, alors même que le différend n'avait pas été soumis au préalable au supérieur hiérarchique du vérificateur, à la demande du contribuable tendant à ce qu'il soit soumis à l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépendait ce dernier, la cour n'a pas davantage commis d'erreur de droit.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales : " En cas de vérification de comptabilité d'une entreprise ou d'un contribuable exerçant une activité industrielle ou commerciale dont le chiffre d'affaires est inférieur à 1 526 000 euros s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, ou à 460 000 euros s'il s'agit d'autres entreprises ou d'un contribuable se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes est inférieur à 460 000 euros, l'administration répond dans un délai de soixante jours à compter de la réception des observations du contribuable faisant suite à la proposition de rectification mentionnée au premier alinéa de l'article L. 57. Le défaut de notification d'une réponse dans ce délai équivaut à une acceptation des observations du contribuable (...) ".

8. La cour, dont l'arrêt est suffisamment motivé sur ce point, n'a pas méconnu ces dispositions en jugeant que le délai de soixante jours qu'elles impartissent à l'administration pour répondre aux observations du contribuable a le caractère d'un délai franc.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales : " A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu, d'une vérification de comptabilité ou d'un examen de comptabilité, lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou dans la notification mentionnée à l'article L. 76, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications. (...) ". Aux termes de l'article L. 53 du même code : " En ce qui concerne les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l'administration des impôts et la société elle-même. / (...) ". Aux termes de l'article L. 57 du même code : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...). " Il résulte de ces dispositions qu'à l'issue d'une procédure de vérification de comptabilité d'une société dont seuls les associés ou membres sont, en vertu des articles 8 et 218 bis du code général des impôts, soumis à l'impôt pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits, l'administration doit indiquer à la société le montant des rectifications qu'elle entend apporter à ses bénéfices ainsi que, le cas échéant, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de cette vérification et dont elle est elle-même redevable. L'administration n'est en revanche pas tenue d'indiquer à la société, avant qu'elle présente ses observations sur la proposition de rectification qui lui est adressée ou accepte les rehaussements proposés, le montant des droits et pénalités résultant, pour chacun des associés, de l'imposition entre ses mains de la quote-part, correspondant à ses droits, de ces rehaussements. Elle n'est pas davantage tenue d'apporter, dans ce même délai, cette information aux associés.

10. Il en résulte que la cour administrative d'appel, dont l'arrêt est suffisamment motivé sur ce point, n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la circonstance que la société Saint-Pierre ne s'était vu indiquer, dans le délai qui lui était imparti pour répondre à la proposition de rectification qui lui a été adressée le 19 décembre 2016 à l'issue de la vérification de comptabilité dont elle avait fait l'objet, ni par cette proposition, ni au moyen d'une information de la société Valmer, son associée unique, les conséquences financières, pour cette dernière, des rehaussements envisagés de ses bénéfices, n'avait pas entaché d'irrégularité la procédure d'imposition.

11. En quatrième et dernier lieu, les moyens d'erreur de droit, d'erreur de qualification juridique des faits et de dénaturation des pièces du dossier dirigés contre les motifs par lesquels la cour a confirmé la remise en cause de la déductibilité des charges de loyer facturées à la société Valmer à raison d'un local qu'elle a mis gratuitement à disposition d'une autre société ne sont pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Valmer n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présence instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la société Valmer est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Valmer et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 29 janvier 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; Mme Emilie Bokdam-Tognetti, Mme Sylvie Pellissier, Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillère d'Etat, M. Jonathan Bosredon, M. Philippe Ranquet, conseillers d'Etat et Mme Ophélie Champeaux, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 18 février 2025.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

La rapporteure :

Signé : Mme Ophélie Champeaux

La secrétaire :

