Vu la procédure suivante :
Mme E... D... et M. B... C... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon, d'une part, de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 22 mars 2024 par laquelle le maire de Planfoy a rejeté leur demande du 20 février 2024 tendant à ce qu'il dresse un procès-verbal d'infraction, sur le fondement de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme, à l'encontre de Mme A..., en raison de l'édification sans autorisation d'urbanisme d'un abri à chevaux, d'autre part, d'enjoindre au maire de Planfoy, au besoin sous astreinte, de dresser ce procès-verbal d'infraction. Par une ordonnance n° 2404555 du 30 mai 2024, le juge des référés a suspendu l'exécution de la décision du 22 mars 2024 et enjoint au maire de Planfoy de dresser, au nom de l'Etat, un procès-verbal d'infraction à l'encontre de Mme A... dans un délai de quinze jours à compter de la notification de son ordonnance.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 et 28 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de Mme D... et autre ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pascal Trouilly, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que Mme D... et M. C... ont demandé au maire de Planfoy de dresser, sur le fondement de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme, un procès-verbal d'infraction à l'encontre de Mme A..., pour avoir installé sans autorisation un abri pour chevaux sur une parcelle voisine à la leur. Le 22 mars 2024, le maire a refusé de dresser ce procès-verbal. Par une ordonnance du 30 mai 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, saisi par Mme D... et M. C... sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution de la décision de refus du maire de Planfoy et lui a enjoint de dresser le procès-verbal en cause au nom de l'Etat dans un délai de quinze jours. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.
2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. ".
3. Pour estimer que la condition d'urgence était satisfaite, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon s'est borné à relever que la décision en litige permettait le maintien d'un abri à chevaux édifié sans autorisation d'urbanisme. En se prononçant par ces motifs, sans répondre à l'argumentation par laquelle le préfet de la Loire soutenait que la construction de cet abri était déjà achevée et que celui-ci pouvait, le cas échéant, être aisément démonté, il a insuffisamment motivé son ordonnance. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, le ministre est fondé à en demander l'annulation.
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
5. Aux termes de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme : " Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu'à preuve du contraire. (...) Lorsque l'autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ont connaissance d'une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 480-4 et L. 610-1, ils sont tenus d'en faire dresser procès-verbal ". Aux termes de l'article L. 480-2 du même code : " L'interruption des travaux peut être ordonnée soit sur réquisition du ministère public agissant à la requête du maire, du fonctionnaire compétent ou de l'une des associations visées à l'article L. 480-1, soit, même d'office, par le juge d'instruction saisi des poursuites ou par le tribunal correctionnel.(...) Dès qu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux. Copie de cet arrêté est transmise sans délai au ministère public. (...) Dans le cas de constructions sans permis de construire ou d'aménagement sans permis d'aménager, ou de constructions ou d'aménagement poursuivis malgré une décision de la juridiction administrative suspendant le permis de construire ou le permis d'aménager, le maire prescrira par arrêté l'interruption des travaux ainsi que, le cas échéant, l'exécution, aux frais du constructeur, des mesures nécessaires à la sécurité des personnes ou des biens ; copie de l'arrêté du maire est transmise sans délai au ministère public. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le maire est tenu de dresser un procès-verbal en application de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme lorsqu'il a connaissance d'une infraction mentionnée à l'article L. 480-4, résultant soit de l'exécution de travaux sans les autorisations prescrites par le livre IV du code, soit de la méconnaissance des autorisations délivrées. Si, après établissement d'un procès-verbal, le maire peut, dans le second cas, prescrire par arrêté l'interruption des travaux, il est tenu de le faire dans le premier cas.
6. Si, en règle générale, l'urgence s'apprécie compte tenu des justifications fournies par le demandeur quant au caractère suffisamment grave et immédiat de l'atteinte que porterait un acte administratif à sa situation ou aux intérêts qu'il entend défendre, il en va différemment de la demande de suspension du refus d'un maire de dresser un procès-verbal constatant, en application de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme, l'édification sans permis de construire d'une construction, dès lors que ce refus ferait obstacle à l'adoption, en temps utile, d'un arrêté interruptif de travaux. Eu égard au caractère difficilement réversible de la construction d'un bâtiment, la condition d'urgence doit en principe, sauf circonstance particulière, être constatée lorsque les travaux vont commencer ou ont déjà commencé sans être pour autant achevés.
7. Il résulte de l'instruction que les travaux de construction de l'abri pour chevaux sont achevés. Par suite, la condition d'urgence ne peut être constatée par la seule nécessité de faire obstacle à l'achèvement de ces travaux. Mme D... et M. C... ne font, par ailleurs, valoir, pour justifier l'urgence qu'un tel procès-verbal soit dressé, aucune circonstance particulière. Dès lors, la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut, dans les circonstances de l'espèce, être regardée comme satisfaite.
8. L'une des conditions posées par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'étant pas remplie, la demande présentée par Mme D... et M. C... devant le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, tendant à ce que soit ordonnée la suspension de la décision du 22 mars 2024 par lequel le maire de Planfoy a refusé de dresser un procès-verbal d'infraction à l'encontre de Mme A..., doit être rejetée.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon du 30 mai 2024 est annulée.
Article 2 : Les conclusions présentée par Mme D... et M. C... devant le juge des référés du tribunal administratif sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et à Mme E... D..., première défenderesse dénommée.
Copie en sera adressée à la commune de Planfoy et à Mme F... A....
Délibéré à l'issue de la séance du 30 janvier 2025 où siégeaient : Mme Laurence Helmlinger, assesseure, présidant ; M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat et M. Pascal Trouilly, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 18 février 2025.
La présidente :
Signé : Mme Laurence Helmlinger
Le rapporteur :
Signé : M. Pascal Trouilly
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras