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21/02/2025 | FRANCE | N°498492

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 21 février 2025, 498492


Vu les procédures suivantes :



1° Sous le n° 498492, par un jugement n° 2400933 du 17 octobre 2024, enregistré le 18 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, avant de statuer sur la demande de M. E... G... tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 avril 2024 par lequel le préfet de la Marne l'a assigné à résidence dans le département de la Marne pour une durée de six mois sur le fondement de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

et à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Marne de mettre fin aux mesures de ...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 498492, par un jugement n° 2400933 du 17 octobre 2024, enregistré le 18 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, avant de statuer sur la demande de M. E... G... tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 avril 2024 par lequel le préfet de la Marne l'a assigné à résidence dans le département de la Marne pour une durée de six mois sur le fondement de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Marne de mettre fin aux mesures de surveillance et de lui restituer son passeport, a décidé, en application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :

1°) Les dispositions de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettent-elles au préfet de prendre l'initiative d'assigner à résidence sur ce fondement l'étranger, lorsque celui-ci n'en a pas fait la demande '

2°) Dans l'affirmative, et notamment lorsque la mesure d'assignation à résidence n'est pas concomitante à l'édiction d'une obligation de quitter le territoire français, l'édiction d'une assignation à résidence par application des dispositions de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est-elle soumise au respect d'une procédure contradictoire prise sur le fondement des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ou sur celui de toute autre disposition '

2° Sous le n° 498495, par un jugement n° 2400132 du 17 octobre 2024, enregistré le 18 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, avant de statuer sur la demande de M. K... O... tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 janvier 2024 par lequel la préfète de la Haute-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an et l'a assigné à résidence pour une durée de six mois, et à ce qu'il soit enjoint à la préfète de la Haute-Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte, a décidé, en application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :

1°) Les dispositions de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettent-elles au préfet de prendre l'initiative d'assigner à résidence sur ce fondement l'étranger, lorsque celui-ci n'en a pas fait la demande '

2°) Dans l'affirmative, l'édiction d'une assignation à résidence par application des dispositions de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est-elle soumise au respect d'une procédure contradictoire préalable, sur le fondement des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ou sur celui de toute autre disposition ' Le cas échéant, l'étranger peut-il utilement se prévaloir du non-respect de la procédure contradictoire préalable lorsque l'assignation à résidence est édictée concomitamment à une obligation de quitter le territoire français et est déférée au juge en même temps que cet acte ' Si la mise en œuvre d'une procédure contradictoire est requise, le respect de cette procédure implique-t-il que l'administration mette le ressortissant étranger en mesure de présenter ses observations de manière utile et effective sur l'assignation à résidence que l'autorité administrative envisage de prendre à son encontre '

Des observations, enregistrées le 13 janvier 2025, ont été présentées par le ministre de l'intérieur.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative, notamment son article L. 113-1 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique ;

REND L'AVIS SUIVANT :

Les jugements du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne visés ci-dessus soumettent au Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, des questions se rapportant au même sujet. Il y a lieu de les joindre pour y répondre par un même avis.

1. Aux termes de l'article L. 730-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, dans les conditions prévues au présent titre, assigner à résidence l'étranger faisant l'objet d'une décision d'éloignement sans délai de départ volontaire ou pour laquelle le délai de départ volontaire imparti a expiré et qui ne peut quitter immédiatement le territoire français (...) ". Selon l'article L. 731-3 du même code : " L'autorité administrative peut autoriser l'étranger qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne pouvoir ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, à se maintenir provisoirement sur le territoire en l'assignant à résidence jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ".

Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'autorité administrative constate qu'un étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ne peut être éloigné en raison de l'une des circonstances visées au premier alinéa de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle peut, sur le fondement de cet article, à la demande de l'intéressé ou de sa propre initiative si elle estime, en l'absence de demande, que la situation l'exige, prononcer l'assignation à résidence de l'étranger dans les conditions prévues par le titre III du livre VII de ce code.

2. Aux termes de l'article L. 100-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Le présent code régit les relations entre le public et l'administration en l'absence de dispositions spéciales applicables ". L'article L. 121-1 du même code dispose : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ".

Les dispositions de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui figurent au livre VII de ce code relatif à l'exécution des décisions d'éloignement, ont pour objet de garantir la représentation de l'étranger soumis à une mesure d'éloignement du territoire et d'organiser les conditions de son maintien temporaire sur le territoire français, alors qu'il n'a pas de titre l'autorisant à y séjourner. La décision d'assignation à résidence prise sur ce fondement à l'égard d'un étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé, constitue ainsi une mesure prise en vue de l'exécution de cette décision d'éloignement.

Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux décisions portant obligation de quitter le territoire français constituant des dispositions spéciales par lesquelles le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises leur intervention et leur exécution, les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ne sont pas applicables à l'édiction d'une assignation à résidence d'un étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé, décidée sur le fondement de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui doit être motivée en application de l'article L. 732-1 de ce code.

Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, à M. E... G..., à M. K... O... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Il sera publié au Journal officiel de la République française.

Délibéré à l'issue de la séance du 5 février 2025 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. H... I..., M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme A... L..., M. D... N..., M. M... F..., M. J... P..., M. Pascal Trouilly, conseillers d'Etat et M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 21 février 2025.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Alexandre Trémolière

La secrétaire :

Signé : Mme B... C...

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 498492
Date de la décision : 21/02/2025
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 21 fév. 2025, n° 498492
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexandre Trémolière
Rapporteur public ?: Mme Dorothée Pradines

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:498492.20250221
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