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21/02/2025 | FRANCE | N°497537

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 21 février 2025, 497537


Vu la procédure suivante :



M. D... A... et M. B... C... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions n° 17144 et 17145 du 29 octobre 2021 par lesquelles la Fédération française de football a refusé l'enregistrement des conventions de présentation et d'assistance juridiques conclues les 30 mai et 3 juin 2021.



Par un jugement n° 2201017 et 2201019 du 17 juillet 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.



Par un arrêt n° 23PA03731 du 4 juillet 2024, la

cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de M. A... et de M. C..., annulé ce jugement ...

Vu la procédure suivante :

M. D... A... et M. B... C... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions n° 17144 et 17145 du 29 octobre 2021 par lesquelles la Fédération française de football a refusé l'enregistrement des conventions de présentation et d'assistance juridiques conclues les 30 mai et 3 juin 2021.

Par un jugement n° 2201017 et 2201019 du 17 juillet 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 23PA03731 du 4 juillet 2024, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de M. A... et de M. C..., annulé ce jugement mais, statuant par la voie de l'évocation, a rejeté leurs conclusions d'annulation des refus de la Fédération française de football.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 septembre et 4 décembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... et M. C... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de la Fédération française de football la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire distinct, enregistré le 4 décembre 2024, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. A... et M. C... demandent au Conseil d'Etat, à l'appui de leur pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt du 4 juillet 2024, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 222-16 du code du sport.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code du sport ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Eche, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau, Tapie, avocat de M. A... et de M. C... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 5 février 2024, présentée par M. A... et M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C..., de nationalité franco-malienne et résidant au Royaume-Uni, a conclu en 2021 avec M. A..., agent sportif titulaire d'une licence délivrée par la Fédération française de football, deux convention de présentation aux fins de collaborer en vue du placement de joueurs professionnels auprès de clubs de football français. La Fédération française de football a refusé, par deux décisions du 29 octobre 2021, d'enregistrer ces conventions. MM. A... et C... ont demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de ces décisions. Par un arrêt du 4 juillet 2024, contre lequel ils se pourvoient en cassation, la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du tribunal administratif ayant rejeté leur demande mais, statuant par la voie de l'évocation, a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation des décisions de la Fédération française de football.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. Aux termes de l'article L. 222-7 du code du sport : " L'activité consistant à mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d'un contrat soit relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, soit qui prévoit la conclusion d'un contrat de travail ayant pour objet l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement ne peut être exercée que par une personne physique détentrice d'une licence d'agent sportif. / La licence est délivrée, suspendue et retirée, selon la discipline concernée, par la fédération délégataire compétente (...) ". L'article L. 222-15 du même code ajoute que " L'activité d'agent sportif peut être exercée sur le territoire national (...) par les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen : / 1° Lorsqu'ils sont qualifiés pour l'exercer dans l'un des Etats mentionnés au premier alinéa du présent article dans lequel la profession ou la formation d'agent sportif est réglementée ; / 2° Ou lorsqu'ils ont exercé, au cours des dix années précédentes, pendant au moins une année à temps plein ou pendant une durée totale équivalente à temps partiel, la profession d'agent sportif dans un des Etats mentionnés au premier alinéa dans lequel ni la profession ni la formation d'agent sportif ne sont réglementées et qu'ils sont titulaires d'une ou plusieurs attestations de compétence ou d'un titre de formation délivré par l'autorité compétente de l'Etat d'origine.(...) / L'activité d'agent sportif peut également être exercée de façon temporaire et occasionnelle par les ressortissants légalement établis dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen (...). Les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen doivent, préalablement à l'exercice de l'activité d'agent sportif sur le territoire national, y compris temporaire et occasionnelle, en faire la déclaration à la fédération délégataire compétente selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat ". Selon l'article L. 222-15-1 du même code : " Le ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen autorisé à exercer l'activité d'agent sportif dans l'un de ces Etats peut passer une convention avec un agent sportif ayant pour objet la présentation d'une partie intéressée à la conclusion d'un contrat mentionné à l'article L. 222 7, dans la limite d'une convention au cours d'une même saison sportive (...) ". Enfin, l'article L. 222-16 du même code dispose que : " Le ressortissant d'un Etat qui n'est pas membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen et qui n'est pas titulaire d'une licence d'agent sportif mentionnée à l'article L. 222-7 doit passer une convention avec un agent sportif ayant pour objet la présentation d'une partie intéressée à la conclusion d'un contrat mentionné au même article L. 222-7. (...) La convention de présentation (...) doit être transmise à la fédération délégataire compétente ".

