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05/03/2025 | FRANCE | N°490583

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 05 mars 2025, 490583


Vu la procédure suivante :



M. A... E... et Mme G... E..., M. D... C... et Mme F... C... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 juin 2021 par lequel le maire de Roquevaire (Bouches-du-Rhône) a délivré à l'entreprise sociale pour l'habitat Famille et Provence un permis de construire une pension de famille de vingt-cinq chambres avec espaces collectifs et stationnement extérieur sur un terrain situé route du Val de Riou, ensemble la décision du 20 septembre 2021 rejetant leur recours gracieux.




Par un premier jugement n° 2110214 du 2 mai 2023, le trib...

Vu la procédure suivante :

M. A... E... et Mme G... E..., M. D... C... et Mme F... C... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 juin 2021 par lequel le maire de Roquevaire (Bouches-du-Rhône) a délivré à l'entreprise sociale pour l'habitat Famille et Provence un permis de construire une pension de famille de vingt-cinq chambres avec espaces collectifs et stationnement extérieur sur un terrain situé route du Val de Riou, ensemble la décision du 20 septembre 2021 rejetant leur recours gracieux.

Par un premier jugement n° 2110214 du 2 mai 2023, le tribunal administratif de Marseille a, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sursis à statuer jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois, à compter de la notification du jugement, imparti à l'entreprise sociale pour l'habitat Famille et Provence et à la commune de Roquevaire pour lui notifier un permis modificatif régularisant les deux vices qu'il a identifiés.

Par un second jugement n° 2110214 du 9 octobre 2023, le tribunal administratif a rejeté la demande des époux B... et C... ainsi que leurs conclusions tendant à l'annulation des permis de construire modificatifs délivrés par le maire de Roquevaire à l'entreprise sociale pour l'habitat Famille et Provence les 3 juillet et 8 août 2023.

Par une ordonnance n° 23MA02938 du 21 décembre 2023, enregistrée le 29 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 9 décembre 2023 au greffe de cette cour, présenté par M. et Mme E... et M. et Mme C....

Par ce pourvoi et par un nouveau mémoire, enregistré le 8 avril 2024 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, M. E... et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les jugements des 2 mai et 9 octobre 2023 du Tribunal administratif de Marseille ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Roquevaire et de l'entreprise sociale pour l'habitat Famille et Provence la somme de 3 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des impôts ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 ;

- l'arrêté du 10 novembre 2016 définissant les destinations et sous-destinations de constructions pouvant être réglementés par le règlement national d'urbanisme et les règlements des plans locaux d'urbanisme ou les documents en tenant lieu ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de M. B... et autres, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de l'entreprise sociale pour l'habitat Famille et Provence et à la SCP Melka, Prigent, Drusch, avocat de la commune de Roquevaire ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 25 juin 2021, le maire de Roquevaire a délivré à l'entreprise sociale pour l'habitat (ESH) Famille et Provence un permis de construire une pension de famille de vingt-cinq chambres avec espaces collectifs et stationnement extérieur sur un terrain situé route du Val de Riou. Ce permis de construire ayant été contesté devant le tribunal administratif de Marseille par M. et Mme B... et M. et Mme C..., par un premier jugement du 2 mai 2023, ce tribunal a jugé fondés les moyens tirés, d'une part, de l'insuffisance de l'avis d'Enedis et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme et, d'autre part, de l'impossibilité de respecter la prescription du permis de construire délivré relative à l'implantation du système d'assainissement du projet et, en application de l'article L. 600-5-1 du code de justice administrative, a sursis à statuer et imparti au pétitionnaire et à la commune un délai de trois mois pour justifier de la régularisation de ces deux vices. Le maire de Roquevaire ayant délivré à la société pétitionnaire les 3 juillet et 8 août 2023 deux permis de construire modificatifs, le tribunal administratif de Marseille a rejeté le 9 octobre 2023 la demande de M. et Mme B... et de M. et Mme C..., qui se pourvoient en cassation contre ce jugement et celui du 2 mai 2023.

2. D'une part, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 633-1 du code de la construction et de l'habitation : " La résidence sociale dénommée " pension de famille " est un établissement destiné à l'accueil sans condition de durée des personnes dont la situation sociale et psychologique rend difficile leur accès à un logement ordinaire (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article UB2 du règlement du plan local d'urbanisme de Roquevaire, sont seuls autorisés au sein du secteur UB : " - les équipements d'intérêt public et/ou collectif ; / - les constructions à usage d'habitation nécessaires ou liées au fonctionnement des équipements publics et/ou d'intérêt collectif admis. ". En l'absence de définition de la notion d'équipement d'intérêt public ou collectif pour l'application des dispositions du plan local d'urbanisme de la commune de Roquevaire, il y a lieu de faire application des dispositions des articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l'urbanisme relatifs aux destinations des constructions et de l'arrêté du 10 novembre 2016 pris pour leur application en vertu desquelles la destination " équipement d'intérêt collectif et services publics " comporte six sous-destinations : " locaux et bureaux accueillant du public des administrations publiques et assimilés, locaux techniques et industriels des administrations publiques et assimilés, établissements d'enseignement, de santé et d'action sociale, salles d'art et de spectacles, équipements sportifs, autres équipements recevant du public ". La sous-destination " établissements d'enseignement, de santé et d'action sociale " comprend " les équipements d'intérêts collectifs destinés à l'enseignement ainsi que les établissements destinés à la petite enfance, les équipements d'intérêts collectifs hospitaliers, les équipements collectifs accueillant des services sociaux, d'assistance, d'orientation et autres services similaires ". La destination " habitation " comporte les sous-destinations " logement " et " hébergement ", cette dernière incluant " les constructions destinées à l'hébergement dans des résidences ou foyers avec service et notamment les maisons de retraite, les résidences universitaires, les foyers de travailleurs et les résidences autonomie ". Il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'une pension de famille relève de cette dernière catégorie, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que, gérée par une entreprise sociale pour l'habitat, elle remplisse une mission d'intérêt public.

4. Il résulte de ce qui précède que M. B... et autres sont fondés à soutenir que le tribunal a inexactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant que le projet de pension de famille faisant l'objet du permis de construire litigieux entrait dans " les équipements d'intérêt public et/ou collectif / - les constructions à usage d'habitation nécessaires ou liées au fonctionnement des équipements publics et/ou d'intérêt collectif admis " de l'article UB2 du règlement du plan local d'urbanisme de Roquevaire et était à ce titre autorisé en secteur UBe. Ils sont dès lors fondés à demander l'annulation pour ce motif du jugement du 2 mai 2023 et par voie de conséquence de celui du 9 octobre 2023, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'entreprise sociale pour l'habitat Famille et Provence et de la commune de Roquevaire une somme de 1 500 euros chacune à verser à M. et Mme B... et M. et Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle aux conclusions présentées au même titre par l'entreprise sociale pour l'habitat Famille et Provence contre M. et Mme B... et M. et Mme C... qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les jugements du 2 mai 2023 et du 9 octobre 2023 du tribunal administratif de Marseille sont annulés.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Marseille.

Article 3 : L'entreprise sociale pour l'habitat Famille et Provence et la commune de Roquevaire verseront chacune une somme de 1 500 euros à M. et Mme B... et M. et Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'entreprise sociale pour l'habitat Famille et Provence au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... E..., premier dénommé, pour l'ensemble des requérants, et à l'entreprise sociale pour l'habitat Famille et Provence.

Copie en sera adressée à la commune de Roquevaire.

Délibéré à l'issue de la séance du 6 février 2025 où siégeaient : M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat, présidant ; Edouard Geffray, conseiller d'Etat et Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat rapporteure.

Rendu le 5 mars 2025.

Le président :

Signé : M. Jean-Luc Nevache

La rapporteure :

Signé : Mme Anne Lazar Sury

La secrétaire :

Signé : Mme Paule Troly


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 490583
Date de la décision : 05/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 mar. 2025, n° 490583
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Lazar Sury
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : SCP OHL, VEXLIARD ; SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER ; SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:490583.20250305
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