Signé : Mme Magali Méaulle


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 492413
Date de la décision : 18/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - CONTRÔLE FISCAL - VÉRIFICATION DE COMPTABILITÉ - GARANTIES ACCORDÉES AU CONTRIBUABLE - VÉRIFICATION D’UNE SOCIÉTÉ SOUMISE AU RÉGIME FISCAL DES SOCIÉTÉS DE PERSONNES – OBLIGATION D’INDIQUER - DANS LE DÉLAI IMPARTI POUR RÉPONDRE À LA PROPOSITION DE RECTIFICATION - LES CONSÉQUENCES FINANCIÈRES DES REHAUSSEMENTS (ART - L - 48 DU LPF) POUR CHAQUE ASSOCIÉ – A LA SOCIÉTÉ – ABSENCE – AUX ASSOCIÉS – ABSENCE.

19-01-03-01-02-03 Il résulte des articles L. 48, L. 53 et L. 57 du livre des procédures fiscales (LPF) qu’à l’issue d’une procédure de vérification de comptabilité d’une société dont seuls les associés ou membres sont, en vertu des articles 8 et 218 bis du code général des impôts (CGI), soumis à l’impôt pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits, l’administration doit indiquer à la société le montant des rectifications qu’elle entend apporter à ses bénéfices ainsi que, le cas échéant, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de cette vérification et dont elle est elle-même redevable. ...L’administration n’est en revanche pas tenue d’indiquer à la société, avant qu’elle présente ses observations sur la proposition de rectification qui lui est adressée ou accepte les rehaussements proposés, le montant des droits et pénalités résultant, pour chacun des associés, de l’imposition entre ses mains de la quote-part, correspondant à ses droits, de ces rehaussements. ...Elle n’est pas davantage tenue d’apporter, dans ce même délai, cette information aux associés.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - RECTIFICATION (OU REDRESSEMENT) - DÉLAI APPLICABLE EN CAS DE VÉRIFICATION DE COMPTABILITÉ DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES (ART - 57 A DU LPF) – DÉLAI FRANC.

19-01-03-02-025 Le délai de soixante jours que l’article L. 57 A du livre des procédures fiscales (LPF) impartit à l’administration pour répondre aux observations du contribuable a le caractère d’un délai franc.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - RÈGLES GÉNÉRALES - QUESTIONS COMMUNES - PERSONNES IMPOSABLES - SOCIÉTÉS DE PERSONNES - VÉRIFICATION DE COMPTABILITÉ – GARANTIES – OBLIGATION D’INDIQUER - DANS LE DÉLAI IMPARTI POUR RÉPONDRE À LA PROPOSITION DE RECTIFICATION - LES CONSÉQUENCES FINANCIÈRES DES REHAUSSEMENTS (ART - L - 48 DU LPF) POUR CHAQUE ASSOCIÉ – A LA SOCIÉTÉ – ABSENCE – AUX ASSOCIÉS – ABSENCE.

19-04-01-01-02-03 Il résulte des articles L. 48, L. 53 et L. 57 du livre des procédures fiscales (LPF) qu’à l’issue d’une procédure de vérification de comptabilité d’une société dont seuls les associés ou membres sont, en vertu des articles 8 et 218 bis du code général des impôts (CGI), soumis à l’impôt pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits, l’administration doit indiquer à la société le montant des rectifications qu’elle entend apporter à ses bénéfices ainsi que, le cas échéant, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de cette vérification et dont elle est elle-même redevable. ...L’administration n’est en revanche pas tenue d’indiquer à la société, avant qu’elle présente ses observations sur la proposition de rectification qui lui est adressée ou accepte les rehaussements proposés, le montant des droits et pénalités résultant, pour chacun des associés, de l’imposition entre ses mains de la quote-part, correspondant à ses droits, de ces rehaussements. ...Elle n’est pas davantage tenue d’apporter, dans ce même délai, cette information aux associés.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 fév. 2025, n° 492413
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ophélie Champeaux
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP LE GRIEL

Origine de la décision
Date de l'import : 21/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:492413.20250218
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