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20/03/2025 | FRANCE | N°472778

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 20 mars 2025, 472778


Vu la procédure suivante :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 23 novembre 2018 par laquelle l'établissement public de santé mentale (EPSM) de l'agglomération lilloise a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont il est atteint ainsi que la décision du 14 mars 2019 rejetant son recours gracieux. Par un jugement n° 1903735 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif a fait droit à cette demande et enjoint à l'EPSM de l'agglomération lilloise de reconnaître l'imputabilité au

service de la pathologie en cause.



Par un arrêt n° 22DA00...

Vu la procédure suivante :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 23 novembre 2018 par laquelle l'établissement public de santé mentale (EPSM) de l'agglomération lilloise a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont il est atteint ainsi que la décision du 14 mars 2019 rejetant son recours gracieux. Par un jugement n° 1903735 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif a fait droit à cette demande et enjoint à l'EPSM de l'agglomération lilloise de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie en cause.

Par un arrêt n° 22DA00122 du 7 février 2023, la cour administrative d'appel de Douai, sur appel de l'EPSM de l'agglomération lilloise, a annulé ce jugement et rejeté la demande de première instance.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et trois autres mémoires, enregistrés les 5 avril 2023, 5 juillet 2023, 9 décembre 2024, 27 janvier 2025 et 28 février 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses écritures d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'EPSM de l'agglomération lilloise la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Hortense Naudascher, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. C... et à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de l'établissement public de santé mentale de l'agglomération lilloise ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, technicien supérieur hospitalier à l'établissement public de santé mentale (EPSM) de l'agglomération lilloise, M. A... C... a reçu des injections du vaccin contre le virus de l'hépatite B les 8 décembre 1992, 3 février 1993 et 15 mars 1993. Il a présenté quelques semaines après la dernière injection des douleurs qu'il impute à cette vaccination obligatoire. Ces troubles ont été ultérieurement attribués à une fibromyalgie. Par une décision du 23 novembre 2018, confirmée sur recours gracieux le 14 mars 2019, l'EPSM a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont M. C... est atteint. Par un jugement du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille, saisi par l'intéressé, a annulé ces décisions et enjoint à l'EPSM de reconnaître l'imputabilité au service de la fibromyalgie. M. C... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 7 février 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, sur appel de l'EPSM, a annulé ce jugement et rejeté sa demande de première instance.

Sur le pourvoi :

2. Saisi d'un litige individuel portant sur les conséquences pour la personne concernée d'une vaccination présentant un caractère obligatoire, il appartient au juge, dans un premier temps, de s'assurer, au vu du dernier état des connaissances scientifique en débat devant lui, qu'il n'y a aucune probabilité qu'un lien de causalité entre la vaccination et l'affection présentée existe. Il lui appartient ensuite, soit s'il ressort de cet examen qu'il n'y a aucune probabilité qu'un tel lien existe, de rejeter la demande, soit dans l'hypothèse inverse, de procéder à l'examen des circonstances de l'espèce et de ne retenir alors l'existence d'un lien de causalité entre la vaccination obligatoire et les symptômes ressentis par l'intéressé, que si ceux-ci sont apparus, postérieurement à la vaccination, dans un délai normal pour ce type d'affection, ou se sont aggravés à un rythme et une ampleur qui n'étaient pas prévisibles au vu de son état de santé antérieur ou de ses antécédents et, par ailleurs, qu'il ne ressort pas du dossier qu'ils peuvent être regardés comme résultant d'une autre cause que la vaccination.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C... a consulté plusieurs médecins et effectué divers examens médicaux dès le mois de mai 1993, en raison de douleurs rachidiennes persistantes et de troubles du sommeil. Alors qu'il faisait état, dès le mois de mai 1993, de divers symptômes répétés et suffisamment significatifs, la cour administrative d'appel s'est fondée, pour écarter le lien de causalité entre la vaccination et la pathologie, sur la longueur du délai séparant la dernière injection et le diagnostic de fibromyalgie posé en 1999 seulement. En se référant, pour apprécier ce délai à la date de diagnostic de la fibromyalgie et non à celle des premiers symptômes qui la caractérisent, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit. M. C... est fondé à demander, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur le règlement du litige au fond :

5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'hypothèse d'un lien de causalité entre la vaccination contre l'hépatite B et le syndrome de fibromyalgie ait été émise par des travaux de recherche scientifique ayant donné lieu à publication dans des revues reconnues. Par suite, en l'absence de toute probabilité qu'un tel lien existe, au vu du dernier état des connaissances scientifiques tel qu'il résulte des pièces du dossier, l'Établissement public de santé mentale de l'agglomération lilloise est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a reconnu l'imputabilité au service de la pathologie de M. C..., diagnostiquée comme une fibromyalgie. Son jugement doit, par suite, être annulé.

6. Il y a lieu pour le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Lille.

7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que Mme D... B..., directrice des ressources humaines de l'EPSM de l'agglomération lilloise, avait régulièrement reçu délégation de signature du directeur général de cet établissement, conformément à l'article D. 6143-33 du code de la santé publique, afin de signer la décision du 23 novembre 2018. D'autre part, l'irrégularité prétendue de la notification de la décision du 14 mars 2019 est sans incidence sur sa légalité.

8. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir des décisions qu'il attaque.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par M. C... en première instance et par l'EPSM de l'agglomération lilloise tant en cassation qu'en appel. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par M. C... tant en cassation qu'en appel et par l'EPSM de l'agglomération lilloise en première instance.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 7 février 2023 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé.

Article 2 : Le jugement du 16 décembre 2021 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 3 : La demande de première instance de M. C... est rejetée.

Article 4 : Les conclusions des parties tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... C... et l'Établissement public de santé mentale de l'agglomération lilloise.


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 472778
Date de la décision : 20/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITÉ EN RAISON DES DIFFÉRENTES ACTIVITÉS DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTÉ - SERVICE DES VACCINATIONS - INDEMNISATION DES DOMMAGES IMPUTABLES AUX VACCINATIONS OBLIGATOIRES – CONDITIONS [RJ1] – PROBABILITÉ NON-NULLE D’UN LIEN DE CAUSALITÉ ENTRE UN VACCIN ET UNE AFFECTION – 1) DATE À PRENDRE EN COMPTE POUR L’APPRÉCIER – DATE DU DIAGNOSTIC DE LA PATHOLOGIE – 2) ILLUSTRATION – AUCUNE PROBABILITÉ D’UN LIEN ENTRE LA VACCINATION CONTRE L’HÉPATITE B ET LE SYNDROME DE FIBROMYALGIE [RJ2].

60-02-01-03 1) Pour apprécier si, au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant lui, il n’y a aucune probabilité qu’un lien de causalité existe entre une vaccination présentant un caractère obligatoire et une affection, il y a lieu pour le juge de se référer à la date de diagnostic de cette dernière et non à celle des premiers symptômes qui la caractérisent....2) Il ne ressort pas des pièces du dossier que l’hypothèse d’un lien de causalité entre la vaccination contre l’hépatite B et le syndrome de fibromyalgie ait été émise par des travaux de recherche scientifique ayant donné lieu à publication dans des revues reconnues. ...Au vu du dernier état des connaissances scientifiques, il n’existe donc aucune probabilité qu’un tel lien existe.

SANTÉ PUBLIQUE - LUTTE CONTRE LES FLÉAUX SOCIAUX - LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE - PROPHYLAXIE - VACCINATIONS - INDEMNISATION DES DOMMAGES IMPUTABLES AUX VACCINATIONS OBLIGATOIRES – CONDITIONS [RJ1] – PROBABILITÉ NON-NULLE D’UN LIEN DE CAUSALITÉ ENTRE UN VACCIN ET UNE AFFECTION – 1) DATE À PRENDRE EN COMPTE POUR L’APPRÉCIER – DATE DU DIAGNOSTIC DE LA PATHOLOGIE – 2) ILLUSTRATION – AUCUNE PROBABILITÉ D’UN LIEN ENTRE LA VACCINATION CONTRE L’HÉPATITE B ET LE SYNDROME DE FIBROMYALGIE [RJ2].

61-03-01-01-01 1) Pour apprécier si, au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant lui, il n’y a aucune probabilité qu’un lien de causalité existe entre une vaccination présentant un caractère obligatoire et une affection, il y a lieu pour le juge de se référer à la date de diagnostic de cette dernière et non à celle des premiers symptômes qui la caractérisent....2) Il ne ressort pas des pièces du dossier que l’hypothèse d’un lien de causalité entre la vaccination contre l’hépatite B et le syndrome de fibromyalgie ait été émise par des travaux de recherche scientifique ayant donné lieu à publication dans des revues reconnues. ...Au vu du dernier état des connaissances scientifiques, il n’existe donc aucune probabilité qu’un tel lien existe.


Publications
Proposition de citation : CE, 20 mar. 2025, n° 472778
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Hortense Naudascher
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET ; SARL LE PRADO – GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:472778.20250320
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