Vu la procédure suivante :
La société AME a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de prononcer la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, et, d'autre part, de lui accorder la décharge des intérêts de retard appliqués sur ces rappels ainsi que de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1729 D du code général des impôts au titre des exercices clos en 2015, 2016 et 2017. Par un jugement n° 1909495 du 19 mai 2022, ce tribunal, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu à statuer à concurrence d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance, a prononcé la réduction des rappels en litige ainsi que la décharge des intérêts de retard et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Par un arrêt n° 22DA01820 du 16 novembre 2023, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique contre ce jugement.
Par un pourvoi enregistré le 19 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Réda Wadjinny-Green, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société AME a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a réclamé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 assortis des pénalités prévues aux articles 1727, 1728 et 1729 D du code général des impôts. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 16 novembre 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté son appel contre le jugement du 19 mai 2022 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a prononcé la réduction des rappels de taxe en litige et la décharge des intérêts de retard restant en litige.
2. Aux termes de l'article 287 du code général des impôts : " 1. Tout redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est tenu de remettre au service des impôts dont il dépend et dans le délai fixé par arrêté une déclaration conforme au modèle prescrit par l'administration. / 2. Les redevables soumis au régime réel normal d'imposition déposent mensuellement la déclaration visée au 1 indiquant, d'une part, le montant total des opérations réalisées, d'autre part, le détail des opérations taxables. La taxe exigible est acquittée tous les mois ".
3. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. (...) Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée ".
4. Une contestation ayant trait à l'imputation de sommes déjà versées au titre de la taxe sur la valeur ajoutée ne concerne pas la détermination de l'assiette de cette taxe ou son calcul mais le montant de la dette fiscale du redevable. Par suite, cette contestation est relative au recouvrement et non à l'assiette de la taxe.
5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'après avoir rappelé que la société AME avait introduit un contentieux d'assiette tendant à la décharge d'une partie des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui avaient été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Douai a jugé que le moyen qu'elle avait soulevé devant le tribunal administratif contestant l'imputation, à laquelle s'était livrée l'administration fiscale, des différents paiements de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle avait déjà procédé entre les différentes périodes au titre desquelles elle était redevable de la taxe, ne relevait pas du contentieux du recouvrement. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus qu'un tel moyen se rattachait au recouvrement de la taxe sur la valeur ajoutée et était, par suite, inopérant dans le cadre d'un contentieux d'assiette, la cour a commis une erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'article 1er de l'arrêt qu'il attaque.
7. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de régler l'affaire au fond, dans la mesure de la cassation prononcée, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
8. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le moyen soulevé devant le tribunal administratif de Lille contestant l'imputation, par l'administration fiscale, des différents paiements de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la société AME avait déjà procédé, entre les différentes périodes au titre desquelles elle était redevable de la taxe, se rattache au recouvrement de la taxe sur la valeur ajoutée et est, par suite, inopérant dans le cadre d'un contentieux d'assiette.
9. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal a accordé à la société AME la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, à hauteur de 14 990 euros en droits et de 5 996 euros au titre de la pénalité prévue au b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'article 1er de l'arrêt du 16 novembre 2023 de la cour administrative d'appel de Douai et l'article 2 du jugement du 19 mai 2022 du tribunal administratif de Lille sont annulés.
Article 2 : Il est remis à la charge de la société AME la somme de 14 990 euros au titre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée due au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 et de la somme de 5 996 euros au titre de la pénalité prévue au b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre chargée des comptes publics et à la société AME.
Délibéré à l'issue de la séance du 13 février 2025 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Vincent Daumas, conseiller d'Etat et M. Réda Wadjinny-Green, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 11 mars 2025.
La présidente :
Signé : Mme Anne Egerszegi
Le rapporteur :
Signé : M. Réda Wadjinny-Green
Le secrétaire :
Signé : M. Gilles Ho
La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :