Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 492867, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 25 mars et 30 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... F... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire DRCPN/SDARH/BGGP/ n° 0378 du 16 février 2024 du ministre de l'intérieur et des outre-mer modifiant la circulaire DRCPN/SDARH/BGGP/ n° 2553 du 20 décembre 2023 relative à l'avancement au grade de major de police au titre de l'année 2024 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 ducode de justice administrative.
2° Sous le n° 493298, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 4 avril et 30 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme H... E... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire DRCPN/SDARH/BGGP/ n° 0378 du 16 février 2024 du ministre de l'intérieur et des outre-mer modifiant la circulaire DRCPN/SDARH/BGGP/ n° 2553 du 20 décembre 2023 relative à l'avancement au grade de major de police au titre de l'année 2024 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
3° Sous le n° 494125, par une ordonnance n° 2405705/5-4 du 7 mai 2024, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 9 mars 2024 au greffe de ce tribunal, présentée par M. J... D....
Par cette requête et un mémoire en réplique enregistré le 13 janvier 2025, M. D... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, les effets de la réforme issue du décret n° 2023-676 du 28 juillet 2023 modifiant le statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale et du décret n° 2023-680 du même jour modifiant l'échelonnement indiciaire des corps et emplois des personnels des services actifs de la police nationale et, d'autre part, la circulaire DRCPN/SDARH/BGGP/ n° 0378 du 16 février 2024 du ministre de l'intérieur et des outre-mer modifiant la circulaire DRCPN/SDARH/BGGP/ n° 2553 du 20 décembre 2023 relative à l'avancement au grade de major de police au titre de l'année 2024 ;
2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de rétablir au 1er janvier 2024 la date de la prise d'effet des promotions des agents au grade de major de police au titre de l'année 2024 ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réviser sa situation administrative pour lui permettre de bénéficier, dans le grade de major, de son ancienneté précédemment acquise dans le grade de brigadier-chef de police.
....................................................................................
4° Sous le n° 494126, par une ordonnance n° 2405706/5-4 du 7 mai 2024, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 11 mars 2024 au greffe de ce tribunal, présentée par M. B... I....
Par cette requête, M. I... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, les effets de la réforme issue du décret n° 2023-676 du 28 juillet 2023 modifiant le statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale et du décret n° 2023-680 du 28 juillet 2023 modifiant l'échelonnement indiciaire des corps et emplois des personnels des services actifs de la police nationale et, d'autre part, la circulaire DRCPN/SDARH/BGGP/ n° 0378 du 16 février 2024 du ministre de l'intérieur et des outre-mer modifiant la circulaire DRCPN/SDARH/BGGP/ n° 2553 du 20 décembre 2023 relative à l'avancement au grade de major de police au titre de l'année 2024 ;
2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de rétablir au 1er janvier 2024 la date de la prise d'effet de la promotion au grade de major de police au titre de l'année 2024 ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réviser sa situation administrative pour lui permettre de bénéficier, dans le grade de major, de son ancienneté précédemment acquise dans le grade de brigadier-chef de police.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution, et notamment son préambule ;
- le code général de la fonction publique ;
- le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le décret n° 2020-1427 du 20 novembre 2020 ;
- le décret n° 2023-676 du 28 juillet 2023 ;
- le décret n° 2023-680 du 28 juillet 2023 ;
- la circulaire n° 2553 du 20 décembre 2023 du ministre de l'intérieur et des outre-mer relative à l'avancement au grade de major de police au titre de l'année 2024 ;
- la circulaire n° 0378 du 16 février 2024 du ministre de l'intérieur et des outre-mer modifiant la circulaire n° 2553 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pascal Trouilly, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes présentées par M. F..., Mme E..., M. D... et M. I... sont notamment dirigées contre la même circulaire du ministre de l'intérieur du 16 février 2024. Il y a lieu de joindre ces requêtes pour statuer par une seule décision.
Sur les conclusions de M. D... et de M. I... tendant à l'annulation des " effets " des décrets n° 2023-676 et n° 2023-680 du 28 juillet 2023 :
2. Les conclusions des requérants tendant à l'annulation des " effets " du décret n° 2023-676 du 28 juillet 2023 modifiant le statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale et du décret n° 2023-680 du même jour modifiant l'échelonnement indiciaire des corps et emplois des personnels des services actifs de la police nationale, ne peuvent être comprises, en l'absence de toute demande dirigée contre une décision individuelle prise sur le fondement de ces décrets, que comme tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ces derniers.
3. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ".
4. Il ressort des pièces du dossier que les requêtes de M. D... et de M. I... ont été enregistrées au greffe du tribunal administratif de Paris respectivement les 9 mars et 11 mars 2024, soit après l'expiration du délai de deux mois qui commençait à courir à la date de publication au Journal officiel, le 29 juillet 2023, des décrets mentionnés au point 2. Il s'ensuit que leurs conclusions dirigées contre ces décrets sont tardives et, dès lors, irrecevables.
Sur les conclusions de M. F..., de Mme E..., de M. D... et de M. I... tendant à l'annulation de la circulaire du 16 février 2024 :
5. Aux termes de la circulaire litigieuse du 16 février 2024, le ministre de l'intérieur a modifié sa précédente circulaire du 20 décembre 2023 portant sur l'avancement au grade de major de police au titre de l'année 2024 pour prévoir que " la date d'effet de la promotion au titre de l'année 2024 est fixée au 1er avril 2024 " alors qu'aux termes de la précédente circulaire, elle devait l'être au 1er janvier 2024.
6. Aux termes de l'article L. 522-18 du code général de la fonction publique : " L'avancement de grade a lieu, (...), selon les proportions définies par les statuts particuliers des corps ou cadres d'emplois, suivant l'une ou plusieurs des modalités ci-après : / 1° Au choix, par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des fonctionnaires. (...)/ 2° Par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après une sélection par voie d'examen professionnel. (...)/ 3° Par sélection opérée exclusivement par voie de concours professionnel.". Aux termes de l'article L. 522-19 du même code: " Les décrets portant statut particulier des corps de la fonction publique de l'Etat fixent les principes et les modalités de nomination au grade d'avancement, notamment les conditions de grade et d'échelon requises pour participer à la sélection professionnelle ". Aux termes de l'article 18 du décret du 23 décembre 2004 portant statut du corps d'encadrement et d'application de la police nationale : " Dans la limite du douzième de l'ensemble des promotions du grade à réaliser dans l'année pour laquelle le tableau d'avancement est établi, peuvent être promus au grade de major de police par inscription sur un tableau annuel d'avancement établi par le ministre de l'intérieur, les brigadiers-chefs de police qui, au 1er janvier de l'année pour laquelle le tableau d'avancement a été arrêté, comptent sept ans au moins de services effectifs depuis leur nomination dans le grade de brigadier-chef "]. Aux termes de l'article 18-1 du même décret : " Peuvent être promus au grade de major de police, par inscription sur un tableau annuel d'avancement établi par le ministre de l'intérieur à l'issue d'une sélection par voie d'examens professionnels :/ 1° Les brigadiers-chefs de police qui comptent, au 1er janvier de l'année pour laquelle le tableau d'avancement est arrêté, quatre ans d'exercice continu dans le grade de brigadier-chef sur un des postes comportant l'exercice effectif de fonctions de police judiciaire, dont la liste est fixée par arrêté du ministre de l'intérieur ;/ 2° Les brigadiers-chefs de police qui, au 1er janvier de l'année pour laquelle le tableau d'avancement est arrêté, comptent quatre ans au moins de services effectifs depuis leur nomination dans ce grade ;/ 3° Dans la limite du dixième de l'ensemble des promotions du grade à réaliser dans l'année pour laquelle le tableau d'avancement est établi, les brigadiers-chefs de police affectés depuis au moins deux ans de manière continue dans l'un des secteurs ou unités d'encadrement prioritaire définis à l'article 12-1 et qui, au 1er janvier de l'année pour laquelle le tableau d'avancement a été établi, comptent trois ans au moins de services effectifs depuis leur nomination dans le grade de brigadier-chef ". Aux termes de l'article 28 du décret du 23 décembre 2004 portant statut du corps d'encadrement et d'application de la police nationale : " III. - Au titre des années 2024 à 2028, les brigadiers-chefs de classe supérieure peuvent être promus au grade de major, dans les conditions prévues par l'article 18-1 du présent décret, par inscription sur un tableau annuel d'avancement établi par le ministre de l'intérieur à l'issue d'une sélection par voie d'examens professionnels ".
7. S'il résulte de ces dispositions que le tableau d'avancement au grade de major de police est établi annuellement et que, y compris pour l'année 2024, les conditions statutaires d'ancienneté auxquelles une éventuelle inscription est subordonnée s'apprécie au 1er janvier de l'année, ces dispositions n'imposent pas que les promotions qui sont effectivement prononcées en exécution de ce tableau prennent nécessairement effet à cette date.
8. En premier lieu, en l'absence de tout droit des agents inscrits à un tableau d'avancement ni à être effectivement promus ni à l'être à la date à laquelle ils remplissent les conditions statutaires à cet effet, M. F... et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que la circulaire attaquée qui fixe ainsi une simple règle de gestion a été prise par une autorité incompétente au motif qu'elle aurait dû relever d'un décret en Conseil d'Etat.
9. Par ailleurs, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : /(...)/ 2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs, les chefs des services à compétence nationale (...) ".
10. M. G... C..., nommé directeur adjoint des ressources humaines, des finances et des soutiens de la police nationale par un arrêté du 1er juillet 2023, publié au Journal officiel de la République française le 3 août suivant, avait ainsi qualité pour signer la circulaire attaquée au nom du ministre de l'intérieur et de l'outre-mer. Il s'ensuit que le moyen invoqué par M. F... et Mme E... tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 48 du décret du 20 novembre 2020 relatif aux comités sociaux d'administration dans les administrations et les établissements publics de l'Etat : " Le comité social d'administration est consulté sur:/ 1° Les projets de texte réglementaire relatifs au fonctionnement et à l'organisation des services ; /(...)/ 3° Les projets de texte relatifs aux règles statutaires et aux règles relatives à l'échelonnement indiciaire (...) ".
12. La circulaire attaquée qui, ainsi qu'il a été dit au point 8, ne fixe pas une règle statutaire, ne concerne pas davantage le fonctionnement et l'organisation des services, la circonstance qu'elle puisse retarder la possibilité des agents promus d'effectuer une mobilité ou d'accéder à certaines responsabilités, à la supposer avérée, étant à cet égard sans incidence. Par suite, M. F... et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que cette circulaire a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, faute de consultation préalable du conseil supérieur d'administration.
13. En troisième lieu, M. F... et Mme E... ne sont pas davantage fondés à soutenir que la circulaire attaquée méconnaîtrait les dispositions des articles 18 et 18-1 du décret du 23 décembre 2004 portant statut du corps d'encadrement et d'application de la police nationale.
14. En quatrième lieu, à supposer même établie la circonstance que, les années précédentes, les brigadiers-chefs promus au grade de major au titre des années précédentes l'avaient été au 1er janvier de l'année considérée, cette circonstance ne saurait révéler une rupture de l'égalité de traitement entre agents d'un même corps.
15. En cinquième lieu, si M. D... et M. I... soutiennent que la fixation de la date de prise d'effet des promotions au grade de major de police au 1er avril, au lieu du 1er janvier 2024, aurait, à elle seule, permis à des brigadiers-chefs reclassés au 7ème échelon de la classe supérieure, en application de la réforme statutaire issue du décret du 28 juillet 2023, promus à ce grade au titre de l'année 2024, d'être mieux classés dans ce grade, à ancienneté égale, que des brigadiers-chefs promus au titre de l'année 2023, en tout état cause, ils ne l'établissent pas alors d'ailleurs que le décret du 28 juillet 2023 a prévu des mesures transitoires spécifiques, d'une part, à l'article 28, pour limiter l'accès des brigadiers-chefs reclassés en classe supérieure à un avancement en qualité de major de police et, d'autre part, à l'article 29, pour réduire leur ancienneté conservée dans le grade de major de police.
16. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir qu'oppose le ministre de l'intérieur et des outre-mer aux conclusions présentées par M. D... et M. I..., que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de la circulaire du ministre de l'intérieur du 16 février 2024.
Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par M. D... et M. I... :
17. Il résulte de ce qui est dit aux points précédents que les conclusions à fin d'injonction présentées par M. D... et M. I... doivent, en tout état de cause, être rejetées par voie de conséquence du rejet de leurs conclusions principales.
Sur les frais d'instance :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes demandées par M. F... et Mme E... soient mises à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de M. F..., de Mme E..., de M. D... et de M. I... sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... F..., à Mme H... E..., à M. J... D..., à M. B... I... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré à l'issue de la séance du 30 janvier 2025 où siégeaient : Mme Laurence Helmlinger, assesseure, présidant ; M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat et M. Pascal Trouilly, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 18 février 2025.
La présidente :
Signé : Mme Laurence Helmlinger
Le rapporteur :
Signé : M. Pascal Trouilly
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras