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13/03/2025 | FRANCE | N°498105

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 13 mars 2025, 498105


Vu la procédure suivante :



La société TDF a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 15 mars 2024 par laquelle le maire de Martigues (Bouches-du-Rhône) s'est opposé à sa déclaration préalable en vue de l'implantation d'un pylône de télécommunication, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux contre cet arrêté.

Par une ordonnance n° 2408277 du 11 s

eptembre 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a fait droit...

Vu la procédure suivante :

La société TDF a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 15 mars 2024 par laquelle le maire de Martigues (Bouches-du-Rhône) s'est opposé à sa déclaration préalable en vue de l'implantation d'un pylône de télécommunication, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux contre cet arrêté.

Par une ordonnance n° 2408277 du 11 septembre 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a fait droit à sa demande de suspension et enjoint au maire de Martigues de délivrer dans le délai d'un mois à la société TDF une attestation provisoire de non-opposition à sa déclaration préalable.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 septembre et 9 octobre 2024, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Martigues demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de la société TDF la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'aviation civile ;

- le code de l'environnement ;

- le code des transports ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2023-1008 du 31 octobre 2023 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Maître Haas, avocat de la commune de Martigues et à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société TDF ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Marseille que par une décision du 15 mars 2024, le maire de Martigues s'est opposé à la déclaration préalable de la société TDF tendant à l'implantation d'un pylône de télécommunication. La commune de Martigues se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 11 septembre 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution de cette décision et enjoint à son maire de délivrer à cette société, dans le délai d'un mois, une attestation provisoire de non-opposition à sa déclaration préalable.

Sur le pourvoi :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont présentées et instruites dans les conditions et délais fixés par décret en Conseil d'État. / (...) / Aucune prolongation du délai d'instruction n'est possible en dehors des cas et conditions prévus par ce décret. / (...) ". Aux termes de l'article R*. 423-19 du même code : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet. " Aux termes de l'article R*. 423-23 de ce code : " Le délai d'instruction de droit commun est de : / a) Un mois pour les déclarations préalables (...) ". Aux termes de l'article R. 423-24 de ce code : " Le délai d'instruction de droit commun prévu par l'article R. 423-23 est majoré d'un mois : / a) Lorsque le projet est soumis, dans les conditions mentionnées au chapitre V, à un régime d'autorisation ou à des prescriptions prévus par d'autres législations ou réglementations que le code de l'urbanisme (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 424-1 du même code : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : / a) Décision de non-opposition à la déclaration préalable (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'à l'expiration du délai d'instruction tel qu'il résulte de l'application des dispositions du chapitre III du titre II du livre IV du code de l'urbanisme relatives à l'instruction des déclarations préalables, des demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir, naît une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite. Une modification du délai d'instruction notifiée après l'expiration du délai d'un mois prévu à l'article R*423-23 de ce code ou qui, bien que notifiée dans ce délai, ne serait pas motivée par l'une des hypothèses de majoration prévues aux articles R*423-24 à R*423-33 du même code, n'a pas pour effet de modifier le délai d'instruction de droit commun à l'issue duquel naît un permis tacite ou une décision de non-opposition à déclaration préalable. S'il appartient à l'autorité compétente, le cas échéant, d'établir qu'elle a procédé à la consultation ou mis en œuvre la procédure ayant motivé la prolongation du délai d'instruction, le bien-fondé de cette prolongation est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.

5. D'autre part, aux termes de l'ancien article R. 244-1 du code de l'aviation civile : " A l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement en application du présent titre, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne est soumis à une autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. / Des arrêtés ministériels déterminent les installations soumises à autorisation ainsi que la liste des pièces qui doivent être annexées à la demande d'autorisation. / L'autorisation peut être subordonnée à l'observation de conditions particulières d'implantation, de hauteur ou de balisage suivant les besoins de la navigation aérienne dans la région intéressée. / Le silence gardé à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date de réception de la demande d'autorisation vaut accord. / (...) ".