4. Les requérants soutiennent qu'en excluant du bénéfice de ses dispositions les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen, en particulier les Français, et en ne limitant pas le nombre de conventions de présentation pouvant être conclues au cours d'une même saison sportive, l'article L. 222-16 du code du sport méconnaît le principe d'égalité et le principe de libre concurrence.

5. En vertu de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi " doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

6. Il résulte des dispositions citées au point 3 que l'exercice en France de l'activité de mise en rapport, contre rémunération, de personnes intéressées à la conclusion d'un contrat en vue de l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement suppose en principe la détention d'une licence d'agent sportif délivrée par la fédération sportive délégataire compétente. Toutefois, afin notamment de mettre en œuvre les principes et règles du droit de l'Union européenne, l'exercice de l'activité d'agent sportif, à titre habituel ou occasionnel, a été ouvert aux ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen disposant d'un titre ou d'une expérience acquis dans ce domaine dans l'un de ces Etats. Le législateur a également admis, par les articles L. 222-15-1 et L. 222-16 du code du sport, la possibilité, pour ces ressortissants et pour les ressortissants d'Etats tiers, de participer à la présentation d'un sportif ou un entraîneur en vue de la conclusion d'un contrat, sous réserve toutefois de la passation, pour chaque projet, d'une convention avec un agent sportif autorisé à exercer son activité en France et de son approbation par la fédération sportive délégataire compétente.

7. En subordonnant l'exercice de la profession d'agent sportif en France à la détention d'une licence ou d'un titre équivalent, le législateur a entendu encadrer l'exercice de l'activité d'agent sportif et permettre un contrôle par les fédérations sportives de cette profession et des pratiques des personnes qui se livrent à cette activité, dans le but de protéger les sportifs et de prévenir divers risques de fraude. En autorisant en outre des personnes non titulaires de cette licence ou titre équivalent à conclure des conventions de présentation soumises à l'approbation des fédérations sportives, le législateur a pris en compte l'intérêt de permettre des mises en relation à titre ponctuel tout en plaçant ces opérations d'intermédiation sous le contrôle des fédérations sportives délégataires et en exigeant le recours aux services rémunérés d'un agent sportif exerçant en France.

8. Si cette dernière possibilité, sans limitation du nombre de présentations, est réservée par l'article L. 222-16 du code du sport aux ressortissants d'Etats tiers et ne peut bénéficier aux ressortissants français et ressortissants des autres Etats membres de l'Union européenne ou Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen, la différence de traitement qui en résulte est justifiée par l'objectif d'intérêt général poursuivi par l'exigence de détention d'une licence ou d'un titre équivalent pour exercer l'activité d'agent sportif et par l'intérêt général qui s'attache à la mise en œuvre effective et sans contournement de ce dispositif en faisant échec à des comportements et pratiques qui tendraient à faire du dispositif accessoire de la convention de présentation, conçu pour des utilisations occasionnelles, le mode normal d'exercice de la profession. Par suite, le grief tiré de ce que les dispositions de l'article L. 122-16 du code du sport, en tant qu'elles réservent le bénéfice de la possibilité qu'elles prévoient aux seuls ressortissants d'Etats tiers, serait contraire au principe constitutionnel d'égalité ne présente pas un caractère sérieux.

9. Pour les mêmes motifs, et en tout état de cause, ne présente pas davantage de caractère sérieux le grief allégué tiré de l'atteinte à un principe de libre concurrence.

10. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a dès lors pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

Sur les autres moyens du pourvoi :

11. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

12. Pour demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent, M. A... et M. C... soutiennent que la cour administrative d'appel de Paris a :

- statué au terme d'une procédure irrégulière faute d'avoir rouvert l'instruction après la communication par la Fédération française de football d'une note en délibéré qui a été prise en compte ;

- commis une erreur de droit en retenant que les dispositions de l'article L. 222-16 du code du sport ne concernent que les seules personnes physiques qui ne possèdent pas la nationalité d'un État membre de l'Union européenne ou d'un État partie à l'Espace économique européen, alors qu'elles s'appliquent aux nationaux de l'un de ces Etats établis dans un Etat tiers.

13. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A... et M. C....

Article 2 : Le pourvoi de M. A... et M. C... n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. D... A... et M. B... C..., à la Fédération française de football et à la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 5 février 2025 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme Anne Courrèges, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Pascal Trouilly, conseillers d'Etat et M. Julien Eche, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 21 février 2025.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Julien Eche

La secrétaire :

Signé : Mme Eliane Evrard


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 497537
Date de la décision : 21/02/2025
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 21 fév. 2025, n° 497537
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Julien Eche
Rapporteur public ?: Mme Dorothée Pradines
Avocat(s) : CABINET ROUSSEAU, TAPIE ; SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:497537.20250221
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