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21/02/2025 | FRANCE | N°493902

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 21 février 2025, 493902


Vu la procédure suivante :



Par un jugement nos 2106418, 2108635 du 18 décembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a, d'une part, sur la demande de la société Logirem, annulé la décision du 9 septembre 2021 par laquelle le maire de Marseille (Bouches-du-Rhône) a constaté la caducité du permis de construire délivré à cette société le 30 mars 2016 et, d'autre part, rejeté la requête présentée par M. X... D..., Mme M... B..., M. T... V..., Mme AB... O..., Mme S... Z..., M. R... I..., M. P... U..., Mme W... N..., Mme H... de F..., Mme Y... K.

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Vu la procédure suivante :

Par un jugement nos 2106418, 2108635 du 18 décembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a, d'une part, sur la demande de la société Logirem, annulé la décision du 9 septembre 2021 par laquelle le maire de Marseille (Bouches-du-Rhône) a constaté la caducité du permis de construire délivré à cette société le 30 mars 2016 et, d'autre part, rejeté la requête présentée par M. X... D..., Mme M... B..., M. T... V..., Mme AB... O..., Mme S... Z..., M. R... I..., M. P... U..., Mme W... N..., Mme H... de F..., Mme Y... K..., M. C... AD..., M. Q... J..., M. A... L..., Mme M... R..., M. E... AC... et Mme AA... AC... tendant à l'annulation de la décision implicite du 19 juillet 2021 par laquelle le maire de Marseille avait antérieurement refusé de constater la caducité de ce permis de construire.

Par la voie de la tierce opposition, M. D..., Mme B..., Mme AE... U... venant aux droits de M. U..., Mme N..., Mme F..., Mme K..., M. AD... et M. J... ont demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, de déclarer nul et non avenu son jugement en tant qu'il a annulé la décision du 9 septembre 2021 par laquelle le maire de Marseille a constaté la caducité du permis de construire délivré à la société Logirem le 30 mars 2016 et, d'autre part, de rejeter la demande de la société Logirem tendant à l'annulation de cette décision.

Par une ordonnance n° 2401578 du 29 février 2024, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande en tierce opposition.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 avril et 29 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D..., Mme Z..., M. I..., Mme U..., Mme N..., Mme de F... et Mme K... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande en tierce opposition ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Marseille et de la société Logirem la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de M. D... et autres ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par un arrêté du 30 mars 2016, le maire de Marseille a délivré à la société Logirem un permis de construire dix-huit logements collectifs sociaux. Par un jugement du 26 octobre 2017, notifié le lendemain, le tribunal administratif de Marseille a rejeté le recours dirigé contre ce permis, enregistré au greffe de ce tribunal le 13 septembre 2016. Par un courrier du 12 mai 2021, M. D..., Mme Z..., M. I..., M. U..., Mme N..., Mme O..., M. V..., Mme B..., M. G..., M. AD..., M. J..., M. L..., M. R..., M. et Mme AC..., Mme de F... et Mme K... ont demandé au maire de Marseille de constater la caducité de ce permis de construire. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet le 19 juillet 2021, dont M. D... et autres ont demandé l'annulation au tribunal administratif de Marseille. Par une décision du 9 septembre 2021, la commune de Marseille a finalement constaté la caducité du permis de construire, décision dont la société Logirem a, à son tour, demandé l'annulation au tribunal administratif de Marseille. Par un jugement du 18 décembre 2023, ce tribunal, après avoir joint les deux demandes, a, d'une part, fait droit à celle de la société Logirem en annulant la décision constatant la caducité de son permis de construire et, d'autre part, rejeté celle de M. D... et autres tendant à l'annulation de la décision implicite refusant de constater cette caducité. Le pourvoi en cassation de M. D... et autres contre ce jugement en tant qu'il a rejeté leur demande d'annulation n'a pas été admis par décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux du 25 octobre 2024. M. D..., Mme B..., Mme U..., Mme N..., Mme de F..., Mme K..., M. AD... et M. J... ont, parallèlement, formé tierce-opposition devant le tribunal administratif de Marseille contre ce même jugement en tant qu'il a fait droit à la demande d'annulation de la société Logirem dirigée contre le constat de caducité. M. D..., Mme Z..., M. I..., Mme U..., Mme N..., Mme de F... et Mme K... se pourvoient en cassation contre l'ordonnance du 29 février 2024 par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté leur tierce opposition pour irrecevabilité.

Sur la compétence du Conseil d'Etat :

2. D'une part, l'article R. 811-1-1 du code de justice administrative, applicable à la commune de Marseille en vertu du décret du 10 mai 2013 relatif au champ d'application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l'article 232 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à la présence instance, dispose que : " (...) les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort sur les recours contre : / 1° Les permis de construire ou de démolir un bâtiment comportant plus de deux logements, les permis d'aménager un lotissement, les décisions de non-opposition à une déclaration préalable autorisant un lotissement ou les décisions portant refus de ces autorisations ou opposition à déclaration préalable lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d'une des communes mentionnées à l'article 232 du code général des impôts et son décret d'application (...) ".

3. Ces dispositions, qui ont pour objectif, dans les zones où la tension entre l'offre et la demande de logements est particulièrement vive, de réduire le délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation d'opérations de construction de logements ayant bénéficié d'un droit à construire, doivent être regardées comme concernant non seulement les recours dirigés contre des autorisations de construire, de démolir ou d'aménager, mais également, lorsque ces autorisations ont été accordées, les recours dirigés contre les décisions constatant leur péremption ou refusant de la constater.

4. D'autre part, les voies de recours ouvertes contre la décision prise sur un recours en tierce opposition à une décision juridictionnelle sont les mêmes que celles qui sont prévues contre la décision dont la rétractation est demandée.

5. Il résulte de ce qui précède que le Conseil d'Etat est compétent pour connaître de l'ordonnance rendue en premier et dernier ressort par le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Marseille statuant sur la tierce opposition formée par M. D... et autres.

Sur le pourvoi :

6. Pour rejeter comme irrecevable la demande dont il était saisi, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Marseille a relevé que M. D... et autres formaient tierce opposition à l'encontre du jugement du 18 décembre 2023 en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite du maire de Marseille refusant de constater la caducité du permis de construire délivré à la société Logirem. Il en a déduit qu'ayant qualité de parties à l'instance ayant abouti à ce jugement, ils n'étaient pas au nombre des personnes susceptibles de saisir le tribunal d'une tierce opposition à son encontre. Toutefois, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la tierce opposition formée par M. D... et autres était dirigée contre le jugement du 18 décembre 2023 en tant que ce jugement a annulé, sur la demande de la société Logirem, la décision du 9 septembre 2021 par laquelle le maire de Marseille a constaté la caducité du permis de construire délivré à cette société. Dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir que l'auteur de l'ordonnance attaquée s'est mépris sur la portée de leurs écritures et à demander pour ce motif, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de leur pourvoi, l'annulation de l'ordonnance qu'ils attaquent.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur la recevabilité de la tierce opposition :

8. Aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision ".

9. D'une part, si la qualité de voisin du projet de construction autorisé ne confère pas qualité pour former tierce-opposition contre un jugement annulant la décision constatant la caducité du permis de construire, il en va autrement lorsque ce constat a été prononcé à sa demande. Or, il ressort des pièces du dossier que la décision constatant la caducité du permis délivré à la société Logirem avait été prise à la suite d'une demande en ce sens de M. D... et autres. Dès lors, le jugement du 18 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a prononcé l'annulation de cette décision doit être regardé comme ayant préjudicié à leurs droits au sens de l'article R. 832-1 du code de justice administrative.

10. D'autre part, si le tribunal administratif de Marseille a joint les demandes présentées par la société Logirem et par M. D... et autres, ces derniers n'ont pas été appelés à l'instance opposant la société Logirem et la commune de Marseille. En outre, au regard de la nature de leurs intérêts respectifs, la commune de Marseille ne peut être regardée comme ayant représenté M. D... et autres dans cette instance.

