Vu la procédure suivante :
Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 27 mai 2024, 20 septembre 2024 et 31 janvier 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la chambre de commerce et d'industrie de Corse demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté des ministres délégués chargés des comptes publics et des transports du 29 mars 2024 fixant la liste des aérodromes et groupements d'aérodromes et le tarif de sûreté et de sécurité de la taxe sur le transport aérien de passagers applicable sur chacun d'entre eux, le taux de la minoration de ce tarif, ainsi que le tarif de péréquation aéroportuaire de cette même taxe, en tant qu'il fixe le tarif de sûreté et de sécurité de la taxe sur le transport aérien de passagers pour l'aéroport d'Ajaccio-Napoléon Bonaparte ;
2°) d'enjoindre aux ministres compétents de fixer à 17,20 euros par passager et 4,82 euros par passager en correspondance le tarif de sûreté et de sécurité de la taxe sur le transport aérien de passagers pour l'aéroport d'Ajaccio-Napoléon Bonaparte, dans un délai d'un mois à compter de la décision à venir et sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des impositions sur les biens et services ;
- le code des transports ;
- l'arrêté du 27 décembre 2022 relatif aux modalités de déclaration des exploitants d'aérodromes pour l'établissement du tarif de sûreté et de sécurité de la taxe sur le transport aérien de passagers ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de La Burgade, avocat de la chambre de commerce et d'industrie d'Ajaccio et de la Corse du sud ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 février 2025, présentée par la chambre de commerce et d'industrie de Corse ;
Considérant ce qui suit :
Sur le cadre juridique :
1. D'une part, aux termes de l'article L. 6328-3 du code des transports : " Sont éligibles au financement par des recettes fiscales les coûts directement imputables aux services de sécurité-incendie-sauvetage, de lutte contre le péril animalier, et de sûreté, ainsi qu'aux mesures effectuées dans le cadre des contrôles environnementaux : / (...) / 2° A hauteur de 100 % pour les autres aérodromes ou groupements d'aérodromes [que ceux des classes 1 et 2] ". L'article L. 6328-5 du même code dispose que : " Les exploitants des aérodromes ou groupements d'aérodromes mentionnés à l'article L. 6328-3 mettent en œuvre, pour les services et mesures mentionnés au même article L. 6328-3, des moyens adéquats avec la réglementation en matière de sécurité et de sûreté aéroportuaires et conformes à la charte des bonnes pratiques publiée par l'administration ". Aux termes de l'article L. 6328-6 de ce code : " Les données relatives au trafic, aux coûts et aux autres produits de l'exploitation des aérodromes ou groupements d'aérodromes mentionnés à l'article L. 6328-3 font l'objet d'une déclaration par l'exploitant selon des modalités fixées par un arrêté conjoint du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l'aviation civile. / Cet arrêté précise la proportion des coûts qui ne sont pas directement ou totalement imputables aux services et mesures mentionnés au même article L. 6328-3 ". En application de l'arrêté du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires du 27 décembre 2022, pris pour l'application de ces dispositions, les exploitants d'aérodromes remplissent une déclaration annuelle relative aux trafic, coûts et produits pour le financement des missions mentionnées à l'article L. 6328-3 du code des transports, qu'ils adressent aux services déconcentrés de la direction générale de l'aviation civile dans le ressort desquels l'aérodrome ou le groupement d'aérodromes est situé, au plus tard le 31 juillet de chaque année.
2. D'autre part, aux termes de l'article L. 422-20 du code des impositions sur les biens et services : " Le montant de la taxe [sur le transport de passagers] est égal, pour chaque embarquement constitutif d'un fait générateur, à la somme des tarifs suivants : / 1° Le tarif de l'aviation civile déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 422-21 ; / 2° Le tarif de solidarité déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 422-22 ; / 3° Le tarif de sûreté et de sécurité déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 422-23 ; / 4° Le tarif de péréquation aéroportuaire déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 422-24. " Aux termes de l'article L. 422-23 du même code : " Le tarif de sûreté et de sécurité prévu au 3° de l'article L. 422-20 est déterminé, pour chaque aérodrome ou groupement d'aérodromes des classes 1 à 3 au sens de l'article L. 6328-2 du code des transports, de manière à ce que le produit qui en résulte couvre, en complément du produit de la taxe sur le transport aérien de marchandises mentionnée à l'article L. 422-41 et compte tenu des besoins en financement de son exploitation, les coûts mentionnés à l'article L. 6328-3 du code des transports ". Cet article L. 422-23 renvoie la fixation du tarif à un arrêté conjoint du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l'aviation civile, entre des limites inférieures et supérieures qu'il détermine en fonction de la classe dont relève l'aérodrome ou le groupement d'aérodromes. Pour les aérodromes de classe 3, l'article L. 422-23 fixe un minimum de 2,60 euros et un maximum de 17,20 euros.
Sur le litige :
3. Par un arrêté du 29 mars 2024, le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, et le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports, ont fixé, pour l'année 2024, la liste des aérodromes et groupements d'aérodromes et le tarif de sûreté et de sécurité de la taxe sur le transport aérien de passagers applicable sur chacun d'entre eux, le taux de la minoration de ce tarif pour les passagers en correspondance ainsi que le tarif de péréquation aéroportuaire de cette même taxe. La chambre de commerce et d'industrie de Corse (CCI de Corse) demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté en tant qu'il fixe le tarif de sûreté et de sécurité de la taxe sur le transport aérien de passagers pour l'aéroport d'Ajaccio-Napoléon Bonaparte, relevant de la classe 3, à 15,40 euros par passager et 4,31 euros par passager en correspondance et d'enjoindre aux ministres compétents de fixer ce tarif, pour cet aéroport, à 17,20 euros par passager et 4,82 euros par passager en correspondance.