6. Pour suspendre l'exécution de la décision du 15 mars 2024 par laquelle le maire de Martigues s'est opposé à la déclaration préalable de la société TDF et enjoindre au maire de délivrer, à titre provisoire, un certificat de non-opposition à cette déclaration, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a relevé que la commune n'était pas fondée à prolonger le délai d'instruction d'un mois au motif qu'une autorisation des services de l'aviation civile était requise et que la société TDF était donc bénéficiaire, à compter du 22 février 2024, d'une décision tacite de non-opposition à déclaration préalable. Il en a déduit que la décision du 15 mars 2024 devait être regardée comme une décision de retrait de cette décision tacite et que, par suite, le moyen tiré de ce qu'elle était intervenue sans que la procédure contradictoire préalable prévue à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ait été mise en œuvre était propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à sa légalité.

7. Pour juger qu'aucune autorisation des services de l'aviation civile n'était requise, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille s'est notamment fondé sur la circonstance que les dispositions de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile la prévoyant avaient été abrogées à compter du 1er novembre 2023. Toutefois, en se prononçant ainsi, alors qu'une telle abrogation a été opérée par le décret du 31 octobre 2023 portant sixième partie réglementaire du code des transports et que les dispositions abrogées sont reprises aux articles L. 6352-1 et R. 6352-1 et suivants du code des transports, le juge des référés a commis une erreur de droit. Par ailleurs, il résulte de ce qui a été dit au point 4, qu'en estimant que la commune n'était pas fondée à prolonger le délai d'instruction au motif que le projet ne répondait pas aux caractéristiques imposant de solliciter une autorisation des services de l'aviation civile en application de ces dispositions, le juge des référés a commis une autre erreur de droit.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de faire droit à la substitution de motifs demandée par la société TDF tirée de ce que la commune n'établit pas avoir consulté les services de l'aviation civile, ce moyen n'ayant pas été soulevé devant le juge des référés du tribunal et requérant une appréciation des faits qui ne saurait relever du juge de cassation, que la commune de Martigues est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

9. Il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée.

Sur la demande de suspension :

10. D'une part, eu égard à l'intérêt public qui s'attache à la couverture du territoire national par les réseaux de téléphonie mobile et à la finalité de l'infrastructure projetée, la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie.

11. D'autre part, il résulte de l'instruction que le maire de Martigues a fondé son opposition à la déclaration préalable déposée par la société TDF sur l'incompatibilité du projet avec les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme relatif à la zone N, la nécessité de trouver des points hauts déjà existants pouvant être mutualisés, l'absence de continuité avec d'autres constructions, la méconnaissance de l'article N9 du règlement du plan local d'urbanisme et l'absence de précision suffisante du dossier de déclaration préalable pour apprécier le respect des dispositions du 2.1 de l'article N10 du même règlement. Les moyens tirés des erreurs de droit, d'appréciation et de fait entachant ces différents motifs sont de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la légalité de cette décision.

12. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, en l'état du dossier soumis au Conseil d'Etat, aucun autre moyen n'est susceptible d'entraîner la suspension de la décision attaquée.

13. Il résulte de ce qui précède que la société TDF est fondée à demander la suspension de l'exécution de la décision contestée du 15 mars 2024 et de celle rejetant son recours gracieux.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

14. Il y a lieu d'enjoindre au maire de Martigues de prendre, à titre provisoire, une décision de non opposition à la déclaration préalable de la société TDF dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société TDF, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que demande la commune de Martigues à ce titre. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de celle-ci une somme de 3 000 euros à verser à la société TDF au même titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Marseille du 11 septembre 2024 est annulée.

Article 2 : L'exécution de l'arrêté du 15 mars 2024 par lequel le maire de la commune de Martigues s'est opposé à la déclaration préalable de la société TDF en vue de l'implantation d'un pylône de télécommunication et de la décision implicite rejetant le recours gracieux de celle-ci contre cet arrêté est suspendue.

Article 3 : Il est enjoint au maire de Martigues de prendre, à titre provisoire, une décision de non opposition à la déclaration préalable déposée par la société TDF dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : La commune de Martigues versera à la société TDF une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Martigues au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la commune de Martigues et à la société TDF.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 498105
Date de la décision : 13/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 mar. 2025, n° 498105
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Amélie Fort-Besnard
Rapporteur public ?: Mme Dorothée Pradines
Avocat(s) : HAAS ; SCP PIWNICA & MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:498105.20250313
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