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25/02/2025 | FRANCE | N°498124

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 25 février 2025, 498124


Vu la procédure suivante :



Le préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bastia de suspendre l'exécution de l'arrêté du 12 avril 2024 par lequel le maire de Figari a accordé à la société par actions simplifiée Lucyl générale et foncière un permis de construire pour la construction d'un ensemble immobilier composé de logements, de bureaux et de garages, d'une surface de plancher de 1 208 m², sur un terrain situé lieu-dit " Saparelli ". Par une ordonnance n° 2401071 du 13 septembre 2024

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Vu la procédure suivante :

Le préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bastia de suspendre l'exécution de l'arrêté du 12 avril 2024 par lequel le maire de Figari a accordé à la société par actions simplifiée Lucyl générale et foncière un permis de construire pour la construction d'un ensemble immobilier composé de logements, de bureaux et de garages, d'une surface de plancher de 1 208 m², sur un terrain situé lieu-dit " Saparelli ". Par une ordonnance n° 2401071 du 13 septembre 2024, la juge des référés du tribunal administratif de Bastia, statuant sur le fondement de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, a rejeté ce déféré.

Par une ordonnance n° 24MA02474 du 25 septembre 2024, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 26 septembre 2024, le premier vice-président de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 20 septembre 2024 au greffe de cette cour, formé par le préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud contre cette ordonnance.

Par ce pourvoi et un nouveau mémoire en régularisation, enregistré le 11 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre du logement et de la rénovation urbaine demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 13 septembre 2024 de la juge des référés du tribunal administratif de Bastia ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande de première instance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. "

2. Il ressort des pièces du dossier soumis à la juge des référés du tribunal administratif de Bastia que, par un arrêté du 12 avril 2024, le maire de Figari a accordé à la société Lucyl générale et foncière un permis de construire avec réserves pour la construction d'un ensemble immobilier composé de logements, de bureaux et de garages, d'une surface de plancher de 1 208 m², sur un terrain situé lieu-dit " Saparelli ". La ministre du logement et de la rénovation urbaine se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 13 septembre 2024 par laquelle la juge des référés du tribunal administratif de Bastia, saisi par le préfet de Corse, préfet de Corse-du-Sud sur le fondement de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, a rejeté son déféré demandant la suspension de l'exécution de cet arrêté.

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. (...) ". En vertu du I de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, le plan d'aménagement et de développement durable de Corse peut préciser les modalités d'application, adaptées aux particularités géographiques locales, de cet article. Et, en vertu du plan d'aménagement et de développement durable de Corse, la forme urbaine existante (village ou agglomération) dans toutes ses dimensions, doit être respectée : trame viaire, parcellaire et bâtie, morphologie urbaine, mais aussi fonctions et usage urbains. D'une part, constituent des agglomérations ou des villages où l'extension de l'urbanisation est possible, au sens et pour l'application du premier alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, les secteurs déjà urbanisés caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions. D'autre part, le plan d'aménagement et de développement durable de Corse précise que la condition de continuité d'urbanisation posée par le premier alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme doit être interprétée comme impliquant l'existence d'une bande d'espace naturel ou agricole inférieure à 80 mètres entre les constructions.

4. II ressort des pièces du dossier soumis à la juge des référés du tribunal administratif de Bastia que le terrain d'assiette du projet se situe à la sortie de Figari. D'une part, l'actuelle limite nord de l'espace bâti du chef-lieu de cette commune est marquée par l'église de l'Immaculée conception, le projet se situant à proximité de l'autre côté de la route départementale 859 la traversant. D'autre part, la parcelle cadastrée section H n° 1215, siège du projet litigieux, jouxte les dernières parcelles actuellement bâties à l'est de la route départementale.

5. En second lieu aux termes du I de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme : " Les terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières sont préservées. La nécessité de préserver ces terres s'apprécie au regard de leur rôle et de leur place dans les systèmes d'exploitation locaux. Sont également pris en compte leur situation par rapport au siège de l'exploitation, leur relief, leur pente et leur exposition. Seules les constructions nécessaires à ces activités ainsi que les équipements sportifs liés notamment à la pratique du ski et de la randonnée peuvent y être autorisés. (...) ". Et, en vertu du II de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, le plan d'aménagement et de développement durable de Corse peut, compte tenu du caractère stratégique au regard des enjeux de préservation ou de développement présentés par certains espaces géographiques limités, définir leur périmètre, fixer leur vocation et comporter des dispositions relatives à l'occupation du sol propres auxdits espaces, assorties, le cas échéant, de documents cartographiques dont l'objet et l'échelle sont déterminés par délibération de l'Assemblée de Corse. Il ressort de la carte des espaces stratégiques agricoles approuvée par l'assemblée de Corse le 5 novembre 2020 et publiée que le terrain d'assiette du projet n'en fait pas partie.

6. Il résulte de ce qui précède que la juge des référés du tribunal administratif de Bastia n'a commis ni erreur de droit ni dénaturation en jugeant que les moyens soulevés devant elle tirés de ce que l'arrêté attaqué méconnaitrait les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme dès lors d'une part que la construction projetée s'implanterait dans une zone vierge de toute construction et d'autre part que la parcelle d'assiette du projet se situerait en espaces pastoraux qui constituent, au sens du plan d'aménagement et de développement durable de Corse, une rupture d'urbanisation, n'étaient pas en l'état de l'instruction de nature à créer un doute sérieux sur la légalité du permis de construire délivré et que la ministre du logement et de la rénovation urbaine n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la ministre du logement et de la rénovation urbaine est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre du logement et de la rénovation urbaine, à la commune de Figari et à la société par actions simplifiée Lucyl générale et foncière.

Délibéré à l'issue de la séance du 6 février 2025 où siégeaient : M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat, présidant ; M. Édouard Geffray, conseiller d'Etat et Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 25 février 2025.

Le président :

Signé : M. Jean-Luc Nevache

La rapporteure :

Signé : Mme Anne Lazar Sury

La secrétaire :

Signé : Mme Paule Troly


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 498124
Date de la décision : 25/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 fév. 2025, n° 498124
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Lazar Sury
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:498124.20250225
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