En ce qui concerne la procédure de contrôle des coûts déclarés :
4. Il résulte de l'article L. 6333-1 du code des transports que les services de la direction générale de l'aviation civile peuvent contrôler le respect par les exploitants d'aérodromes ou de groupements d'aérodromes des obligations mentionnées aux articles L. 6328-5 et L. 6328-6 du même code sur l'année en cours et les deux années antérieures. Ils peuvent pour cela, notamment, comme indiqué à l'article L. 6333-2, demander les pièces justificatives et informations à l'appui desquelles les exploitants d'aérodromes ont rempli la déclaration mentionnée à l'article L. 6328-6, dans les conditions précisées par l'arrêté du 27 décembre 2022, et, dans les conditions mentionnées à l'article L. 6333-3, réaliser des contrôles sur place. Si l'article L. 6333-4 prévoit que les contrôles mentionnés à l'article L. 6333-3 donnent lieu à un rapport adressé à l'exploitant, qui dispose alors de deux mois pour faire part de ses observations, cette obligation procédurale n'est, en tout état de cause, pas prescrite pour la fixation du montant du tarif de sûreté et de sécurité en application de l'article L. 422-23 du code des impositions sur les biens et services. Par suite, la CCI de Corse ne peut utilement soutenir que la décision attaquée serait illégale pour avoir été prise alors que le rapport prévu à l'article L. 6333-4 du code des transports ne lui aurait pas été adressé.
5. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que les services de la direction générale de l'aviation civile ont demandé à la CCI de Corse, en août 2023, dans le cadre d'un contrôle des coûts exposés par la CCI de Corse pour l'exécution des missions mentionnées à l'article L. 6328-3 du code des transports pour l'aéroport d'Ajaccio-Napoléon Bonaparte au titre de 2022 et 2023 et de l'examen de son budget prévisionnel pour 2024, de produire des documents relatifs au marché conclu pour la réalisation des prestations de sûreté pour cet aéroport et de justifier de la forte augmentation des coûts exposés pour la réalisation de ces prestations et des raisons qui l'ont conduite à contracter à des prix excédant le montant du tarif de sûreté et de sécurité alloué pour cet aéroport en 2023. Pour la fixation du tarif de sûreté et de sécurité de la taxe sur le transport aérien de passagers applicable à cet aéroport en 2024, la CCI de Corse a été informée par courriel et par courrier du sous-directeur des aéroports faisant suite à une réunion organisée dans ses locaux avec les services de la direction de l'aviation civile, que, faute de justifications du surcoût du marché conclu pour la réalisation des prestations de sécurité et sûreté pour cet aéroport, le tarif de sûreté et de sécurité applicable à l'aéroport d'Ajaccio-Napoléon Bonaparte en 2023 serait maintenu en 2024.
En ce qui concerne le montant du tarif de sûreté et de sécurité :
6. D'une part, il résulte des dispositions des articles L. 6328-3 à L. 6328-5 du code des transports que, si l'ensemble des coûts directement exposés pour la réalisation des missions de sécurité-incendie-sauvetage, de lutte contre le péril animalier et de sûreté ainsi qu'au titre des mesures effectuées dans le cadre des contrôles environnementaux sont, pour les aéroports de classe 3, éligibles au financement par des recettes fiscales, dont le tarif de sûreté et de sécurité de la taxe sur le transport aérien de passagers, ces coûts doivent correspondre à la mise en œuvre de moyens adéquats au regard de la réglementation en matière de sécurité et de sûreté aéroportuaires et être conformes à la charte des bonnes pratiques publiée par l'administration. Dès lors, le moyen tiré de ce que les ministres chargés des transports et du budget auraient commis une erreur de droit en ne tenant pas uniquement compte de la nature des coûts affectés aux opérations de sûreté et de sécurité, mais aussi de leur niveau et de l'insuffisance ou de l'absence de justification des surcoûts identifiés pour déterminer le tarif de sûreté et de sécurité applicable pour l'aéroport d'Ajaccio-Napoléon Bonaparte en 2024 doit être écarté.
7. D'autre part, si la requérante soutient que le tarif de sûreté et de sécurité applicable ne lui permet pas de financer les missions de sécurité et sûreté pour l'aéroport d'Ajaccio sans engendrer un déficit, elle n'apporte pas d'élément permettant de justifier la forte augmentation du coût des missions de sûreté aéroportuaire pour cet aéroport, notamment le niveau du tarif horaire d'un agent de sûreté, sensiblement plus élevé que le tarif moyen constaté pour les aéroports de la même classe. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le ministre chargé du budget et le ministre chargé de l'aviation civile auraient fixé le tarif de sûreté et de sécurité applicable en 2024 à l'aéroport d'Ajaccio-Napoléon Bonaparte à un niveau manifestement disproportionné par rapport au montant des dépenses de sécurité et de sûreté exposées par la CCI de Corse doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, que la requête de la CCI de Corse tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 29 mars 2024 en tant qu'il fixe le tarif de sûreté et de sécurité de la taxe sur le transport aérien de passagers pour l'aéroport d'Ajaccio-Napoléon Bonaparte doit être rejetée. Il en va de même, en conséquence, des conclusions de la requête présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la chambre de commerce et d'industrie de Corse est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la chambre de commerce et d'industrie de Corse, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Délibéré à l'issue de la séance du 5 février 2025 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme Anne Courrèges, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Pascal Trouilly, conseillers d'Etat et Mme Amélie Fort-Besnard, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 21 février 2025.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Amélie Fort-Besnard
La secrétaire :
Signé : Mme Eliane Evrard