Vu la procédure suivante :
La société Frenad a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler les décisions des 31 août et 13 décembre 2021 par lesquelles la direction générale des finances publiques a rejeté ses demandes d'aide au titre du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation pour les mois d'avril et mai 2021 et de juin et juillet 2021 et d'enjoindre à l'Etat de lui verser ces aides. Par un jugement n° 2200029 du 20 avril 2023, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par une ordonnance n° 489093 du 28 août 2023, la présidente-assesseure de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Frenad contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 octobre et 1er décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Frenad demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 ;
- le décret n° 2021-1087 du 17 août 2021 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Réda Wadjinny-Green, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la société Frenad ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Frenad a sollicité, au titre des mois d'avril et de mai 2021 ainsi que des mois de juin et de juillet 2021, l'aide exceptionnelle à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19. Par un jugement du 20 avril 2023, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 13 décembre 2021 et du 31 août 2021 lui refusant cette aide. La société Frenad se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 28 août 2023 par laquelle la présidente-assesseure de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.
2. L'article 1er de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant création d'un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation a institué " un fonds de solidarité ayant pour objet le versement d'aides financières aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette ordonnance : " Un décret fixe le champ d'application du dispositif, les conditions d'éligibilité et d'attribution des aides, leur montant ainsi que les conditions de fonctionnement et de gestion du fonds ".
3. En premier lieu, les dispositions du V de chacun des articles 3-26 et 3-27 du décret du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation prévoyaient, s'agissant des aides destinées à compenser la perte de chiffre d'affaires subie au cours des mois d'avril et de mai 2021, que la demande d'aide devait être " réalisée par voie dématérialisée au plus tard le 31 juillet 2021 ". Par suite, en jugeant, après avoir relevé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, que la société Frenad avait présenté sa demande d'aide au titre des mois d'avril et mai 2021 postérieurement à cette date butoir, que cette demande était tardive, la magistrate désignée pour statuer par ordonnance n'a pas commis d'erreur de droit, sans que puissent être utilement invoqués pour la première fois en cassation les principes de confiance légitime et de sécurité juridique.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-28 du même décret du 30 mars 2020, dans sa rédaction applicable au litige, issue du décret du 17 août 2021 : " I.-A.- Les entreprises (...) bénéficient d'aides financières prenant la forme de subventions destinées à compenser la perte de chiffre d'affaires subie au cours de chaque période mensuelle comprise entre le 1er juin 2021 et le 31 août 2021, dite période mensuelle considérée, lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes : (...) / 3° Ou, au cours de la période mensuelle considérée, elles ont subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 10 %, elles ont bénéficié d'une aide versée au titre des articles 3-26 ou 3-27 du présent décret et elles appartiennent à l'une des trois catégories suivantes : (...) ".
5. Il résulte des dispositions citées au point 4 que, pour leur application au titre, notamment, des mois de juin et juillet 2021, les entreprises qui remplissaient les conditions pour bénéficier de l'aide financière au titre du mois d'avril ou de mai 2021, posées respectivement par le A du I de l'article 3-26 et le A du I de l'article 3-27 du décret du 30 mars 2020, doivent être regardées comme remplissant la condition, énoncée au 3° du A du I de l'article 3-28 de ce décret, d'avoir bénéficié d'une aide versée au titre des articles 3-26 ou 3-27, quand bien même cette aide n'aurait pas été effectivement versée, faute notamment d'avoir été présentée dans le délai fixé par ces articles.
6. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que la magistrate désignée a jugé que, pour être éligibles à l'aide financière au titre des mois de juin et juillet 2021, les entreprises relevant du 3° du A du I de l'article 3-28 du décret du 30 mars 2020 devaient en avoir effectivement bénéficié au titre des mois d'avril et de mai 2021. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en statuant ainsi, elle a commis une erreur de droit.
7. En dernier lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les (...) magistrats ayant le grade de président désignés à cet effet par le président de la cour peuvent (...) par ordonnance, rejeter (...), après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement. (...) ". Contrairement à ce qui est soutenu, la présidente-assesseure de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Versailles n'a pas fait un usage abusif de ces dispositions en rejetant par ordonnance la requête de la société Frenad au titre des mois d'avril et de mai 2021.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Frenad est seulement fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque en tant qu'elle s'est prononcée sur ses demandes d'aide au titre des mois de juin et de juillet 2021.
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Frenad au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 28 août 2023 de la présidente-assesseure de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Versailles est annulée en tant qu'elle s'est prononcée sur les demandes d'aide de la société Frenad au titre des mois de juin et de juillet 2021.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles dans cette mesure.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la société Frenad est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Frenad et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 13 février 2025 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Vincent Daumas, conseiller d'Etat et M. Réda Wadjinny-Green, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 11 mars 2025.
La présidente :
Signé : Mme Anne Egerszegi
Le rapporteur :
Signé : M. Réda Wadjinny-Green
Le secrétaire :
Signé : M. Gilles Ho
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :