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10/03/2025 | FRANCE | N°494748

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 10 mars 2025, 494748


Vu la procédure suivante :



Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 3 juin et 2 septembre 2024 et le 10 janvier 2025, la fédération nationale des entreprises des activités physiques de loisirs (Active-FNEAPL) demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet par laquelle le Premier ministre a refusé de faire droit à sa demande tendant à la modification ou, à défaut, à l'ab

rogation du décret n° 2023-848 du 31 août 2023 relatif à la règlementation des engins de dé...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 3 juin et 2 septembre 2024 et le 10 janvier 2025, la fédération nationale des entreprises des activités physiques de loisirs (Active-FNEAPL) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet par laquelle le Premier ministre a refusé de faire droit à sa demande tendant à la modification ou, à défaut, à l'abrogation du décret n° 2023-848 du 31 août 2023 relatif à la règlementation des engins de déplacement personnel motorisés ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre de modifier, dans la mesure de sa demande, ce décret ou, à défaut de l'abroger, dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2015/1535/CE du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 ;

- le code de la route ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Julia Flot, auditrice,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La fédération nationale des entreprises des activités physiques de loisirs (Active-FNEAPL) a, par un courrier du 6 février 2024, demandé au Premier ministre de modifier le décret du 31 août 2023 relatif à la règlementation des engins de déplacement personnel motorisés pour prévoir une exception au relèvement de l'âge minimal pour conduire ces engins qu'il opère en le portant, à l'article R. 412-43-3 du code de la route, de douze à quatorze ans, afin de tenir compte de la situation spécifique des excursions proposées par les professionnels du secteur des loisirs sportifs marchands de plein air ou, à défaut, d'abroger ce décret. Elle demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Premier ministre a refusé de faire droit à sa demande.

2. En premier lieu, en application de l'article 5 de la directive 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information, tout Etat membre qui souhaite adopter une nouvelle règle technique au sens de cette directive ou modifier une règle technique existante doit, sauf s'il s'agit d'une simple transposition intégrale d'une norme internationale ou européenne, en informer la Commission européenne dans les conditions prévues par cet article. Le f) du 1 de l'article 1er de cette directive définit une " règle technique " comme : " une spécification technique ou autre exigence ou une règle relative aux services, y compris les dispositions administratives qui s'y appliquent, dont l'observation est obligatoire de jure ou de facto, pour la commercialisation, la prestation de services, l'établissement d'un opérateur de services ou l'utilisation dans un État membre ou dans une partie importante de cet État, de même que, sous réserve de celles visées à l'article 7, les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres interdisant la fabrication, l'importation, la commercialisation ou l'utilisation d'un produit ou interdisant de fournir ou d'utiliser un service ou de s'établir comme prestataire de services ". Le d) du 1 de l'article 1er de cette directive définit une " autre exigence " comme " une exigence, autre qu'une spécification technique, imposée à l'égard d'un produit pour des motifs de protection, notamment des consommateurs ou de l'environnement, et visant son cycle de vie après mise sur le marché, telle que ses conditions d'utilisation, de recyclage, de réemploi ou d'élimination lorsque ces conditions peuvent influencer de manière significative la composition ou la nature du produit ou sa commercialisation ".

3. Si le syndicat professionnel requérant soutient que le décret du 31 août 2023 aurait dû faire l'objet d'une communication à la Commission européenne en application des dispositions citées au point 2, il ressort des pièces du dossier que ses dispositions se bornent à modifier l'article R. 412-43-3 du code de la route pour relever de douze ans à quatorze ans l'âge minimum pour conduire des engins de déplacement personnel motorisés et portent sur les seules voies ouvertes à la circulation publique. Une telle mesure de restriction de l'utilisation des engins de déplacement personnel motorisés ne saurait relever de la catégorie des " dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres interdisant la fabrication, l'importation, la commercialisation ou l'utilisation d'un produit ", au sens de l'article 1er, paragraphe 1, sous f), de la directive 2015/1535. Il n'est pas davantage établi que cette mesure ait pour effet d'influencer de manière significative la commercialisation de ces engins dans des conditions de nature à la faire entrer dans le champ des " règles techniques " constituées des " autres exigences ", définie à l'article 1er, paragraphe 1, sous d), de la directive 2015/1535. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure qui résulterait de l'absence de communication à la Commission européenne doit, en tout état de cause, être écarté.

4. En deuxième lieu, pour décider de relever de douze ans à quatorze ans l'âge minimum pour conduire les engins de déplacement personnel motorisés sur les voies ouvertes à la circulation publique, le Premier ministre s'est notamment fondé, d'une part, sur le jeune âge de ces conducteurs et leur inexpérience qui sont des facteurs de risque sur la route et, d'autre part, sur les données d'accidentologie disponibles qui montrent que les mineurs de moins de quatorze ans sont particulièrement concernés par les accidents impliquant ces engins. Il en résulte que le décret du 31 août 2023 n'est pas entaché d'une erreur d'appréciation, alors même qu'il ne prévoit pas d'exception pour les excursions proposées par les professionnels du secteur des loisirs sportifs marchands de plein air, et que les moyens tirés de l'atteinte au principe de proportionnalité et à la liberté du commerce et de l'industrie doivent être écartés.

5. En troisième et dernier lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un comme l'autre cas, en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier. Si le syndicat requérant conteste la différence de traitement entre les utilisateurs des engins de déplacement personnel motorisés, qui doivent être âgés d'au moins quatorze ans pour circuler sur les voies ouvertes à la circulation publique, et ceux de cycles à pédalage assisté, auxquels aucune limite d'âge n'est applicable, il ressort des pièces du dossier que les engins de déplacement personnel motorisés et les cycles à pédalage assisté présentent des caractéristiques techniques différentes, exposant les utilisateurs des premiers à des risques accrus et justifiant la différence de traitement opérée. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions du décret du 31 août 2023 méconnaîtraient le principe d'égalité doit être écarté.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat professionnel requérant n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du refus du Premier ministre de modifier ou, à défaut, d'abroger le décret du 31 août 2023. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la fédération nationale des entreprises des activités physiques de loisirs (Active-FNEAPL) est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la fédération nationale des entreprises des activités physiques de loisirs (Active-FNEAPL), au Premier ministre et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré à l'issue de la séance du 17 février 2025 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme Anne Courrèges, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Pascal Trouilly, conseillers d'Etat et Mme Julia Flot, auditrice-rapporteure.

Rendu le 10 mars 2025.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :

Signé : Mme Julia Flot

La secrétaire :

Signé : Mme Eliane Evrard


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 494748
Date de la décision : 10/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 mar. 2025, n° 494748
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Julia Flot
Rapporteur public ?: M. Clément Malverti

Origine de la décision
Date de l'import : 14/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:494748.20250310
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