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05/03/2025 | FRANCE | N°499413

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 05 mars 2025, 499413


Vu la procédure suivante :



La Section française de l'Observatoire international des prisons a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision par laquelle la cheffe d'établissement du centre pénitentiaire de Baie-Mahault a refusé de lui communiquer les documents attestant des mesures adoptées pour assurer l'exécution des injonctions prononcées par le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe dan

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Vu la procédure suivante :

La Section française de l'Observatoire international des prisons a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision par laquelle la cheffe d'établissement du centre pénitentiaire de Baie-Mahault a refusé de lui communiquer les documents attestant des mesures adoptées pour assurer l'exécution des injonctions prononcées par le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe dans son ordonnance n° 2400781 du 27 juin 2024, ainsi que, le cas échéant, un calendrier prévisionnel des mesures restant à engager et un bilan trimestriel des mesures prises jusqu'à exécution des injonctions, et de lui enjoindre de communiquer ces mêmes documents ou, à défaut, de réexaminer la demande, dans le délai de trois jours et sous une astreinte de 300 euros par jour de retard.

Par une ordonnance n° 2401549 du 19 novembre 2024, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 et 18 décembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Section française de l'Observatoire international des prisons demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant sur référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative, notamment son article R. 611-8 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Frédéric Puigserver, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de la Société Section Francaise De L'observatoire International Des Prisons Oip-sf ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe que la cheffe d'établissement du centre pénitentiaire de Baie-Mahault a refusé de communiquer à la Section française de l'Observatoire international des prisons des documents relatifs à l'exécution des injonctions prononcées par une précédente ordonnance du même juge. La Section française de l'Observatoire international des prisons a saisi le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe d'une demande tendant à la suspension de l'exécution de cette décision, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative. Par l'ordonnance attaquée, le juge des référés a rejeté sa demande pour défaut d'urgence, en application de l'article L. 522-3 du même code.

3. En vertu des dispositions des articles R. 311-12 et R. 311-13 du code des relations entre le public et l'administration, le silence gardé par l'administration dans le délai d'un mois à compter de la réception d'une demande de communication de documents administratifs vaut décision de refus. L'article L. 342-1 de ce code subordonne la recevabilité du recours contentieux à la saisine pour avis de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA). Selon les dispositions des articles R. 343-4 et R. 343-5 du même code, le silence gardé par l'administration pendant un délai de deux mois à compter de l'enregistrement de la saisine de la CADA fait naître une décision implicite de confirmation de refus.

4. L'objet même du référé organisé par les dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative est de permettre, dans tous les cas où l'urgence le justifie, la suspension dans les meilleurs délais d'une décision administrative contestée par le demandeur. Une telle possibilité est ouverte y compris dans le cas où un texte législatif ou réglementaire impose l'exercice d'un recours administratif préalable avant de saisir le juge de l'excès de pouvoir, sans donner un caractère suspensif à ce recours obligatoire. Dans une telle hypothèse, la suspension peut être demandée au juge des référés sans attendre que l'administration ait statué sur le recours préalable, dès lors que l'intéressé a justifié, en produisant une copie de ce recours, qu'il a engagé les démarches nécessaires auprès de l'administration pour obtenir l'annulation ou la réformation de la décision contestée. Saisi d'une telle demande de suspension, le juge des référés peut y faire droit si l'urgence justifie la suspension avant même que l'administration ait statué sur le recours préalable et s'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Sauf s'il en décide autrement, la mesure qu'il ordonne en ce sens vaut, au plus tard, jusqu'à l'intervention de la décision administrative prise sur le recours présenté par l'intéressé. Enfin, si une décision implicite ou explicite de rejet de ce recours préalable obligatoire intervient avant qu'il n'ait statué, le juge des référés reste néanmoins saisi si le requérant présente une requête tendant à l'annulation de cette dernière décision et s'il lui en adresse une copie ou si le juge constate qu'elle a été adressée au greffe et la verse au dossier.

5. Si la décision implicite ou explicite statuant sur le recours administratif préalable obligatoire intervient après que le juge des référés a statué sur la demande de suspension de la décision initiale, à laquelle elle se substitue, les conclusions du pourvoi en cassation éventuellement formé contre l'ordonnance du juge des référés deviennent sans objet.

6. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la Section française de l'Observatoire international des prisons a saisi, le 7 novembre 2024, la Commission d'accès aux documents administratifs d'un recours administratif préalable contre la décision de la cheffe d'établissement du centre pénitentiaire de Baie-Mahault lui refusant la communication de documents relatifs à l'exécution d'injonctions prononcées par le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe. La décision rejetant ce recours, intervenue au plus tard le 10 janvier 2025 en application des articles R. 343-4 et R. 343-5 du code de justice administrative, s'est substituée à la décision initiale. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les conclusions présentées devant le Conseil d'Etat le 3 décembre 2024 par la Section française de l'Observatoire international des prisons, tendant à l'annulation de l'ordonnance du 19 novembre 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à ce que l'exécution de la décision initiale soit suspendue, sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi de la Section française de l'Observatoire international des prisons dirigées contre l'ordonnance du 19 novembre 2024 du juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe.

Article 2 : Les conclusions présentées par la Section française de l'Observatoire international des prisons au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Section française de l'Observatoire international des prisons et au ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré à l'issue de la séance du 20 février 2025 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; Mme Isabelle Lemesle, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 5 mars 2025.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

La rapporteure :

Signé : Mme Isabelle Lemesle

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Léandre Monnerville


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 499413
Date de la décision : 05/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 mar. 2025, n° 499413
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Isabelle Lemesle
Rapporteur public ?: M. Frédéric Puigserver
Avocat(s) : SCP SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:499413.20250305
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