11. Il résulte de ce qui précède que M. D... et autres sont recevables à former tierce opposition contre le jugement du tribunal administratif de Marseille en tant que ce jugement a annulé la décision expresse du 9 septembre 2021 constatant la caducité du permis de construire délivré à la société Logirem.

Sur le bien-fondé de la tierce opposition :

12. Aux termes du premier alinéa de l'article R.* 424-17 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de trois ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue ". Selon le premier alinéa de l'article R.* 424-19 du même code : " En cas de recours devant la juridiction administrative contre le permis ou contre la décision de non-opposition à la déclaration préalable ou de recours devant la juridiction civile en application de l'article L. 480-13, le délai de validité prévu à l'article R. 424-17 est suspendu jusqu'au prononcé d'une décision juridictionnelle irrévocable ". Le premier alinéa de l'article R.* 424-21 de ce code dispose : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir ou la décision de non-opposition à une déclaration préalable peut être prorogé deux fois pour une durée d'un an, sur demande de son bénéficiaire si les prescriptions d'urbanisme et les servitudes administratives de tous ordres auxquelles est soumis le projet n'ont pas évolué de façon défavorable à son égard ". Aux termes de l'article R.*424-23 du même code : " La prorogation est acquise au bénéficiaire du permis si aucune décision ne lui a été adressée dans le délai de deux mois suivant la date de l'avis de réception postal ou de la décharge de l'autorité compétente pour statuer sur la demande. La prorogation prend effet au terme de la validité de la décision initiale ".

13. Il résulte des dispositions de l'article R.* 424-19 du code de l'urbanisme citées au point précédent qu'en cas de recours contentieux contre un permis de construire, le délai à l'issue duquel ce permis de construire est périmé en l'absence d'engagement des travaux dans le délai prévu à l'article R.* 424-17 du même code, prorogé le cas échéant dans les conditions prévues aux articles R.* 424-21 et R.* 424-23 de ce code, est suspendu jusqu'à la date à laquelle la décision juridictionnelle rendue sur ce recours devient irrévocable.

14. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire accordé à la société Logirem le 30 mars 2016 lui a été notifié le 5 avril 2016 et a fait l'objet d'un recours pour excès de pouvoir introduit le 13 septembre 2016 devant le tribunal administratif de Marseille. Ce recours a été rejeté par un jugement du 26 octobre 2017, devenu irrévocable, en l'absence de recours, le 28 décembre 2017. Le délai de validité prévu à l'article R.* 424-17 a, dès lors, été suspendu du 13 septembre 2016 au 28 décembre 2017 pour expirer, compte tenu de la prorogation d'une année obtenue par le pétitionnaire, le 18 juillet 2021. Par suite, eu égard à la nature et l'importance des travaux effectués par le pétitionnaire à cette date, le maire de Marseille ne pouvait, sans méconnaître les dispositions des articles R.* 424-17 et suivants, constater, par la décision contestée du 9 septembre 2021, la péremption du permis de construire délivré à la société Logirem.

15. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. D... et autres tendant à ce que le jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 décembre 2023 en tant qu'il a annulé la décision du 9 septembre 2021 du maire de Marseille constatant la caducité du permis de construire délivré à la société Logirem soit déclaré non avenu doivent être rejetées.

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Logirem et de la commune de Marseille, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 29 février 2024 du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Marseille est annulée.

Article 2 : La tierce opposition de M. D... et autres présentée devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. D... et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. X... D..., premier requérant dénommé, à la commune de Marseille et à la société Logirem.

Délibéré à l'issue de la séance du 5 février 2025 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme Anne Courrèges, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Pascal Trouilly, conseillers d'Etat et M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 21 février 2025.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Alexandre Trémolière

La secrétaire :

Signé : Mme Eliane Evrard


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 493902
Date de la décision : 21/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 fév. 2025, n° 493902
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexandre Trémolière
Rapporteur public ?: M. Clément Malverti
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:493902.20250221
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