Vu la procédure suivante :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de taxe sur les plus-values supérieures à 50 000 euros, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2014, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1901678 du 28 janvier 2022, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 22LY00687 du 28 décembre 2023, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. C... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 mars, 14 mai et 18 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Réda Wadjinny-Green, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de M. C... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue de l'examen de sa situation fiscale personnelle, M. C... s'est vu notifier par l'administration fiscale, au titre de l'année 2014, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de taxe sur les plus-values supérieures à 50 000 euros, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales, assorties de la majoration de 40 % prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts. Par un jugement du 28 janvier 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et majorations. M. C... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 décembre 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement.
2. D'une part, aux termes du I de l'article 150 U du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) les plus-values réalisées par les personnes physiques (...) lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis (...) sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH (...) ". Aux termes de l'article 150 V du même code : " La plus ou moins-value brute réalisée lors de la cession de biens (...) est égale à la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition par le cédant ". Aux termes du I de l'article 150 VB de ce code : " I. - Le prix d'acquisition est le prix effectivement acquitté par le cédant, tel qu'il est stipulé dans l'acte (...). A défaut (...) de prix stipulé dans l'acte (...), le prix d'acquisition s'entend de la valeur vénale réelle à la date d'entrée dans le patrimoine du cédant d'après une déclaration détaillée et estimative des parties (...) ". Aux termes de l'article 74 SD de l'annexe II à ce code : " Lorsque la cession porte sur une partie seulement d'un bien, le prix d'acquisition à retenir pour la détermination de la plus-value imposable est celui de cette seule partie ".
3. Il résulte des dispositions de l'article 150 VB du code général des impôts et de l'article 74 SD de l'annexe II à ce code citées au point 2, que lorsque la cession porte sur une partie seulement d'un bien, le prix d'acquisition à retenir pour la détermination de la plus-value imposable est celui de cette seule partie et, qu'à défaut de prix stipulé dans l'acte pour celle-ci, doit être recherchée sa valeur vénale à sa date d'entrée dans le patrimoine du cédant.
4. D'autre part, aux termes de l'article 28 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, dans sa rédaction en vigueur à la date du 2 juin 2004 : " Sont obligatoirement publiés au bureau des hypothèques de la situation des immeubles : 1° Tous actes, même assortis d'une condition suspensive, et toutes décisions judiciaires, portant ou constatant entre vifs : a) Mutation ou constitution de droits réels immobiliers autres que les privilèges et hypothèques, qui sont conservés suivant les modalités prévues au code civil ; (...) ". Aux termes du deuxième alinéa du 1 de l'article 34 du même décret, dans sa rédaction en vigueur à la même date : " S'agissant des ventes autres que judiciaires, les expéditions, extraits littéraux ou copies de l'acte doivent comporter une partie normalisée, seule publiée au fichier immobilier, qui contient uniquement les éléments indispensables à la publicité des droits réels et à l'assiette des salaires, impôts, droits et taxes, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes du 1 de l'article 34-1 de ce décret, dans sa rédaction en vigueur à la même date : " Pour l'application du deuxième alinéa du 1 de l'article 34, la partie normalisée relate dans l'ordre les énonciations suivantes : / (...) / - prix et modalités de paiement ; / - déclarations nécessaires à la liquidation, à l'assiette ou au contrôle de tous impôts, droits, taxes et salaires ".
5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C... et Mme A... ont acquis en indivision, le 2 juin 2004, d'une part, deux parcelles de terrain, cadastrées F 1028 et F 1993, supportant un bâtiment à usage de ferme, dépendances et terrain attenant et, d'autre part, une parcelle, cadastrée F 6513, supportant un bâtiment à usage de bergerie, avec terrain attenant, au prix global de 2 000 000 euros. M. C... et Mme A... ont conservé les deux premières parcelles et, après avoir procédé, le 25 janvier 2010, à la division de la parcelle F 6513 en deux parcelles, cadastrées F 6873 et F 6874, ont vendu, le 27 février 2014, le chalet qu'ils avaient fait édifier sur la parcelle F 6873, avec le terrain attenant, pour un prix global de 7 900 000 euros. Pour calculer la plus-value immobilière réalisée à l'occasion de cette cession, M. C... et Mme A... ont évalué le prix d'acquisition, en 2004, de la partie du bien immobilier revendue en 2014 en se fondant sur la valeur vénale de celle-ci, déterminée en fonction de son potentiel de surface hors œuvre nette (SHON) constructible, soit un prix d'acquisition de 1 120 000 euros, déclaré dans l'acte de vente du 27 février 2014, pour une SHON de 560 m2. M. C..., propriétaire de la moitié du bien revendu, a ainsi déclaré, le concernant, une plus-value calculée sur la base d'un prix d'acquisition de 560 000 euros. L'administration fiscale a remis en cause ce prix d'acquisition et a retenu, pour l'ensemble de la parcelle F 6513, celui de 500 800 euros, mentionné dans la partie de l'acte d'acquisition du 2 juin 2004 relative aux déclarations sur les plus-values des vendeurs, qu'elle a ramené à 454 589 euros pour la parcelle F 6873 compte tenu de la division parcellaire intervenue depuis, soit un prix d'acquisition, pour la part des droits de M. C... sur ce bien, de 227 294 euros.
6. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'en jugeant que le prix mentionné par les seuls cédants, issu de la ventilation unilatérale du prix stipulé dans cet acte pour l'ensemble des parcelles cédées entre ses différentes composantes en vue de calculer le montant de leur plus-value et de leur imposition, dans la partie normalisée de l'acte d'acquisition du 2 juin 2004 prévue par les dispositions de l'article 34 du décret du 4 janvier 1955 citées au point 4, devait être regardé comme le prix d'acquisition stipulé dans l'acte du bien immobilier en cause au sens et pour l'application du I de l'article 150 VB du code général des impôts, et en s'abstenant par suite de rechercher la valeur vénale réelle du bien à la date d'entrée dans le patrimoine de M. C..., la cour a commis une erreur de droit.
7. Il s'ensuit, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que M. C... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 28 décembre 2023 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... C... et à la ministre chargée des comptes publics.
Délibéré à l'issue de la séance du 13 février 2025 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Vincent Daumas, conseiller d'Etat et M. Réda Wadjinny-Green, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 11 mars 2025.
La présidente :
Signé : Mme Anne Egerszegi
Le rapporteur :
Signé : M. Réda Wadjinny-Green
Le secrétaire :
Signé : M. Gilles Ho
La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :